La chambre basse a adopté mardi 30 avril d’une
courte majorité la proposition de loi relative à la confidentialité des
consultations des juristes d’entreprise. Elle devra ensuite être examinée par
le Sénat.
Ce devait presque être une
promenade de santé. Cela s’est finalement joué à quelques voix près. L’Assemblée
nationale a adopté en première lecture mardi 30 avril la proposition de loi visant
à instaurer la confidentialité des avis des juristes d’entreprise, par 38 voix
pour et 34 contre et après cinq heures de débat.
Seules quelques modifications
mineures ont été apportées au texte durant la séance, pour l’intégralité
proposées par le rapporteur Jean Terlier. Une exigence pour une consultation de
porter sur la fourniture d’un avis ou d’un conseil fondé sur l’application d’une
règle de droit a ainsi été ajoutée. Le texte assure par ailleurs désormais que toutes
les versions successives d’une même consultation juridique seront couvertes par
la même confidentialité, et la prise en charge par l’employeur de la formation du
juriste aux règles éthiques a elle aussi été instaurée.
La majorité s’est félicitée
du vote de cette proposition de loi. Reconnaissant l’inquiétude d’une partie
des avocats, elle a néanmoins estimé avoir répondu à leurs préoccupations,
notamment en refusant à de nombreuses reprises la création d’une nouvelle
profession règlementée. La députée Anne-Cécile Violland a en outre expliqué
que le texte adopté était « grandement inspiré » de la
proposition de loi du sénateur Louis Vogel déjà adoptée après des débats à la
chambre haute en première lecture. « C’est un texte qui a été
considérablement enrichi par leur travail », a indiqué l’élue.
Les détracteurs reprochent l’absence
d’étude d’impact
Les opposants à cette
disposition ont quant à eux pointé sa potentielle inefficacité, à l'instar de Jean-François Coulomme, qui a reproché au texte de n’être « qu’un prétexte de la protection de la
souveraineté et la compétitivité ». Le député a exprimé sa déception du
manque de concessions accordées sur l’exclusion de la confidentialité pour
certains sujets, notamment pour des dossiers à risque environnemental.
Pour sa part, Jérémie Iordanoff a reproché
l’absence d’une étude d’impact d’une telle mesure, et a remis en cause l’argument
d’une meilleure attractivité des entreprises françaises : « L’affaiblissement
des autorités administratives indépendantes comme l’AMF, l’ACPR ou l’Autorité
de la concurrence va avoir des impacts sur l’attractivité de la France »,
a redouté l’élu.
Un point également soulevé
par Cécile Untermaier, qui a déploré « un débat en séance qui n’a rien apporté
et n’a pas enrichi le débat ».
Avocate de profession,
Catherine Jaouen a prédit un nombre important de procédures de lever de secret
devant la justice : « Je pense qu’on sera bien accueillis par les
juges. Il y aura une opposition de fait, c’est évident. »
Peu après le vote, le
rapporteur de la proposition de loi s’est félicité de pouvoir « assurer
aux entreprises de pouvoir lutter à armes égales avec les entreprises étrangères ».
Jean Terlier a aussi adressé un message aux avocats, assurant que la
confidentialité des avis des juristes d’entreprise « n’est pas une
atteinte au secret professionnel de l’avocat, ni la mise en place d’une profession
règlementée ».
Il a aussi soutenu que les
autorités administratives indépendantes pourraient continuer à faire leur
travail sans être freinées : « Nous avons mis en place un ensemble
de garde-fous leur permettant de continuer à pouvoir opérer leurs opérations de
contrôle. Elles peuvent lever la confidentialité si elles estiment que la
confidentialité est apposée de manière frauduleuse. »
La proposition de loi doit
maintenant être inscrite à l’ordre du jour au Sénat prochainement. Pendant ce temps, les débats à l’extérieur du Parlement devraient se poursuivre.
Alexis
Duvauchelle