ACTUALITÉ

Le marché des ventes aux enchères publiques : une baisse notable en France en 2018

Le marché des ventes aux enchères publiques : une baisse notable en France en 2018
Publié le 10/04/2019 à 15:25

Le Conseil des ventes, dirigé par Catherine Chadelat, a présenté le 13 mars dernier le bilan des ventes aux enchères publiques dans l’Hexagone en 2018, ainsi que le bilan international des enchères d’art et objets de collection : le résultat d’une enquête annuelle menée auprès des opérateurs dans le cadre de sa mission d’observatoire économique du secteur. En résumé, les enchères publiques ont connu une baisse notable, en France comme à l’international.

                                                              




Le Conseil des ventes réalise chaque année une enquête auprès des opérateurs de ventes afin de rendre compte de l’activité économique du marché des ventes volontaires aux enchères publiques. Comme le rappelle le Conseil des ventes dans son document de synthèse, l’enquête est adressée à l’ensemble des opérateurs de ventes volontaires (OVV) déclarés, c’est-à-dire 410 en 2018. L’an passé, 63 % d’entre eux relevaient du secteur « Art et objets de collection », 27 % étaient des « généralistes » (les OVV réalisant moins de 95 % de leur montant adjugé sur une seule catégorie ont été classés comme « généralistes »), 6 % appartenaient à la catégorie « Véhicules d’occasion et matériel industriel », et 1 % relevaient de la catégorie « Chevaux ».


 


L’ÉTAT DU MARCHÉ EN FRANCE


En France, en 2018, le montant total adjugé a atteint 3 milliards d’euros, soit une baisse de -2,5 % par rapport à 2017. Un montant qui reste néanmoins supérieur à ceux des années 2009 à 2016.


Comme l’an passé, 50 % des OVV ont déclaré une baisse de leur activité en 2018. Plus en détail, 62 % d’entre eux réalisant moins d’1 million d’euros de montant adjugé sont en baisse ; 57 % de ceux qui ont réalisé moins de 2 millions de ventes le sont également, et 27 % seulement de ceux qui ont réalisé des ventes d’au moins 5 millions d’euros ont déclaré être en baisse.


Ce qui signifie que les plus petites maisons de ventes sont celles qui connaissent majoritairement toujours une baisse de leur activité.


En 2018 également, les ventes dites « millionnaires » ont diminué assez nettement en France. Ainsi, « le montant cumulé des 90 lots millionnaires (plus de 1 million frais inclus) en 2018 est de 228,5 millions d’euros contre 98 lots millionnaires en 2017, pour un montant de 288 millions d’euros », a commenté un des experts de cette conférence.


En ce qui concerne le classement 2018 des maisons de ventes tous secteurs confondus, on constate que les trois premiers opérateurs relèvent du secteur « Véhicules d’occasion et matériel industriel » : BC Auto Enchères (rang 1), Alcopa Auction (rang 2) et VP Auto (rang 3). Christie’s a vu ses ventes baisser en 2018, elle prend donc la 5e place de ce classement derrière Sotheby’s qui prend la 4e place, malgré une activité en léger retrait également. Quant à Arqana, premier opérateur du secteur « Chevaux », l’opérateur conserve sa 6e place et a même vu son activité progresser.


Comme les années précédentes, on constate aussi une concentration du marché des ventes aux enchères. Ainsi, 20 opérateurs de ventes ont réalisé 71 % du montant total adjugé, soit un montant cumulé d’adjudications équivalent à 2,13 milliards d’euros. Cependant, « la concentration se vérifie un petit peu moins en 2018 et c’est assez intéressant, car la concentration augmentait les années précédentes, et là le top 20 fait -1,8 % » a commenté Catherine Chadelat, présidente du Conseil des ventes.


Au niveau de la répartition géographique du marché, on constate que la région Île-de-France concentre pas moins de 61 % des adjudications en 2018, soit un chiffre qui s’élève à 1,83 milliard d’euros répartis entre les 142 OVV que compte le territoire francilien. La région Bretagne arrive en 2e position, avec 9 % des ventes, là où se trouve un important marché de vente de véhicules d’occasion. La Normandie, célèbre pour la vente de chevaux, est la 3e région du classement avec 8 % de part de marché.


Enfin, la synthèse de l’Observatoire économique du Conseil des ventes indique que le montant des ventes par Internet en 2018 est en léger repli (-2 %) par rapport à l’année d’avant.


Ainsi, 1 140 milliards d’euros ont été adjugés par voie électronique, soit 38 % du montant total adjugé tous secteurs confondus. Les ventes de véhicules d’occasion et de matériel industriel constituent toujours la part essentielle des ventes online, c’est-à-dire entièrement dématérialisées, avec une salle des ventes virtuelle. 


Enfin, le document indique également que l’ouverture à l’international des ventes aux enchères se confirme d’année en année. En effet, en 2018, 38 % des ventes les plus importants OVV ont été adjugées à des acheteurs étrangers.


 


LES VENTES PAR SECTEURS


Si le marché des ventes volontaires a globalement diminué en 2018, l’évolution des ventes n’est cependant pas la même selon les secteurs.


Le secteur « Chevaux » a par exemple,  augmenté de 3,5 %. Les parts de marché des secteurs « Arts et objets de collection » et « Véhicules d’occasion et matériel industriel » ont quant à elles baissé. Elles sont identiques et représentent 47 % chacune.


 


Le secteur « art et objet de collection »


En 2018, le secteur a connu une baisse de 4,1 % par rapport à l’an passé. Les montants adjugés dans ce secteur ont atteint 1,4 milliard d’euros.


Selon le rapport du Conseil des ventes, cette baisse s’explique par le recul des ventes des OVV du top 20 (-7 %). En cause, la forte diminution du montant des ventes de Christie’s, qui n’a été que partiellement compensée par les ventes des autres maisons de ventes aux enchères.


En outre, 56 % des maisons de ventes du secteur ont déclaré une baisse de leurs ventes en 2018.


Qu’est-ce qui explique la diminution des ventes ? Pour les maisons qui constituent le top 20, on assiste à une baisse de 3 % des montants adjugés en art d’après-guerre contemporain, ainsi qu’une baisse, nous l’avons dit, du nombre d’œuvres millionnaires adjugées en 2018 et du montant cumulé de leurs ventes. Les autres maisons ont été impactées par une diminution des ventes courantes de 17 %.


Le classement des 20 premiers opérateurs de ce secteur évolue légèrement par rapport à 2017, Sotheby’s prend ainsi la première place devant Christie’s. Quant à Artcurial, elle conserve sa troisième place. Pierre Bergé & Associés a vu son montant de ventes fortement progresser, du fait de la dispersion de deux importantes collections de Pierre Bergé. La maison a ainsi gagné cinq places dans le classement. Millon, dont le montant des ventes a progressé, a retrouvé un niveau proche de celui de 2016.
La maison de vente a gagné deux places. Thierry de Maigret, qui réintègre le top 20 au seizième rang, est le seul nouvel entrant dans le top 20 en 2018, indique le rapport de l’Observatoire économique du Conseil des ventes.


Le secteur « Art et objets de collection » est constitué de 5 catégories : art et antiquités, autres objets de collection ; joaillerie et orfèvrerie ; ventes courantes et vins et alcools.


Concernant la catégorie « art et antiquités », le total des montants adjugés représente 875 millions d’euros en 2018, contre 946 millions en 2017 et retrouve donc son niveau de 2016 (877 millions). Dans cette catégorie, seul le segment « Art d’Asie, arts premiers et archéologie » a connu une évolution positive.


La catégorie « Autres objets de collection »  (livres, timbres, autographes, monnaies et médailles, instruments de musique…) a progressé de 9 % par rapport à 2017. On note par exemple la hausse importante des ventes aux enchères de livres et manuscrits : l’acte IV de la vente de la bibliothèque de Pierre Bergé en décembre dernier (7 millions d’euros ; OVV Pierre Bergé & Associés) ; la vente de la bibliothèque R. & B.L. VII, XIXsiècle (1840-1898) comprenant des éditions originales, des revues, des lettres et manuscrits autographes (2,7 millions d’euros ; maisons Binoche & Giquello avec Sotheby’s). Autre segment qui se porte bien parmi les « Autres objets de collection » ; la numismatique, qui représente plus de 11 millions d’euros en France, et dont Sabine Bourgey expert numismate, a commenté les chiffres : « la numismatique c’est 27 siècles d’histoire, donc il y a toujours quelques chose qui va se vendre, qui va être à la mode, et c’est un marché qui est entièrement international » a-t-elle affirmé. Ainsi, les lots vendus à un prix unitaire supérieur à 25 000 euros hors frais représentent 45 % du montant total des ventes. Une pièce représentant Victoria Hanovre, fille d’Édouard Auguste, duc de Kent, et de Victoria de Saxe Cobourg, a ainsi été vendue à 130 000 euros.


Pour ce qui est de la catégorie « Joaillerie et orfèvrerie », après deux années de progression (5 % en 2016 et 8 % en 2017), les ventes diminuent en 2018 de 7 % pour atteindre 134 millions d’euros. Les ventes sont essentiellement celles du segment « Joaillerie ».


Les « Vins et alcools » ont connu une progression de 18 % en 2018. Le montant des ventes aux enchères dans ce segment a atteint 46 millions d’euros. La progression des ventes enregistrées est en grande partie liée à l’OVV International Wine auction, qui vend exclusivement en ligne, et qui a adjugé plus de 140 000 flacons pour un chiffre de ventes de 14 millions d’euros.


Enfin les ventes courantes ont connu une forte baisse en 2018 passant de 75 millions en 2017 à 62 millions l’an dernier.


 


Le secteur « véhicule d’occasion et matériel industriel »


Ce secteur est porté à 96 % par les ventes de véhicules d’occasion, et la clientèle est majoritairement composée de professionnels. Le montant des ventes a diminué de 1,7 % par rapport à 2017.


Concernant les véhicules d’occasion, malgré une augmentation du nombre de véhicules vendus (+4 %), le montant total adjugé reste stable, soit 1 361 millions d’euros en 2018 contre 1 364 millions en 2017. Au total, le nombre de véhicules vendus est de 276 000.


« C’est l’érosion du prix unitaire moyen pour les deux leaders [BC Auto Enchères et Alcopa], conjuguée à la diminution du nombre de véhicules vendus aux enchères publiques par VP Auto qui sont plus “contributifs”, qui explique que, malgré la croissance du nombre de véhicules d’occasion vendus aux enchères (effet volume), le montant total adjugé du secteur en 2018 reste stable. Ceci constitue une inflexion par rapport aux années précédentes », indique la synthèse rédigée par le Conseil des ventes. Dans ce secteur, quatre opérateurs se distinguent des autres.


BC Auto Enchères, le leader de ce secteur, vend exclusivement en ligne et à une clientèle de professionnel à professionnel. Ses véhicules d’occasion proviennent en grande partie des reprises de concessionnaires. Le prix moyen de ses ventes est de 4 000 euros par véhicule.


Alcopa réalise ainsi des ventes tant en salle physique qu’en live auction et en ligne. Son offre comprend autant de reprises de concessionnaires que de véhicules issus de location longue durée. Le prix moyen des véhicules vendus est de 3 800 euros.


VP Auto réalise également des ventes tant en salle physique qu’en live auction et en ligne. Ses ventes par Internet (live auction et en ligne) sont majoritaires en montant de ventes. Le prix moyen de ses ventes est supérieur à 6 500 euros.


Enfin, Toulouse Enchères Automobiles vend majoritairement en ligne. Son offre de véhicules comprend des véhicules issus des retours de location longue durée, des sociétés de leasing, des reprises de concessionnaires. Le prix moyen des ventes est supérieur à 6 500 euros.


« L’évolution à venir des montants d’adjudications de véhicules d’occasion dépendra principalement de la capacité des opérateurs de ventes d’augmenter leurs volumes et donc d’accroître leurs parts de marché par rapport aux autres canaux de vente tout en veillant à stabiliser le prix moyen d’adjudication », affirme le document publié par le Conseil des ventes.


En ce qui concerne la vente de matériel industriel (ventes d’outils, de machines, d’engins, matériel informatique de seconde main), le montant total des ventes est en net retrait (-24 %) par rapport à l’année 2017, c’est-à-dire 64 millions contre 84 millions d’euros.


Cette diminution résulte surtout d’une baisse des ventes, pour la quatrième année consécutive, de Ritchie Bros, le leader du secteur, dont le montant des ventes de matériel industriel, constitué très majoritairement de matériels du secteur des bâtiments et travaux publics (camions-bennes, pelles hydrauliques, niveleuses, grues…). Ses ventes sont passées de 47,5 millions d’euros en 2015 à 22,7 millions en 2018.


 


Le secteur « chevaux »


En 2018, le secteur « Chevaux »  est le seul à avoir progressé. Il enregistre une croissance de 3,5 %. Les principaux opérateurs se trouvent en Basse-Normandie. L’OVV Arqana réalise 89 % du montant total adjugé avec 157 millions d’euros. Au total, 5 400 chevaux ont été vendus en 2018. 97 % d’entre eux étaient des chevaux de course pur-sang. Au sein des chevaux de courses, ont aussi été vendus des chevaux de galop et de trot. Parmi les chevaux de course, on comptait également des « yearling pur-sang », (c’est-à-dire des pur-sang de moins de deux ans), des chevaux à l’entraînement et des chevaux d’élevage.


Quant au prix unitaire des chevaux, il est assez contrasté, même au sein d’une même catégorie, tant les caractéristiques des chevaux peuvent être diverses (pedigree, taille de l’exploitation et notoriété de l’éleveur…).


Globalement, indique le rapport de l’Observatoire économique du Conseil des ventes le secteur « Chevaux » est très ouvert à l’international. Plus de 40 % des chevaux sont vendus à des étrangers. Pour les chevaux de galop, par exemple, les acheteurs viennent du Royaume-Uni, d’Irlande, d’Australie, du Japon… Malgré tout, la majorité des animaux vendus reste exploitée en France.


 


L’ÉTAT DU MARCHÉ À L’INTERNATIONAL


La synthèse éditée par le Conseil des ventes fait également un court état du marché à l’international. Cette synthèse porte sur les ventes aux enchères publiques « Art et objets de collection ». D’une manière générale, le marché dans le monde est en baisse (-2,8 %), ce qui contraste avec la progression de 2017 (+6,1 %).


En 2018, le classement des 10 premiers pays a évolué par rapport à l’année précédente. La Chine passe au 2e rang après les États-Unis, et ce, à cause de la baisse de ses ventes et d’une hausse des celles des USA. Quoi qu’il en soit, les deux pays génèrent à eux deux 68 % de l’activité mondiale du secteur « Art et objets de collections ».


Bref, « en général, le monde anglo-saxons s’en tire très bien, les États-Unis reviennent à la première place et la Grande-Bretagne progresse en Europe de manière très importante », a commenté Catherine Chadelat, présidente du Conseil des ventes.


Plus en détail, les États-Unis ont vu le montant total de leurs adjudications progresser de 5,5 % et atteindre 9,8 milliards d’euros en 2018.


La Chine a quant à pour sa part subi une diminution conséquente de ses ventes en 2018 (-12,1 %). Une baisse qui s’explique notamment par un recul des ventes de céramiques, porcelaines, peintures traditionnelle chinoises et calligraphies, et un taux d’invendus assez élevé.


Quant à l’Europe, son marché progresse globalement de 3,6 % en 2018. Mais l’évolution n’est pas la même selon les pays. En France, nous l’avons vu, le marché « Art et objets de collection » a baissé de 4,1 % en 2018, tout comme la Suisse dont les ventes dans ce secteur ont diminué de 8,4 %. Royaume-Uni (+6,6 %), Allemagne (+4,9 %) et Autriche (+ 35 %) tirent leur épingle du jeu.


Quels sont les acteurs dominants sur le marché international en 2018 ? La maison de ventes volontaires Christie’s reste le leader mondial, avec 5,3 milliards d’euros de ventes aux enchères publiques contre 4,4 milliards pour la maison de ventes Sotheby’s. Les deux OVV réalisent en tout 36 % du montant total mondial des ventes « Art et objets de collections », et cumulent un montant de 9,7 milliards d’euros de ventes cumulées.


C’est dire que le marché est hyper concentré. En effet, comme le rappellent les analyses de l’Observatoire économique du Conseil des ventes, les 10 premières maisons de ventes concentrent en 2018, 54 % du montant total des adjudications (53 % en 2017), soit près de 14,5 milliards d’euros de ventes cumulées.



Maria-Angélica Bailly


 


0 commentaire
Poster

Nos derniers articles