A l’occasion de la rentrée du barreau de Versailles le 13 octobre
dernier, son bâtonnier Jean Marc-André est notamment revenu sur les propriétés
de sa fonction et les spécificités qui caractérisent le territoire yvelinois.
Celui dont le mandat se termine à la fin de l’année (remplacé par le bâtonnier
élu Maître Christine Blanchard-Masi qui prendra ses fonctions le 1er
janvier 2018) s’exprime également sur l’actualité judiciaire, notamment sur la
réforme de la carte judiciaire, rappelant à ce sujet que la profession demeure « mobilisée et vigilante ».
Pouvez-vous vous présenter ? Quel a été
votre parcours avant de devenir bâtonnier ?
J’ai effectué mes études de droit à l’université de Paris X Nanterre.
Le droit du travail m’a toujours passionné, et lorsque je suis arrivé à l’école
d’avocat en 1995, j’ai eu la chance de pouvoir faire mon stage au sein du
cabinet Grumbach à Saint-Quentin-en-Yvelines. Une fois inscrit au barreau, je
suis devenu pour deux ans secrétaire de la Conférence après le concours
d’éloquence auquel tout jeune avocat doit concourir.
Mon activité s’est ensuite développée en droit du travail et en droit
pénal. À partir de 2005, j’ai été membre du conseil de l’Ordre des avocats de
Versailles. J’ai été élu bâtonnier en juin 2015 pour une prise d’effet au 1er janvier 2016.
Quelles sont les spécificités économiques et
sociales du territoire du barreau de Versailles ?
Le département des Yvelines est très contrasté tant sociologiquement
qu’économiquement. Il s’agit d’un département dynamique, jeune et qui regorge
de territoires au sein desquels les richesses humaines sont innombrables, mais
qu’il faut savoir aider et mettre en avant.
Les avocats qui composent le barreau de Versailles savent répondre à
toutes les attentes que ce soit en matière de conseil, de contentieux,
d’assistance, de médiation, tant vis-à-vis des particuliers que des sociétés,
très petites, petites ou grandes.
Vous avez déclaré lors de votre discours « L’avocat
n’est pas l’ennemi du juge ». Que faut-il faire d’après vous pour
restaurer la confiance ?
Il suffit simplement que les magistrats ne perdent pas de vue que les
avocats sont nécessaires et indispensables afin que la décision qui sera rendue
soit motivée et comprise. Il faut aussi que certains comprennent que l’avocat
ne fait pas un métier facile, et se souviennent que le respect des usages et la
courtoisie font partie des fondamentaux sur lesquels on ne peut transiger dans
les relations entre nos deux professions.
La garde des Sceaux a
récemment déclaré devant l’Union syndicale des magistrats (USM) qu’elle n’avait
pas de carte judiciaire déposée sur son bureau et qu’aucun lieu de justice ne
fermera. Que craignez-vous ? N’y a-t-il pas une sorte de « traumatisme »
né de la précédente réforme de Rachida Dati ?
Bien sûr qu’il y a un traumatisme !!! On se
souvient de la marche forcée de Madame Dati pour supprimer des juridictions de
première instance.
Y a-t-il eu un bilan de la réforme Dati ? La
justice est-elle mieux rendue depuis ? Les magistrats travaillent-ils
mieux ?
S’agissant des cours d’appel, la profession est
mobilisée et vigilante car le discours gouvernemental ne nous rassure pas du
tout. Madame la garde des Sceaux et Monsieur le Premier ministre ne cessent de
nous dire qu’aucun lieu de justice ne fermera. Si c’est le cas, pourquoi
annoncer une réforme ? Que l’on nous dise ce qu’est un lieu de justice et
si aucun ne ferme alors que contiendra ce lieu de justice ?
On ne peut à la fois vouloir développer l’accès au
juge pour le justiciable, vouloir poursuivre un maillage territorial qui permet
aux justiciables de trouver un avocat et un juge près de chez eux, et dans le
même temps entretenir le flou sur la carte judiciaire dont la finalité est de
réduire des coûts et donc d’éloigner le citoyen de son juge si des cours
d’appel disparaissent.
La justice est un régulateur social. Elle ne peut
être appréhendée sous le seul angle économique. Faire ainsi serait une erreur
majeure et aux conséquences sociétales importantes.
La ministre de la Justice
n’était pas présente lors de la signature par Emmanuel Macron de la loi
antiterroriste qui doit prendre le relais de l’état d’urgence, en revanche
Gérard Collomb était là. Est-ce une fausse polémique ou est-ce révélateur d’une
loi que certains qualifient de « liberticide » ?
Ce qui compte c’est le contenu des textes… les
personnes présentes ou non on s’en moque. Ce qui est certain c’est que de fait
l’état d’urgence est permanent puisque l’exception de l’état d’urgence devient
la norme de par cette nouvelle loi.
Le juge judiciaire, gardien des libertés
individuelles, est quelque peu mis de côté comme si l’État avait une défiance
vis-à-vis de lui. Notre arsenal législatif était suffisant pour faire face aux
menaces. On fait avant tout de la communication pour rassurer la population.
Il est du devoir des avocats, défenseurs des
libertés, d’intervenir pour alerter et dénoncer lorsque les politiques vont
au-delà de l’admissible.
Quel(s) projet(s)
important(s) vous reste-t-il à réaliser pour le barreau de Versailles ?
Beaucoup de choses ont été faites en deux ans. Je me
suis toujours efforcé d’agir dans l’intérêt de mes confrères tant sur le plan
du développement de l’activité professionnelle que sur le plan de
l’amélioration de nos garanties. J’ai toujours eu à cœur que notre barreau soit
davantage solidaire et juste. Il y a encore des réformes à poursuivre
(communication, services aux justiciables, économiques…) et j’espère pouvoir y
contribuer aux côtés de Madame le bâtonnier élu (Maître Christine
Blanchard-Masi) qui prendra ses fonctions le 1er janvier 2018.
Propos
recueillis par Victor Bretonnier