Mercredi 10 avril, Claire
Hédon a été auditionnée par la commission des Lois du Sénat, à l’occasion de la
publication de son rapport annuel d’activité. L’ancienne journaliste a dû faire
face aux remarques et critiques de certains sénateurs, lui reprochant notamment
sa « posture d’accusateur public ». Morceaux choisis.
« Un chahut qui nous
donne un faux air de Palais Bourbon ! » Voilà la conclusion de
Jérôme Durain, sénateur PS, à l’issue de l’audition de la Défenseure des droits
(DDD), pour la publication de son
rapport annuel d’activité 2023, par la commission des Lois
du Sénat.
Le calme régnait pourtant en
début de séance. Claire Hédon a eu l’occasion de rappeler devant les sénateurs
présents ce qu’elle avait déjà indiqué lors d’une conférence de presse le mois
dernier. L’ancienne journaliste a aussi vanté les mérites de son institution,
« un observatoire qui, je pense, vous est utile ».
Devant les élus de la chambre
haute, la Défenseure des droits a dénoncé une nouvelle fois « une
banalisation des atteintes aux droits en 2023 », se traduisant par
« des attaques très concrètes contre les droits fondamentaux des
personnes » et « des discours ouvertement hostiles à l’État de
droit ». Celle qui était présidente d’ATD Quart Monde jusqu’en 2020 a
appelé à « ne pas s’habituer à ce glissement dans un moment historique
qui voit la pauvreté augmenter en France ».
Claire Hédon a également
insisté sur le « fossé grandissant entre les usagers et les services
publics », fossé accentué selon elle par la « dématérialisation
excessive » : « 28 % de la population éprouve des
difficultés face aux démarches administratives, un tiers de la population est
éloignée du numérique », a rappelé la Défenseure des droits.
« Vous videz la mer à
la petite cuillère ! »
Mais c’est durant la
discussion avec les sénateurs que l’ambiance s’est tendue. Après plusieurs
questions en provenance de députés de gauche, l’intervention de l’élue LR Marie
Mercier, à propos de l’accès à la pornographie chez les mineurs, a fait monter
la tension. La sénatrice a demandé à la Défenseure des droits si elle pensait
« que la protection des enfants doit être inférieure à la liberté des
adultes ».
« Je suis comme vous
excessivement inquiète de ce qu’il se passe », a répondu Claire Hédon.
Une réponse visiblement pas du goût de la sénatrice, reprochant l’absence de
communication de l’institution à ce sujet. Des reproches contestés par la
Défenseure des droits : « On le dit ! C’est quelque chose qui
est abordé à chaque fois dans nos rapports sur les droits des enfants, car nous
rappelons l’importance des cours d’éducation sexuelle, qui est un moment
indispensable pour expliquer aux enfants pourquoi [ce type de contenu] est
délétère. »
Énervement de la sénatrice :
« Vous videz la mer à la petite cuillère ! » « Je
suis d’accord avec le fait qu’il faut interdire l’accès à ces contenus pour les
mineurs, a réaffirmé la Défenseure des droits, mais il y a beaucoup de
difficultés [à faire respecter cette interdiction]. Pour l’instant, je pense
qu’il faut expliquer aux enfants pourquoi c’est délétère. » « On
sait pourquoi c’est délétère, donnez-nous des pistes ! », s’est agacé
Marie Mercier. « Ce n’est pas moi qui fais la loi », lui a rétorqué
Claire Hédon.
Le rapport du Défenseur des
droits, un « concours de discrimination » ?
Le Républicain François
Bonhomme y est lui aussi allé de son avis, reprochant à la défenseure de se
mettre « dans la posture d’accusateur public, qui vous sied ».
« Nous ne sommes pas un avocat, nous menons nos enquêtes de façon
impartiale en entendant l’ensemble des parties, et quand nous faisons des
observations devant les tribunaux, nous ne sommes représentants d’aucune des
deux parties », lui a répondu la Défenseure des droits.
Le sénateur voit dans la
hausse du nombre de réclamations auprès de la DDD l’éloge de la
victimisation : « Même la souffrance est devenue, dans un occident
hédoniste, sacrée », a-t-il dénoncé, décrivant un « concours
de discrimination dans le rapport qui accrédite l’idée que nous serions tous
des victimes en puissance ».
Pour toute réponse, la défenseure
des droits a cité une enquête menée en 2019 auprès de jeunes avocats sur la
perception de leurs discriminations. 38 % d’entre eux ont dit avoir été
victimes de discrimination dans les cinq dernières années. Sur les femmes, ce
chiffre monte à 52 %. « Moins de 5 % des avocats concernés sont
allés devant les tribunaux ou devant l’institution du Défenseur des droits »,
a détaillé Claire Hédon. « Des avocats qui connaissent leurs droits n’ont
pourtant pas fait de recours, par peur des représailles », a-t-elle
assuré.
« Je n’ai pas eu une
seule réponse à mes questions », s’est exclamé François Bonhomme,
micro coupé, en fin de séance. Le début de l’histoire d’amour entre la
Défenseure des droits et le Sénat, ce n’est visiblement pas pour cette année.
Alexis
Duvauchelle