Pour l’instant, la Procréation médicalement assistée (PMA) est réservée
aux couples hétérosexuels en âge de procréer qui présentent une infertilité
dont le caractère pathologique a été médicalement constaté. La PMA est aussi
faite pour des couples qui n’ont pas forcément d’infertilité, mais en
prévention de la transmission à l’enfant ou à un membre du couple d’une maladie
d’une particulière gravité (SIDA).
Les objectifs de la PMA sont thérapeutiques et préventifs, rappelle le Docteur
Karine Sferlazzo-Boubli, obstétricienne. La législation exclut du procédé les
individus célibataires, les couples homosexuels, et les individus en-dehors de
l’âge de procréer.
Cependant, il n’existe pas de définition juridique ou médicale de l’âge
de procréer qui, en conséquence, se détermine par la physiologie. Il débute à
la puberté. En moyenne, la fécondité arrive entre 12 et 14 ans et s’achève
à la ménopause chez la femme. Pour un homme, la spermatogénèse ne s’arrête pas,
il reste théoriquement fécond jusqu’à la fin de ses jours. L’état
de ménopause physiologique (qui n’est pas une infertilité pathologique)
apparaît comme un obstacle à l’accès à la PMA. Certaines femmes sont
naturellement ménopausées tôt, à 25 ou 30 ans par exemple. Ces femmes en âge de
procréer mais physiologiquement infertiles auront malgré tout accès au don
d’ovocytes. Se pose alors la question d’accès au même droit pour une femme
ménopausée plus tard. L’état civil s’interroge sur la filiation, la médecine se
demande dans quel cas intervenir. Comment discerner caractère physiologique,
caractère pathologique et âge de procréer ? Nulle évidence ne s’impose. Guylène
Nicolas, maître de conférences à la faculté de droit d’Aix-en-Provence, indique
que le Conseil d’État s’est interrogé sur la possibilité d’ouvrir aux femmes la
parentalité et une filiation différente. Il conclut que le choix tient plus du
politique que du juridique. Après la décision du gouvernement, il faudra
apprécier les conséquences juridiques. Plusieurs hypothèses sont envisagées,
mais la seule solution possible pour le Conseil d’État semble être la construction
d’un modèle de filiation ad hoc pour les couples de femmes. «
Une transmission à l’officier de l’état
civil d’une déclaration commune anticipée notariée au moment de la déclaration
de naissance de l’enfant qui figurerait en marge de la copie intégrale de son
acte de naissance. » Elle permettrait de donner un rôle accru à la volonté et aussi de se
détacher du mimétisme avec la procréation charnelle. Cette option permettrait
un établissement simple et simultané de deux filiations maternelles de l’enfant
à la naissance de ce dernier.
En France, nous appliquons un système dérogatoire de droit commun
concernant la filiation. Elle est basée sur la descendance biologique, énonce
Catherine Clavin, avocate au barreau de Marseille. En cas de PMA, bien souvent,
un des deux membres du couple n’est pas parent génétique (insémination
artificielle avec donneur, fécondation in vitro). Dans ce cas-là, notre droit
s’articule de la façon suivante : le couple consent au processus avant son
lancement et ce consentement reçu par un juge ou un notaire engage les parents
à la filiation. Ainsi, si par exemple le père n’est pas le géniteur de
l’enfant, il est tenu d’assumer sa paternité.
À la naissance de l’enfant, il va établir sa filiation conformément au régime
de droit commun, alors qu’il n’est pas génétiquement le père. Cela se fait soit
par la présomption de paternité parce qu’il est marié avec la femme qui
accouche, soit par la reconnaissance s’il n’est pas marié. S’il ne le fait pas,
il engage sa responsabilité civile. Sa filiation paternelle peut même être
établie judiciairement.
Notre droit est organisé sur la descendance biologique. En plus de
cela, les filiations d’intention sont reconnues. Le cas le plus simple est
l’adoption. Dans le processus de la PMA, on a déjà un système dérogatoire.
Finalement, la filiation d’intention mime la vraisemblance biologique par la
présomption ou la reconnaissance. Personne ne saura jamais, pas même l’enfant,
s’il est issu d’une procréation médicalement assistée.
Les couples de femmes qui recourent à la PMA ne peuvent pas le faire en
France : elles le font à l’étranger. La deuxième filiation maternelle est
possible par adoption depuis la loi du 17 mai 2013.
La révision de la loi bioéthique prévoit que l’accès à la PMA dans
notre pays soit étendu aux femmes seules et aux couples de femmes. On ignore
comment la filiation de la deuxième mère sera établie. Soit on reste dans le
cadre de l’adoption du conjoint, mais avec cette option, on crée une situation
inégalitaire entre les couples de même sexe et les couples hétérosexuels, soit
on essaie de réviser le système existant pour les hétérosexuels en fonction des
couples de femmes.
Il n’y a pas lieu de tenir rigueur aux enfants des choix de leurs
parents, or, le traitement de la filiation des enfants issus de GPA à
l’étranger interroge. Pendant des années, jusqu’à ce que la Cour européenne des
droits de l’Homme condamne la France en 2014, la Cour de cassation refusait de
reconnaître la filiation des enfants issus de GPA, n’autorisant pas la
transcription des actes de naissance étrangers sur les registres français de
l’état civil. Cet enregistrement, bien que facultatif, a du sens, c’est une
reconnaissance par la France de l’identité de l’enfant. La Cour européenne des
droits de l’homme (CEDH) saisie a vu là une position attentatoire à la vie
privée et familiale des plaignants.
Un autre
procédé de reconnaissance de la filiation ne passant pas par l’adoption du conjoint
a été mis en place par quelques avocats. Dans certains États, la filiation est
une décision de justice et non pas une procédure administrative. Une demande
d’exequatur de ce type de décision étrangère semble une solution qui donne de
bons résultats.
C2M