ÉCONOMIE

Les meublés touristiques dans le viseur des parlementaires

Les meublés touristiques dans le viseur des parlementaires
Le Sénat votera le 21 mai sur une proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché
Publié le 10/05/2024 à 13:59
Alors que le ministre du logement Guillaume Kasbarian présentait la semaine dernière son projet de loi « relatif au développement de logements abordables », le sujet des locations saisonnières touristiques revient dans le débat. Elles sont directement visées par un autre texte en cours d’examen au Parlement, qui doit remédier aux déséquilibres du marché locatif.

Les parlementaires montent à l’assaut d’Airbnb. Préparant la discussion en séance publique, le 21 mai, d'une proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif, le Sénat a conduit le mois dernier une consultation auprès des élus locaux afin de recueillir leur sentiment sur les meublés de tourisme qui pullulent dans leurs communes. Estimés à 800 000 sur un stock de 38 millions de logements en France, leur essor provoque une « attrition » du parc de résidences principales dans un certain nombre de villes, souligne le Sénat.

La nécessité de réguler la location de meublés touristiques semble faire l'objet d'un relatif consensus. Dans son 29ème rapport sur l'état du mal-logement en France, la Fondation Abbé Pierre note que « de très nombreux rapports ont abouti ces dernières années à la conclusion qu’il faut mieux encadrer ces activités et supprimer leur niche fiscale, permettre aux collectivités de limiter leur développement en leur imposant des mesures de compensation pour le logement durable, un nombre de jours de location maximal, un numéro unique d’enregistrement pour faciliter les contrôles ou des normes de performance énergétique comme pour tout logement locatif ».

Adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 29 janvier, la proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif contient trois articles : le premier soumet la location d'un meublé de tourisme à la réalisation d'un diagnostic de performance énergétique, le second prévoit l'élargissement des communes concernées par le régime du changement d'usage du local, prévu par l'article L. 631-7 du Code de la construction et de l'habitation. Enfin, le troisième article vise à réduire les avantages fiscaux ouverts par ce type de location. Autant de mesures qui répondent en partie aux inquiétudes des élus locaux franciliens, principaux concernés par l’explosion des meublés touristiques. La part des logements ayant fait l’objet d’une location touristique en petite et en grande couronne est passée de 22,9% en 2016, à 33,5% en 2019, selon une étude de l’Institut Paris Région.

Les élus demandent des outils pour assurer un suivi

Pour Romain Marchand, 1er adjoint chargé de l’aménagement de la ville d’Ivry-sur-Seine, le sujet est bien une préoccupation, mais il regrette des moyens de suivi limités : « le problème, c'est qu'on manque un peu de moyens humains pour travailler sur le sujet, et encore moins dans une perspective de contrôle ». Pour lui, les meublés touristiques représentent sans aucun doute des logements en moins pour les Ivryens. Il estime qu'un soutien de l’État serait bienvenu : « clairement, il nous manque une vision statistique, et une ingénierie pour travailler [sur ces questions] ». La loi sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) du 23 novembre 2018 avait mis en place un certain nombre de règles à respecter pour les propriétaires loueurs de meublés de tourisme, dont la limite de 120 jours de location pour les résidences principales. Sans que les communes ne soit pour autant dotées des outils de contrôle nécessaires à leur bonne application.

D’après le rapport de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi, le développement d'une « API meublés » pourrait répondre au besoin de suivi des locations de meublés touristiques. La loi visant à sécuriser et réguler l'espace numérique (SREN), adoptée définitivement le 10 avril dernier, crée cette interface de programmation d'application dont le but sera de « faciliter les échanges de données entre les intermédiaires de location de meublés de tourisme et les communes, afin de permettre à celles-ci de mieux contrôler le respect de la réglementation ». L’expérimentation dans cinq communes en 2022 de ce dispositif par la direction générale des entreprises (DGE), le pôle d’expertise de la régulation numérique (PEReN) et la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), a abouti à un résultat « positif », « tant pour les plateformes de location […] que pour les collectivités », selon le gouvernement.

Rééquilibrer la fiscalité au profit du logement durable

Reste l’épineuse question de la fiscalité. Le rapport de la commission des affaires économiques souligne que « la fiscalité locative repose sur une dichotomie entre le régime foncier applicable à la location nue et le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), applicable à la location meublée ». Ce régime du micro-BIC ouvre « droit à un abattement fiscal de 50 % des revenus annuels tirés de la location de locaux meublés non classés, dont le plafond est fixé à 77 700 euros ». Si le propriétaire fait classer son meublé de tourisme au titre du code du tourisme, il bénéficie même « d’un abattement de 71 % et d’un plafond de 188 700 euros de recettes tirées de la location des biens ». Ce régime fiscal s'avère donc particulièrement incitatif pour les bailleurs, en comparaison du régime foncier appliqué à la location de logements nus. La direction de la législation fiscale (DLF), interrogée dans le cadre du rapport, évoque une « vétusté » des règles fiscales s'appliquant aux loueurs en meublé, et considère que « l'ensemble des avantages » de leur régime doit être remis à plat.

Aussi, afin de réduire cette valorisation fiscale des meublés touristiques, le troisième article de la proposition de loi prévoit d'aligner le régime fiscal des meublés touristiques sur celui du régime du microfoncier. En zone tendue, les meublés de tourisme bénéficieraient d'un régime à 50% et 30 000 euros de plafond de revenus pour ceux qui sont classés, et à 30% et 15 000 euros de plafond pour les meublés non classés. Les parlementaires espèrent que ce rééquilibrage empêche les meublés de tourisme de devenir un frein au logement durable et pérenne. Pour peu que le texte soit voté en l’état par les sénateurs. Verdict le 21 mai au palais du Luxembourg.

Etienne Antelme

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