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Entretien avec Carbon de Seze et Nathalie Dubois - « Changeons d’époque ! »

Entretien avec Carbon de Seze et Nathalie Dubois - « Changeons d’époque ! »
Publié le 27/11/2018 à 15:02

« Changeons d’époque ! » telle est la devise – si ce n’est la promesse – que formulent Carbon de Seze et Nathalie Dubois, respectivement candidats, en binôme, au bâtonnat et vice-bâtonnat du barreau de Paris 2020. Carbon de Seze est avocat pénaliste et civiliste du barreau de Paris, ancien Secrétaire de la Conférence du stage et ancien membre du conseil de l’Ordre ; Nathalie Dubois, également ancienne Secrétaire de la Conférence, exerce à titre individuel et est spécialisée en contentieux du Droit de la Presse. Quels projets pour le barreau de Paris ? Comment imaginent-ils l’avenir de la profession ? Quelles mesures souhaitent-ils mettre en place en faveur de la parité ? Réponses.



Quels sont vos sentiments sur les réformes de la justice ?


Notre sentiment est très mitigé, voire méfiant. Ces réformes ont pour titre et pour philosophie « la simplification du droit ». Mais pour qui est cette simplification ? Pour les OPJ, certainement. Pour les magistrats, peut-être. Pour les avocats et donc pour leur clients, ces justiciables qui sont nos concitoyens, certainement pas !


Les avocats sont, comme trop souvent, la portion congrue ou les empêcheurs de juger en vitesse ou à l’économie.


Il faut saluer le travail considérable de nos confrères membres du Conseil national des barreaux et membres du Conseil de l’Ordre de Paris, qui ont réussi à faire quand même un peu bouger les choses. En matière civile par exemple, où les textes ont pu évoluer grâce au travail de nos amis Carine Denoit-Benteux et Emmanuel Raskin de la Commission Texte, Catherine Peulvé de la Commission Droit et entreprise et, au barreau de Paris, de Hirbod Dehghani-Azar, membre du Conseil de l’Ordre… Même si certains pourront encore regretter plus de dématérialisation et plus de déjudiciarisation. En matière pénale en revanche, malgré tous les efforts fournis, on doit regretter la perte de terrain du contradictoire et des libertés publiques avec, par exemple, toujours plus d’écoutes téléphoniques et toujours moins de contrôle aux mesures attentatoires aux libertés individuelles. Il faut cependant saluer un sursaut de la part du Sénat qui a adopté récemment, des amendements pour maintenir un certain niveau de garantie pour les libertés publiques. Reste que le texte n’est pas encore final tant qu’il n’est pas voté par le Parlement et que, surtout, nous n’avons aucune idée de la teneur des décrets dapplication qui devront être pris.


 


Quelles seraient les priorités de votre mandat ?


Précisément, l’une des trois priorités de notre mandat sera de mieux nous défendre. Il faut renforcer l’influence de notre barreau auprès des pouvoirs publics, mais aussi et plus largement de toute la société civile, pour mieux nous faire entendre, pour porter nos projets et nos idées. Nous en avons tous assez que les avocats se fassent marcher sur les pieds quand la profession ne se tire pas elle-même une balle dans le pied. Nos textes et notre régulation professionnelle doivent pouvoir s’adapter au changement d’époque que nous vivons et que nous voulons accompagner.


La deuxième priorité sera de mieux nous servir. Cela veut dire qu’à la fois dans les services de l’Ordre mais aussi dans nos cabinets, notre vie professionnelle doit être rendue plus facile et non pas plus compliquée : avoir un accès pour tous à un outil numérique de gestion de cabinet qui sera aussi un guichet unique pour accéder au RPVA, aux informations et données dont nous avons besoin, simplifier, moderniser et digitaliser notre formation continue pour la rendre moins coûteuse en argent, en temps, en efforts…


Et puis notre troisième priorité sera de mieux protéger l’avocat lorsqu’il ou elle est fragilisé-e, mieux lutter contre la précarisation de notre profession, de notre exercice. Il faut arrêter de croire qu’on ne peut pas parler d’argent : l’accompagnement des avocats qui ont des difficultés financières ou l’aide au recouvrement des honoraires sont aujourd’hui des sujets cruciaux que ce soit pour ceux qui en souffrent que pour toute l’image de notre profession. C’est aussi, bien sûr, lutter sans compromission ni passe-droit contre les discriminations, le harcèlement, et tous les manquements petits ou grands qui viennent pourrir notre vie professionnelle.


 


Comment compteriez-vous agir en faveur de la parité ?


C’est un bon exemple des inégalités contre lesquelles nous continuerons toujours de nous battre. Car plutôt que de parler de parité et se focaliser sur des chiffres et statistiques, ce qui nous importe est l’égalité professionnelle entre tous, ce qui va au-delà du quantitatif pour s’attacher aussi à l’aspect qualitatif. Deux sortes de mesures seront prises. Les premières sont des sanctions et viseront à faire cesser au plus vite les comportements fautifs. À cet égard, notre procédure déontologique et disciplinaire peut être plus efficace, l’Ordre s’est d’ailleurs donné des moyens de lutte efficace ces dernières années, il faut continuer. Les deuxièmes mesures sont incitatives, car l’égalité n’est pas un obstacle, c’est un avantage, et nous devons le voir comme tel. Les champions de l’égalité professionnelle doivent être récompensés, les cabinets vertueux doivent pouvoir être mis en avant… Plutôt que de parler toujours des trains qui n’arrivent pas à l’heure, et donc de ce qui ne va pas dans nos cabinets, montrons aussi à nos clients et à la société civile que nous, les avocats, nous pouvons être exemplaires, en commençant par l’égalité professionnelle. Notre punchline est « changeons d’époque ! ». Encore faut-il que nous agissions tous. L’inégalité, les discriminations sont des résurgences nauséabondes et inadmissibles du passé, d’une autre époque, d’une autre profession d’avocats qui n’est plus celle d’aujourd’hui.


 


Quelle serait votre plus-value singulière pour le barreau ?


Nous voulons, et il était temps, faire rentrer le barreau dans notre époque. Nous sommes représentatifs de notre barreau. Nous ne sommes d’aucune coterie, nous n’avons rien à prouver ou à rendre, nous sommes jeunes et nous aurons encore à travailler dans nos cabinets respectifs après notre mandat. Nous ne sommes pas de ces professionnels de la profession qui sont d’une autre époque et pour lesquels on doit accéder au bâtonnat et au vice-bâtonnat à l’ancienneté. Nous connaissons bien les besoins et les envies de nos confrères, car nous avons les mêmes. Nous ne sommes pas des grands patrons de cabinets qui savent demblée ce quil faut faire car « on la fait avant », nous sommes simplement à lécoute, et nous avons un enthousiasme sans borne pour notre projet et une envie de nous battre pour nos confrères et notre barreau.


 


Comment imagineriez-vous accompagner les mutations de la profession ?


Finissons par l’avenir ! Accompagner c’est comprendre, et comprendre c’est anticiper. L’une de nos premières réalisations sera la mise en place d’une vraie réflexion prospective et stratégique au sein même de notre Ordre. Un membre de notre équipe qui nous est très proche, puisque l’un de nos directeurs de campagne est, depuis quatre ans et demi, le président de la Commission Prospective et innovation du Conseil national et directeur-fondateur d’une Revue de prospective pour et sur les professions du droit. C’est dire si notre programme est tourné et teinté par cette approche prospective qui est essentielle pour nous. Si nous parlons de changer d’époque, c’est bien pour accompagner mais aussi influer sur les mutations de la profession. Le déni et la politique de l’autruche qui conduisent à surtout ne pas se préoccuper des mutations en cours, ou à venir, parce que ce sont des sujets qui fâchent, cela suffit. L’avenir ne doit pas nous faire peur, il faut sortir de ce pessimisme ambiant. L’avenir est plein d’opportunités, et les mutations de la profession, parce qu’elle doit et qu’elle va muter, nous emmèneront vers le mieux ! Changeons d’époque !


 


Propos recueillis par Constance Périn


 


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