Le Conseil des ventes, dirigé par Catherine
Chadelat, a présenté le 13 mars dernier le bilan des ventes aux enchères
publiques dans l’Hexagone en 2018, ainsi que le bilan international des
enchères d’art et objets de collection : le résultat d’une enquête
annuelle menée auprès des opérateurs dans le cadre de sa mission d’observatoire
économique du secteur. En résumé, les enchères publiques ont connu une baisse
notable, en France comme à l’international.
Le Conseil des ventes réalise chaque année une enquête auprès des
opérateurs de ventes afin de rendre compte de l’activité économique du marché
des ventes volontaires aux enchères publiques. Comme le rappelle le Conseil des
ventes dans son document de synthèse, l’enquête est adressée à l’ensemble des
opérateurs de ventes volontaires (OVV) déclarés, c’est-à-dire 410 en 2018. L’an
passé, 63 % d’entre eux relevaient du secteur « Art et objets de
collection », 27 % étaient des « généralistes »
(les OVV réalisant moins de 95 % de leur montant adjugé sur une seule
catégorie ont été classés comme « généralistes »), 6 %
appartenaient à la catégorie « Véhicules d’occasion et matériel industriel »,
et 1 % relevaient de la catégorie « Chevaux ».
L’ÉTAT DU MARCHÉ EN FRANCE
En France, en 2018, le montant total adjugé a atteint
3 milliards d’euros, soit une baisse de -2,5 % par rapport à 2017. Un
montant qui reste néanmoins supérieur à ceux des années 2009 à 2016.
Comme l’an passé, 50 % des OVV ont déclaré une baisse de leur
activité en 2018. Plus en détail, 62 % d’entre eux réalisant moins
d’1 million d’euros de montant adjugé sont en baisse ; 57 % de
ceux qui ont réalisé moins de 2 millions de ventes le sont également, et
27 % seulement de ceux qui ont réalisé des ventes d’au moins
5 millions d’euros ont déclaré être en baisse.
Ce qui signifie que les plus petites maisons de ventes sont celles qui
connaissent majoritairement toujours une baisse de leur activité.
En 2018 également, les ventes dites « millionnaires »
ont diminué assez nettement en France. Ainsi, « le montant cumulé des
90 lots millionnaires (plus de 1 million frais inclus) en 2018 est de
228,5 millions d’euros contre 98 lots millionnaires en 2017, pour un
montant de 288 millions d’euros », a commenté un des experts de cette
conférence.
En ce qui concerne le classement 2018 des maisons de ventes tous
secteurs confondus, on constate que les trois premiers opérateurs relèvent du
secteur « Véhicules d’occasion et matériel industriel » :
BC Auto Enchères (rang 1), Alcopa Auction (rang 2) et VP Auto (rang 3).
Christie’s a vu ses ventes baisser en 2018, elle prend donc la 5e place
de ce classement derrière Sotheby’s qui prend la 4e place,
malgré une activité en léger retrait également. Quant à Arqana, premier
opérateur du secteur « Chevaux », l’opérateur conserve sa 6e place
et a même vu son activité progresser.
Comme les années précédentes, on constate aussi une
concentration du marché des ventes aux enchères. Ainsi, 20 opérateurs de ventes
ont réalisé 71 % du montant total adjugé, soit un montant cumulé
d’adjudications équivalent à 2,13 milliards d’euros. Cependant, « la
concentration se vérifie un petit peu moins en 2018 et c’est assez intéressant,
car la concentration augmentait les années précédentes, et là le top 20 fait
-1,8 % » a commenté Catherine Chadelat, présidente du Conseil des
ventes.
Au niveau de la répartition géographique du marché, on constate que la
région Île-de-France concentre pas moins de 61 % des adjudications en
2018, soit un chiffre qui s’élève à 1,83 milliard d’euros répartis entre
les 142 OVV que compte le territoire francilien. La région Bretagne arrive en 2e position,
avec 9 % des ventes, là où se trouve un important marché de vente de
véhicules d’occasion. La Normandie, célèbre pour la vente de chevaux, est la 3e région
du classement avec 8 % de part de marché.
Enfin, la synthèse de l’Observatoire économique du Conseil des ventes
indique que le montant des ventes par Internet en 2018 est en léger repli
(-2 %) par rapport à l’année d’avant.
Ainsi, 1 140 milliards d’euros ont été adjugés par voie
électronique, soit 38 % du montant total adjugé tous secteurs confondus.
Les ventes de véhicules d’occasion et de matériel industriel constituent
toujours la part essentielle des ventes online, c’est-à-dire entièrement
dématérialisées, avec une salle des ventes virtuelle.
Enfin, le document indique également que l’ouverture à l’international
des ventes aux enchères se confirme d’année en année. En effet, en 2018,
38 % des ventes les plus importants OVV ont été adjugées à des acheteurs
étrangers.
LES VENTES PAR SECTEURS
Si le marché des ventes volontaires a globalement diminué en 2018,
l’évolution des ventes n’est cependant pas la même selon les secteurs.
Le secteur « Chevaux » a par exemple, augmenté de 3,5 %. Les parts de marché
des secteurs « Arts et objets de collection » et « Véhicules
d’occasion et matériel industriel » ont quant à elles baissé. Elles
sont identiques et représentent 47 % chacune.
Le secteur
« art et objet de collection »
En 2018, le
secteur a connu une baisse de 4,1 % par rapport à l’an passé. Les montants
adjugés dans ce secteur ont atteint 1,4 milliard d’euros.
Selon le rapport du Conseil des ventes, cette baisse s’explique par le
recul des ventes des OVV du top 20 (-7 %). En cause, la forte diminution
du montant des ventes de Christie’s, qui n’a été que partiellement compensée
par les ventes des autres maisons de ventes aux enchères.
En outre, 56 % des maisons de ventes du secteur ont déclaré une
baisse de leurs ventes en 2018.
Qu’est-ce qui explique la diminution des ventes ? Pour les maisons
qui constituent le top 20, on assiste à une baisse de 3 % des
montants adjugés en art d’après-guerre contemporain, ainsi qu’une baisse, nous
l’avons dit, du nombre d’œuvres millionnaires adjugées en 2018 et du montant
cumulé de leurs ventes. Les autres maisons ont été impactées par une diminution
des ventes courantes de 17 %.
Le classement des 20 premiers opérateurs de ce secteur évolue
légèrement par rapport à 2017, Sotheby’s prend ainsi la première place devant
Christie’s. Quant à Artcurial, elle conserve sa troisième place. Pierre Bergé
& Associés a vu son montant de ventes fortement progresser, du fait de la
dispersion de deux importantes collections de Pierre Bergé. La maison a ainsi
gagné cinq places dans le classement. Millon, dont le montant des ventes a
progressé, a retrouvé un niveau proche de celui de 2016.
La maison de vente a gagné deux places. Thierry de Maigret, qui réintègre
le top 20 au seizième rang, est le seul nouvel entrant dans le top 20
en 2018, indique le rapport de l’Observatoire économique du Conseil des ventes.
• Le secteur « Art et objets de
collection » est constitué de 5 catégories : art et
antiquités, autres objets de collection ; joaillerie et orfèvrerie ;
ventes courantes et vins et alcools.
Concernant la catégorie « art et antiquités », le
total des montants adjugés représente 875 millions d’euros en 2018, contre
946 millions en 2017 et retrouve donc son niveau de 2016
(877 millions). Dans cette catégorie, seul le segment « Art
d’Asie, arts premiers et archéologie » a connu une évolution positive.
• La catégorie « Autres objets de
collection » (livres, timbres, autographes, monnaies et
médailles, instruments de musique…) a progressé de 9 % par rapport à
2017. On note par exemple la hausse importante des ventes aux enchères de
livres et manuscrits : l’acte IV de la vente de la bibliothèque de
Pierre Bergé en décembre dernier (7 millions d’euros ; OVV Pierre
Bergé & Associés) ; la vente de la bibliothèque R. & B.L. VII, XIXe siècle
(1840-1898) comprenant des éditions originales, des revues, des lettres et
manuscrits autographes (2,7 millions d’euros ; maisons Binoche &
Giquello avec Sotheby’s). Autre segment qui se porte bien parmi les « Autres
objets de collection » ; la numismatique, qui représente plus de
11 millions d’euros en France, et dont Sabine Bourgey expert numismate,
a commenté les chiffres : « la numismatique c’est
27 siècles d’histoire, donc il y a toujours quelques chose qui va se
vendre, qui va être à la mode, et c’est un marché qui est entièrement
international » a-t-elle affirmé. Ainsi, les lots vendus à un prix
unitaire supérieur à 25 000 euros hors frais représentent 45 %
du montant total des ventes. Une pièce représentant Victoria Hanovre, fille
d’Édouard Auguste, duc de Kent, et de Victoria de Saxe Cobourg, a ainsi été
vendue à 130 000 euros.
Pour ce qui est de la catégorie « Joaillerie et
orfèvrerie », après deux années de progression (5 % en 2016 et
8 % en 2017), les ventes diminuent en 2018 de 7 % pour atteindre
134 millions d’euros. Les ventes sont essentiellement celles du segment
« Joaillerie ».
Les « Vins et alcools » ont connu une progression de
18 % en 2018. Le montant des ventes aux enchères dans ce segment a atteint
46 millions d’euros. La progression des ventes enregistrées est en grande
partie liée à l’OVV International Wine auction, qui vend exclusivement en
ligne, et qui a adjugé plus de 140 000 flacons pour un chiffre de
ventes de 14 millions d’euros.
• Enfin les ventes courantes ont connu une
forte baisse en 2018 passant de 75 millions en 2017 à 62 millions l’an dernier.
Le secteur
« véhicule d’occasion et matériel industriel »
Ce secteur est porté à 96 % par les ventes de véhicules
d’occasion, et la clientèle est majoritairement composée de professionnels. Le
montant des ventes a diminué de 1,7 % par rapport à 2017.
• Concernant les véhicules d’occasion, malgré
une augmentation du nombre de véhicules vendus (+4 %), le montant total
adjugé reste stable, soit 1 361 millions d’euros en 2018 contre
1 364 millions en 2017. Au total, le nombre de véhicules vendus est
de 276 000.
« C’est l’érosion du prix unitaire moyen pour les deux leaders [BC
Auto Enchères et Alcopa], conjuguée à la diminution du nombre de véhicules
vendus aux enchères publiques par VP Auto qui sont plus “contributifs”,
qui explique que, malgré la croissance du nombre de véhicules d’occasion vendus
aux enchères (effet volume), le montant total adjugé du secteur en 2018 reste
stable. Ceci constitue une inflexion par rapport aux années précédentes »,
indique la synthèse rédigée par le Conseil des ventes. Dans ce secteur, quatre
opérateurs se distinguent des autres.
BC Auto Enchères, le leader de ce secteur, vend exclusivement en ligne
et à une clientèle de professionnel à professionnel. Ses véhicules d’occasion
proviennent en grande partie des reprises de concessionnaires. Le prix moyen de
ses ventes est de 4 000 euros par véhicule.
Alcopa réalise ainsi des ventes tant en salle physique qu’en live
auction et en ligne. Son offre comprend autant de reprises de
concessionnaires que de véhicules issus de location longue durée. Le prix moyen
des véhicules vendus est de 3 800 euros.
VP Auto réalise également des ventes tant en salle physique qu’en live
auction et en ligne. Ses ventes par Internet (live auction et en
ligne) sont majoritaires en montant de ventes. Le prix moyen de ses ventes est
supérieur à 6 500 euros.
Enfin, Toulouse Enchères Automobiles vend majoritairement en ligne. Son
offre de véhicules comprend des véhicules issus des retours de location longue
durée, des sociétés de leasing, des reprises de concessionnaires. Le
prix moyen des ventes est supérieur à 6 500 euros.
« L’évolution à venir des montants d’adjudications de véhicules
d’occasion dépendra principalement de la capacité des opérateurs de ventes
d’augmenter leurs volumes et donc d’accroître leurs parts de marché par rapport
aux autres canaux de vente tout en veillant à stabiliser le prix moyen
d’adjudication », affirme le document publié par le Conseil des
ventes.
• En ce qui concerne la vente de matériel
industriel (ventes d’outils, de machines, d’engins, matériel informatique de
seconde main), le montant total des ventes est en net retrait (-24 %) par
rapport à l’année 2017, c’est-à-dire 64 millions contre 84 millions
d’euros.
Cette diminution résulte surtout d’une baisse des ventes, pour la
quatrième année consécutive, de Ritchie Bros, le leader du secteur, dont le
montant des ventes de matériel industriel, constitué très majoritairement de
matériels du secteur des bâtiments et travaux publics (camions-bennes, pelles
hydrauliques, niveleuses, grues…). Ses ventes sont passées de
47,5 millions d’euros en 2015 à 22,7 millions en 2018.
Le secteur
« chevaux »
En 2018, le secteur « Chevaux » est le seul à avoir progressé. Il enregistre
une croissance de 3,5 %. Les principaux opérateurs se trouvent en
Basse-Normandie. L’OVV Arqana réalise 89 % du montant total adjugé avec
157 millions d’euros. Au total, 5 400 chevaux ont été vendus en
2018. 97 % d’entre eux étaient des chevaux de course pur-sang. Au sein des
chevaux de courses, ont aussi été vendus des chevaux de galop et de trot. Parmi
les chevaux de course, on comptait également des « yearling pur-sang »,
(c’est-à-dire des pur-sang de moins de deux ans), des chevaux à l’entraînement
et des chevaux d’élevage.
Quant au prix unitaire des chevaux, il est assez contrasté, même au
sein d’une même catégorie, tant les caractéristiques des chevaux peuvent être
diverses (pedigree, taille de l’exploitation et notoriété de l’éleveur…).
Globalement, indique le rapport de l’Observatoire économique du Conseil
des ventes le secteur « Chevaux » est très ouvert à
l’international. Plus de 40 % des chevaux sont vendus à des étrangers.
Pour les chevaux de galop, par exemple, les acheteurs viennent du Royaume-Uni,
d’Irlande, d’Australie, du Japon… Malgré tout, la majorité des animaux vendus
reste exploitée en France.
L’ÉTAT DU MARCHÉ À
L’INTERNATIONAL
La synthèse
éditée par le Conseil des ventes fait également un court état du marché à
l’international. Cette synthèse porte sur les ventes aux enchères publiques
« Art et objets de collection ». D’une manière générale, le
marché dans le monde est en baisse (-2,8 %), ce qui contraste avec la
progression de 2017 (+6,1 %).
En 2018, le classement des 10 premiers pays a évolué par rapport à
l’année précédente. La Chine passe au 2e rang après les
États-Unis, et ce, à cause de la baisse de ses ventes et d’une hausse des
celles des USA. Quoi qu’il en soit, les deux pays génèrent à eux deux 68 %
de l’activité mondiale du secteur « Art et objets de collections ».
Bref, « en général, le monde anglo-saxons s’en tire très bien,
les États-Unis reviennent à la première place et la Grande-Bretagne progresse
en Europe de manière très importante », a commenté Catherine Chadelat,
présidente du Conseil des ventes.
Plus en
détail, les États-Unis ont vu le montant total de leurs adjudications
progresser de 5,5 % et atteindre 9,8 milliards d’euros en 2018.
La Chine a quant à pour sa part subi une diminution conséquente de ses
ventes en 2018 (-12,1 %). Une baisse qui s’explique notamment par un recul
des ventes de céramiques, porcelaines, peintures traditionnelle chinoises et
calligraphies, et un taux d’invendus assez élevé.
Quant à
l’Europe, son marché progresse globalement de 3,6 % en 2018. Mais
l’évolution n’est pas la même selon les pays. En France, nous l’avons vu, le
marché « Art et objets de collection » a baissé de 4,1 %
en 2018, tout comme la Suisse dont les ventes dans ce secteur ont diminué de
8,4 %. Royaume-Uni (+6,6 %), Allemagne (+4,9 %) et Autriche (+
35 %) tirent leur épingle du jeu.
Quels sont
les acteurs dominants sur le marché international en 2018 ? La maison de
ventes volontaires Christie’s reste le leader mondial, avec 5,3 milliards
d’euros de ventes aux enchères publiques contre 4,4 milliards pour la
maison de ventes Sotheby’s. Les deux OVV réalisent en tout 36 % du montant
total mondial des ventes « Art et objets de collections », et
cumulent un montant de 9,7 milliards d’euros de ventes cumulées.
C’est dire
que le marché est hyper concentré. En effet, comme le rappellent les analyses
de l’Observatoire économique du Conseil des ventes, les 10 premières
maisons de ventes concentrent en 2018, 54 % du montant total des
adjudications (53 % en 2017), soit près de 14,5 milliards d’euros de
ventes cumulées.
Maria-Angélica Bailly