Dans un arrêt du 20 février 2019 (Cass. com.,
20 févr. 2019 n° 17-21470), la Chambre commerciale de la Cour de cassation
exclut tout manquement au devoir de loyauté dans la mise en œuvre du droit à
révocation dès lors que le dirigeant, ayant connaissance des motifs de
révocation, a bénéficié d’un délai de six jours pour préparer sa défense.
Monsieur X s’est vu confier les mandats de président de trois sociétés et
avait la qualité de gérant salarié d’une quatrième société du même groupe. Ce
dirigeant s’étant abstenu de restituer une prime indue, a été révoqué de ses
quatre mandats sociaux. Il a alors assigné les quatre sociétés en paiement de
dommages et intérêts pour révocation abusive.
Il soutenait que l’actionnaire unique des sociétés « avait à
dessein orchestré un calendrier rendant en pratique quasi-impossible l’exercice
effectif de la contradiction » puisqu’il avait été convoqué le 28 mars 2011 à Coblence, en Allemagne, en vue d’une révocation le 29 mars 2011, à Montpellier, dans le cadre d’un entretien préalable à
son licenciement, et le 31 mars 2011, à Montpellier, en vue d’une autre révocation.
La Cour de cassation rejette le pourvoi, retenant que dès le 22 mars – date de réception de sa convocation – le dirigeant a eu
connaissance des griefs qui lui étaient imputés. Il a donc disposé d’un délai
de six jours pour présenter ses observations. Et d’ajouter qu’il pouvait
parfaitement participer à l’entretien préalable à son licenciement qui se
tenait le lendemain à Montpellier, et qu’il a été utilement convoqué le 29 mars pour le 31 mars 2011, à Montpellier, dès lors que les motifs de
révocation de son mandat étaient identiques à ceux de la première convocation.
La Haute Cour en conclut qu’aucun manquement au devoir de loyauté dans
la mise en œuvre du droit à révocation ne peut être caractérisé lorsque le
dirigeant « a eu connaissance des motifs précis de la révocation de ses
mandats et a disposé d’un temps suffisant pour se déplacer et présenter ses
observations ».
Cette solution s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence de la
Cour de cassation, laquelle juge que la révocation revêt un caractère abusif et
méconnaît l’obligation de loyauté dans l’exercice du droit de révocation
lorsque :
• l’administrateur n’a pas eu connaissance des
motifs de sa révocation avant qu’il soit procédé au vote (Cass. com., 14 mai 2013, numéro 11-22.845) ;
• le dirigeant n’a pas été mis en mesure de
présenter ses observations (Cass. com., 22 oct. 2013,
numéro 12-24.162).
La durée dont dispose le dirigeant pour préparer sa défense est
appréciée au cas par cas. Il a été jugé que la révocation décidée par une
assemblée convoquée le matin pour l’après-midi n’était pas abusive car le délai
dont le dirigeant avait bénéficié pour assurer sa défense avait été suffisant
et parce qu’il avait connaissance des faits qui lui étaient reprochés (Cass.
com., 6 nov. 2012, numéro 11-20.582).
En conséquence, il importe peu que la procédure se soit déroulée très
rapidement dès lors que le dirigeant a été informé des motifs de la révocation
et qu’il a pu présenter ses observations avant le vote de la décision (Cass.
com., 10 févr. 2015, numéro 13-27.967).
Toutefois, on réserve le cas de la révocation intervenue à l’occasion
d’un incident de séance, laquelle peut être prononcée même lorsqu’elle n’a pas
été inscrite à l’ordre du jour (Cass. civ. 1re, 5 mars 2009, numéro 08-11.643).
Cabinet Touzet Bocquet & Associés