Depuis 1957, plus de 5 000 lancements ont été
effectués pour des missions militaires d’observation, civiles et commerciales.
Soixante ans plus tard, il y a plus de 16 000 objets spatiaux fabriqués par
l’homme recensés, dont près de 1 300 uniquement constituent des satellites
opérationnels.
Détermination des risques liés
aux débris spatiaux
Les débris spatiaux proviennent de multiples sources et peuvent être
classés en quatre catégories (1) :
- les satellites non opérationnels : il s’agit des satellites qui ont
atteint leur durée de vie contractuellement prévue (2) ou qui ont connu une défaillance prématurée
entraînant une perte de contrôle.
- les corps de lanceurs hors d’usage que sont les étages supérieurs des
lanceurs utilisés pour injecter la charge utile dans l’orbite recherchée et qui
restent en orbite une fois la mission terminée. Les étages inférieurs des
lanceurs sont conçus pour rentrer dans l’atmosphère au-dessus des océans ou de
régions inhabitées.
- les débris liés aux missions : il s’agit des objets et matériels
lâchés dans l’espace qui prennent part au déploiement normal et à l’opération
de l’engin spatial, tels que les boulons pyrotechniques, adaptateurs de charges
utiles, systèmes d’attaches de panneaux solaires, etc…. Les étages supérieurs
de lanceurs hors d’usage sont également des débris liés aux missions mais sont
traités séparément du fait de leur masse importante et de leur propension à
exploser.
- les débris issus de la fragmentation sont causés par l’explosion de
charges utiles et les corps de lanceurs du fait de la surchauffe de batteries,
d’explosions à haute énergie dues à la présence d’ergols dans les réservoirs,
de l’implosion de réservoirs sous pression ou de la destruction intentionnelle
d’engins spatiaux. A ce jour, près de 200 événements connus ayant généré des
débris ont eu lieu dans l’espace.
Trois accidents ont provoqué des débris cosmiques involontairement ces
50 dernières années : le satellite Kosmos 954 tombé sur le territoire canadien
en 1978, l’accident de la navette Columbia à son retour de mission en 2003 et
l’entrée en collision en 2009, à une vitesse de 39 600 km/heure à 770 km
d’altitude, de deux satellites de pays différents : Iridium 33 et Kosmos 2251. La première collision identifiée remonte à
1996 lorsqu’un un débris a heurté à une vitesse relative de 14,8 km/s la perche
stabilisatrice d’un satellite français.
Si ces accidents relèvent de l’aléa et sont susceptibles d’être assurés,
tel n’est pas le cas des deux destructions volontaires : celle de 2007 par
la Chine qui a tiré un missile sur son vieux satellite FY1C et l’autre par les
USA qui ont procédé de la même façon en 2008, provoquant la création spontanée
et volontaire de centaines de millions de débris dans l’Espace.
A ce jour, seule une personne humaine a été
touchée le 22 janvier 1997 par un débris spatial d’une quinzaine de centimètres
à Tulsa (Oklahoma) alors qu’elle se promenait dans un parc.
Aujourd’hui, le risque de collision d’un engin spatial avec un objet
supérieur à 1 cm (qui pourrait engendrer la destruction complète de l’engin
spatial et générer d’autres débris) est estimé à un événement tous les 3 ou 5
ans. Par ailleurs, il a été dénombré environ 750 000 objets dangereux dans
l’espace (3). Avec la multiplication des
projets de constellation de satellites et l’émergence de nouveaux lanceurs, le
lancement de plus de 1 000 satellites prévu dans la prochaine décennie, si rien
n’est entrepris pour faire évoluer les pratiques actuelles, le nombre de débris
est appelé à s’accroître dans des proportions encore plus considérables, ce qui
augmenterait d’autant le risque de collision. Dans ce contexte, les acteurs du
secteur spatial seraient amenés à réévaluer leur exposition aux potentiels
dommages résultant de collisions et tout particulièrement la communauté des
assureurs. C’est pourquoi il apparaît indispensable d’envisager des mesures
pour contenir ce risque dans un encadrement juridique international.
Les implications en termes
d’assurances
Historiquement, les assureurs ont considéré le risque lié aux débris
spatiaux comme relativement faible, mais ils sont aujourd’hui en train de
réévaluer leur exposition et considèrent le risque comme dorénavant émergeant. Cela étant
dit, à
notre connaissance, aucune évolution
liée aux débris spatiaux n'est à noter
dans les termes, conditions et exclusions des contrats d›assurance spatiales.
Le marché de l’assurance n’a en effet pas eu à ce jour à connaître de
sinistres majeurs causés par la collision d’un engin spatial avec un débris, à
notre connaissance seul un sinistre qui était de faible intensité a fait
l’objet d’une indemnisation (4).
Deux types d’assurances sont pertinents pour répondre au risque de
collision que posent les débris spatiaux : les assurances de dommage et
les assurances de responsabilité civile. Les premières protègent les
propriétaires ou opérateurs des satellites sinistrés, les dernières sont
conçues pour couvrir les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile
du fabricant, de l’agence de lancement, du propriétaire ou opérateur de l’engin
spatial dont l’engin spatial ou le débris est considéré comme étant la cause de
la collision ou de l’impact.
Les
assurances de dommage : assurances lancement et vie en orbite
Les assurances de dommage différencient trois types de risques, le
risque au sol, le risque de lancement et le risque de vie en orbite. Seules les
deux dernières phases de risques sont concernées ici. Les assurances de dommage
aux satellites sont généralement souscrites sur une base de couverture «tous
risques sauf» conçue pour couvrir les pertes, dommages, dysfonctionnements et
tous défauts pouvant avoir des conséquences sur l’opération du satellite, et ce
depuis le lancement jusqu’à la fin de vie du satellite au choix de l’assuré,
sauf application des exclusions spécifiquement prévues dans le contrat
d’assurance. À ce jour, les assurances spatiales de dommage ne prévoient pas
d’exclusion spécifique des dommages causés par les débris spatiaux au satellite
assuré. Dès lors, le champ d’application de ce type d’assurance s’étendra à la
couverture de tout dommage ou perte accidentels du satellite assuré du fait de
tous débris spatiaux, que ce soit durant la phase de lancement ou plus
probablement durant la phase de vie en orbite. (…)
1) Rapport
Swiss Re, 26 mars 2011 : « Space debris: On collision course for
insurers? »
2) La durée
de vie d’un satellite pour une mission en orbite géostationnaire est
aujourd’hui en moyenne de 15 ans
3) Source
ESA
4) Do small
satellites need insurance ? C. Gaubert – Small Satellites Regulatory Challenges
and Chances Ed. Irmgrad Marboe Studies in Space Law /11 Brill Nijhoff
Karine
Vuillemin, docteur en droit et
Sylvain
Devouge, senior Contracts Specialist – Swiss Re International SE et
Cécile
Gaubert, avocat à la Cour
Retrouvez la suite de cet article dans le Journal Spécial
des Sociétés n° 47 du 14 juin 2017
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