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Entretien avec Romain Teillais, Fondateur de la start-up d’accessoires masculins Woodiny et lauréat du Prix Audace 2018

Entretien avec Romain Teillais, Fondateur de la start-up d’accessoires masculins Woodiny et lauréat du Prix Audace 2018
Publié le 11/01/2019 à 14:12


Romain Tellais, fondateur de son auto-entreprise Woodiny, a remporté le 8 novembre dernier le Prix Audace 2018 récompensant les auto-entrepreneurs qui se démarquent par leur audace. Avec sa micro-entreprise, il a souhaité réinventer les accessoires du vestiaire masculin – nœuds papillon, boutons de manchettes, pinces à cravates – en utilisant le liège comme matière première et des tissus originaux de fournisseurs français. Proposant des produits originaux et rétro faits main, Woodiny dispose désormais d’une collection riche et diversifiée. Le Journal Spécial des Sociétés a interviewé son fondateur pour en savoir un peu plus sur la création de sa start-up, de l’idée à sa réalisation. 


 


Comment et quand a été créée la start-up Woodiny ? Quel a été l’élément déclencheur ?


Fin 2016, des amis du lycée m’ont invité à leur mariage. Je souhaitais porter un accessoire original pour cette occasion très spéciale. J’ai d’abord regardé dans les boutiques qui ont pignon sur rue, mais il n’y avait que des articles aux couleurs et matières très classiques, souvent mal cousus et importés d’Inde ou du Bangladesh, donc pas forcément produits dans de très bonnes conditions.


Ayant toujours eu un goût pour les travaux manuels, j’ai décidé de me confectionner moi-même le nœud papillon et les boutons de manchettes qui reflèteraient mes goûts et ma personnalité.


J’ai eu de très bons retours de personnes que je ne connaissais pas qui souhaitaient même me passer commande. Je me suis donc dit qu’il y avait quelque-chose à créer. Jai ensuite ouvert une boutique en ligne, et là, l’engouement a été confirmé : j’envoyais des commandes aux quatre coins de la France, et même à l’étranger – aux États-Unis et en Allemagne particulièrement.
En plus de cela, j’ai reçu de très bons avis de mes clients, ce qui me poussait à continuer et aller encore plus loin.


J’ai donc créé mon statut d’auto-entrepreneur afin de donner un cadre juridique à cette activité et à ses revenus.


 


Pourquoi choisir le liège comme matière première ?


Dans son combat pour une mode plus durable, Woodiny utilise le liège, qui est une matière beaucoup plus naturelle, durable et écologique que le coton, par exemple.
Le liège est une matière extraordinaire, mais dont les vertus sont assez mal connues par le grand public. Il faut savoir que le liège est issu de l’écorce du chêne-liège. Il n’est pas nécessaire de couper l’arbre pour obtenir du liège. L’écorce est extraite du chêne-liège tous les 9 à 10 ans. Ceci permet à l’écorce des arbres de se régénérer durant toute sa vie, en moyenne 170 ans. Le liège est donc une matière naturelle renouvelable.


L’exploitation du liège favorise le développement durable : pour chaque kilo de liège, 50 kilogrammes de C02 sont absorbés et ainsi retirés de l’atmosphère, ce qui contribue ainsi à la lutte contre le dérèglement climatique.


La France est l’un des rares pays au monde où le chêne-liège pousse. Notre pays compte deux grandes ères d’exploitation du liège dans les Landes et en Provence (Massif des Maures). Cependant, l’industrie du liège, autrefois florissante, a connu un déclin prononcé à partir des années 1960. La concurrence portugaise et espagnole a pris un temps d’avance, mais des initiatives locales en France tentent de restaurer le lustre de cette industrie dans l’Hexagone. Une filière française est à ressusciter, c’est l’un des chevaux de bataille de Woodiny avec la promotion d’une mode plus durable.


 


Vous avez choisi l’auto-entrepreneuriat ? Pourquoi avoir choisi ce statut ? En quoi cela consiste-t-il ?


La simplicité du statut et le niveau relativement modéré des charges sociales et fiscales d’une auto-entreprise ont guidé mon choix de statut.


Créer son auto-entreprise est vraiment simple et rapide : quelques clics et l’envoi de quelques documents suffisent pour obtenir ensuite un statut et une immatriculation. En quelques jours, tout est bouclé ! Cela permet de commencer son activité très rapidement, en toute autonomie.


Les formalités régulières sont également faciles : je me connecte une fois tous les trois mois au portail dédié pour faire ma déclaration de chiffre d’affaires et payer en ligne mes cotisations et ma fiscalité.


Enfin, les charges sont très simples à calculer, puisqu’il s’agit d’un pourcentage sur le chiffre d’affaires.


Le seul inconvénient est qu’on ne peut pas déduire la TVA de nos achats ; on paye donc le prix TTC des matières. De plus, aucun frais n’est déductible ; mais cela n’est vraiment pas un problème concernant mon activité, pour laquelle les frais sont très limités.


 


Quelles principales contraintes vous impose la législation commerciale ? La vente étendue dans le monde entier est-elle contraignante ?


Je ne rencontre pas de contrainte particulière. Mes ventes à l’étranger passent par des boutiques créées sur des plateformes internationales (Amazon et Etsy), ce qui sécurise les transactions, notamment. Pour ce qui est de l’expédition, les envois au sein de l’Union européenne (UE) n’imposent aucune démarche particulière. En dehors de l’UE, en particulier pour les États-Unis et le Canada, il suffit juste de remplir un très court formulaire et de joindre des factures pro-forma à l’envoi.


 


Vous avez reçu, le 8 novembre dernier, le Prix Audace 2018. Qu’est-ce que cela représente pour vous ? Comment allez-vous utiliser la dotation financière reçue à cette occasion ?


Le Prix Audace 2018 a été une expérience extraordinaire. Cela m’a permis de présenter mon projet à un jury bienveillant et encourageant, et de rencontrer d’autres entrepreneurs très motivés. Les retombées médiatiques sont bien sûr intéressantes pour faire connaître la marque. Enfin,
la dotation va me permettre de financer des actions très concrètes : une participation au Salon du Mariage à Paris Porte de Versailles les 26 et 27 janvier prochains – j’ai d’ailleurs commencé à organiser cela dès le prix reçu –, une refonte du site Internet pour le rendre plus attractif et des actions ponctuelles de communication.


 


Vous êtes installé à Puteaux, dans les Hauts-de-Seine. Pourquoi ce choix ? Avez-vous reçu des aides du département ?


L’adresse de mon auto-entreprise est celle de mon domicile. C’est une ville très agréable pour y vivre, à côté du quartier dynamique de La Défense et à proximité du Bois de Boulogne.


Je n’ai pas demandé, ni donc reçu d’aides particulières du département ou de toute autre institution publique. Je suis preneur d’informations à ce sujet ; je vais essayer de me renseigner.


 


Produire en France – et promouvoir le savoir-faire « bleu-blanc-rouge » – a-t-il une importance ? Pourquoi ?


Une fabrication artisanale française est tout d’abord un gage de qualité, car cela signifie qu’un article est confectionné avec soin et savoir-faire, localement : les conditions de travail et l’écologie sont respectées, ce qui n’est pas toujours le cas lorsque vous achetez des vêtements produits à l’autre bout du monde.


Une confection artisanale française est aussi une manière d’affirmer positivement sa fierté pour notre beau pays, dans toute sa richesse et sa diversité. En invoquant et réinventant certains codes de l’élégance traditionnelle à la française, Woodiny revendique une part du patrimoine et de cet héritage national, et tente de continuer à le projeter dans l’avenir. C’est une sorte de pont entre des codes désuets, tendrement rétro et un style, des couleurs et des préoccupations plus modernes.


 


Être entrepreneur ne s’improvise pas. Avez-vous reçu une formation particulière ?


Il y a en effet beaucoup d’aspects à prendre en compte et à maîtriser du droit (choix des statuts, contrats, conditions de vente…), de la finance (fixer son prix, évaluer son besoin de financement…) et du marketing et de la communication (comment atteindre des clients et leur vendre quelque chose).


Je me suis surtout auto-formé, sur Internet en particulier (sur le site de l’Agence France entreprendre…).


 


Internet permet désormais de n’avoir qu’une boutique en ligne. Envisagez-vous toutefois d’ouvrir une boutique « physique » ?


La magie d’Internet fait que vous pouvez en effet vendre dans le monde entier depuis un seul et même endroit.


Cependant, pour faire connaître davantage la marque, j’envisage en effet la vente dans un espace « physique » : sur des salons, en pop-up store et dans des boutiques et showrooms partenaires avant, pourquoi pas, d’envisager une boutique Woodiny.


Je recherche d’ailleurs activement des partenaires ayant des boutiques afin de distribuer mes produits à travers ce canal.


 


Quels objectifs ou projets vous êtes-vous fixés à moyen terme ?


2019 sera une année importante et riche en développements pour Woodiny car j’ai plusieurs objectifs. D’une part, la diversification des canaux de vente : salons (Mariage, Créateurs, Made In France, Mode), boutiques et showrooms partenaires, concept-stores… à Paris, en région et à l’étranger. Je souhaite également transformer le site Internet en une boutique en ligne attractive et simple d’utilisation, et enrichir la gamme de produits avec des articles pour enfants et femmes.


Enfin, j’ai pour but de conclure des partenariats avec d’autres marques pour étendre le réseau de distribution et accroître ma notoriété de la marque. Je ne manquerai pas d’étudier toute proposition qui pourrait m’être adressée via les réseaux sociaux ou par email (woodiny.man@gmail.com).


 



Propos recueillis par Constance Périn


 


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