Le 10 octobre dernier, les organisations abolitionnistes du
monde entier étaient unies dans la lutte contre la peine capitale, à l’origine
de 657 exécutions en 2019. Pour Amnesty International, une
assistance juridique efficace
« constitue une garantie essentielle » et un « moyen de
protéger les droits humains, particulièrement le droit à un procès équitable et
le droit à la vie ».
Le 10 octobre
marquait la 18e journée mondiale contre la peine de mort,
consacrée cette année au droit à une assistance juridique efficace.
À cette occasion, Amnesty International a invité les
États qui appliquent encore ce « châtiment le plus cruel, inhumain et
dégradant qui soit » à « respecter le droit à une assistance
juridique efficace » dans l’attente de son abolition.
L’organisation recense en effet
au cours de sa déclaration publique plusieurs pays dans lesquels ce droit est
bafoué, comme au Mali, où la possibilité de consulter un avocat reste, dans les
faits, très restreinte, en dépit de sa Constitution, et malgré les régimes
d’aide juridictionnelle existants.
Le tribunal pénal spécial d’Arabie saoudite est
également pointé du doigt : « de nombreux accusés, y compris
lorsqu’ils encourent la peine de mort, ne sont pas autorisés à consulter un
avocat lors de leur arrestation puis tout au long de leurs interrogatoires en
prison. Dans le meilleur des cas, ces accusés ont eu la permission de
rencontrer leurs avocats lors de la première audience de leur procès »,
dénonce Amnesty International.
En Inde, c’est le niveau élevé d’illettrisme parmi les
prisonniers encourant la peine de mort ainsi que leur appartenance à des
groupes marginalisés qui s’avèrent être des facteurs influençant négativement
« l’approche des institutions judiciaires et de leurs propres avocats ».
Des situations intolérables, estime l’organisation,
qui martèle qu’une assistance juridique efficace « constitue une
garantie essentielle contre la peine de mort et un moyen de protéger les droits
humains des personnes encourant ce châtiment, particulièrement leur droit à un
procès équitable et leur droit à la vie ». L’assistance d’un
avocat peut également « prémunir » contre la torture et les
mauvais traitements et jouer un « rôle protecteur » lors des
interrogatoires.
La peine de mort en recul
Selon Amnesty International, 657 exécutions ont été
recensées en 2019 à travers le monde,
dont près de 90 % au Proche-Orient (Iran, Arabie Saoudite, Irak, Égypte).
Il s’agit des chiffres les plus bas enregistrés depuis « au moins 10 ans », en baisse de
5 % par rapport à l’année précédente. Toutefois, ils n’incluent pas la
Chine, où « des milliers d’exécutions ont probablement eu lieu ».
De leur côté, les États-Unis ont repris les exécutions
fédérales cet été, près de 20 ans après la mise en place d’un moratoire.
Outre-Atlantique, 28 États continuent par ailleurs d’appliquer la peine
capitale au niveau étatique. Toutefois, à compter du 1er juillet
2020, le Colorado est devenu le 22e État américain à l’abolir,
à la suite d’une loi votée en février dernier.
En dépit de certaines résistances donc, la peine de
mort, progressivement, poursuit son recul. À ce jour, rapporte France
Diplomatie, 106 États l’ont abolie pour tous les crimes, 8 l’ont abolie pour les
crimes de droit commun (Brésil, Burkina Faso, Chili, Guatemala, Israël,
Kazakhstan, Pérou, Salvador), et 50 respectent
un moratoire sur les exécutions en droit ou de fait, parmi lesquels l’Algérie,
la Russie, la Tanzanie, le Liban ou encore le Qatar – soit 163 États au
total. L’Afrique, en particulier, avec 22 États ayant aboli la peine de
mort, « connaît une évolution sans précédent depuis 2009 et se présente comme
le prochain continent abolitionniste », se réjouissent André Lité Asebea, Liévin
Ngondji et Raphaël Chenuil-Hazan dans une tribune pour Le Monde.
En France, un
« risque de retour en arrière »
Alors que la France a renoncé à la peine capitale
voilà désormais 39 ans, l’État a réitéré son opposition à celle-ci « en
tous lieux et toutes circonstances » le 10 octobre dernier. Agnès
von der Mühll, porte-parole du ministère de l’Europe et des Affaires
étrangères, a appelé les États l’appliquant encore à « observer un
moratoire en vue de son abolition définitive » et encouragé tous les
États à « signer et à ratifier le deuxième Protocole facultatif au
Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à l’abolir ».
La peine capitale, a-t-elle souligné, n’a « aucun caractère dissuasif »
et rend « toute erreur judiciaire irréversible et irréparable ».
Ces propos résonnent avec encore plus de vigueur à
l’heure où un récent sondage révèle que plus d’un Français sur deux serait
favorable au rétablissement de la peine de mort. Une statistique nettement en
hausse depuis les attentats de 2015.
Le 7 octobre 2020, le barreau de Paris, le CNB et l’ONG de
plaidoyer international ECPM n’ont d’ailleurs pas manqué de s’emparer du sujet,
lors d’un webinaire commun. Le bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, a notamment
estimé que la question « fondamentale » de la
privation de la vie était un sujet qui, plus que jamais, méritait l’attention.
« Avocats, défenseurs des droits de l’homme, nous nous rendons compte que
nous devons encore poursuivre notre combat. Car il y a un risque de retour en
arrière, et nous devons absolument l’éviter, par notre travail, par nos
plaidoyers, pour qu’il n’y ait plus jamais nulle part d’hommes et de femmes “coupés
en deux” », a-t-il considéré, citant Robert Badinter.
« Jamais, en près de 40 ans de combat, nous n’avons essuyé un tel recul ;
jamais le relativisme, les silences gênés, atermoiements n’ont été aussi
éloquents », a fustigé, en écho, la présidente du
Conseil national des barreaux, Christiane Féral-Schuhl. Selon cette
dernière, il est « fondamental » de rappeler que
l’abolition de la peine de mort est un combat universel et permanent, dont les
avocats « ont été et sont encore le fer de lance ». « L’avocat,
vigie des libertés, devient le dernier rempart contre la mort. »
Alain Morvan, Président d'ECPM,
a, de son côté, tiré la sonnette d’alarme : la France « ne doit
pas rentrer dans le cycle infernal qui conduit à agiter le chiffon rouge du
rétablissement de la peine de mort pour rétablir la soif de vengeance de
certains qui l’exhibent comme l’arme ultime contre le crime et l’insécurité »,
a-t-il assuré.
Pour lui, le débat sur la peine de
mort n’intervient pas aujourd’hui par hasard, mais un an avant le début de
la campagne pour l’élection présidentielle de 2022. « Le sujet
ressurgit partout : dans les sondages, dans les discours politiques, en prime
time… Sauf que la peine de mort n’est pas un argument politique comme un
autre. Ne laissons pas s’installer l’idée que la France puisse la réintroduire
légalement dans le Code pénal », a-t-il insisté. D’autant plus alors
que la cause de l’abolition de la peine capitale progresse : « Robert
Badinter pense que l’abolition universelle est possible. Pour y parvenir, il
faudra plus que jamais éviter les pièges du populisme et de la démagogie. »
Bérengère Margaritelli