Les nouveaux
aménagements, dont les plus courants sont les snowparks (pour reprendre
cet anglicisme connu des pratiquants de ski), ont conduit les juridictions à
s’interroger sur l’étendue de la responsabilité de l’exploitant, en cas
d’accident.
En effet, de
nouvelles questions se posent au regard de pratiques toujours plus innovantes,
qui tendent à répondre à une demande de sensations originales de la part de la
clientèle des stations, qu’il s’agisse de boardercross ou même du tout
nouveau water slide.
Que se
cache-t-il derrière de telles pratiques sur le plan juridique ?
Tout d’abord, il n’y aura plus de doute à avoir sur la nature de la
responsabilité applicable sur le plan civil, contrairement aux hésitations de
la jurisprudence s’agissant de la descente d’une piste. Rappelons qu’après
s’être orientée vers la notion de responsabilité délictuelle, c’est-à-dire
celle dégagée de tout lien contractuel, la jurisprudence s’est désormais
attachée à la responsabilité contractuelle. La Cour de cassation a retenu peu à
peu l’existence d’un seul régime, celui concrétisé par l’acquisition d’un
forfait de ski qui fait naître, à l’égard de l’exploitant des pistes, une
obligation de sécurité.
Cette obligation résulte désormais de l’article 1231 – 1 du Code
civil (ancien article 1147 du même Code avant le 1er octobre
2016).
L’intensité
de cette obligation de sécurité a été définie comme une obligation de moyens,
c’est-à-dire celle qui consiste à
apporter les soins et les diligences normalement nécessaires pour atteindre un
certain niveau d’absence de danger. Il est déjà tenu compte du rôle actif de
l’usager qui emprunte une piste « ordinaire », adaptée à son
niveau, et répertoriée selon un code couleur bien connu – noire, rouge, bleue,
verte. Dans une zone spécifiquement aménagée, il convient de s’attacher
certainement davantage au comportement particulier de celui qui vient réaliser
des sauts, ou diverses figures acrobatiques dans cette zone.
Dans
l’avant-projet CATALA, sur la réforme du droit des contrats, il était rappelé
que la responsabilité du titulaire d’une obligation de sécurité était
subordonnée à la preuve que ce dernier a manqué de prudence ou de diligence.
Cet aspect
juridique, somme toute assez théorique et abstrait, se trouve confronté à une
réalité pratique et concrète analysée par les juridictions qui sont amenées à
statuer sur les accidents qui se sont déroulés dans des zones spécifiquement
aménagées, ou en bordure de celles-ci.
Une responsabilité accrue en cas d’aménagements
particuliers ?
À l’occasion d’un accident survenu sur un snowpark, dans un espace
dénommé Easy Park, la cour d’appel de Chambéry était amenée à
s’interroger sur l’étendue de l’obligation imposée à l’exploitant.
Dans un arrêt du 27 février 2014, la juridiction savoyarde posait un
principe essentiel :
« L’espace Easy Park ne saurait être assimilé à une attraction
de parcs de loisirs, avec un itinéraire obligatoire et totalement sécurisé, ce
qui reviendrait à faire peser sur l’exploitant une obligation de résultat,
alors que cet espace aménagé demeure une piste de ski, à l’intérieur de
laquelle chaque skieur peut évoluer librement » (voir Carnet juridique
du ski, n° 6. 36, page 226).
Cette analyse met en parallèle un élément fondamental de la pratique du
ski, à savoir une évolution libre et responsable du pratiquant (adaptée à son
niveau et à ses capacités techniques) avec le niveau exigé de l’obligation de
sécurité du service des pistes.
Les magistrats pouvaient être tentés d’établir l’existence d’une
obligation de résultat, c’est-à-dire assurant finalement une garantie totale
aux usagers de parcourir la zone aménagée sans la moindre difficulté et en
l’absence de tout risque. Cette exigence conduirait inévitablement à assimiler
une telle zone à un véritable parc d’attraction. La rédaction de la décision
précitée ne se prive d’ailleurs pas de cette référence pour l’écarter.
En effet, plus raisonnablement, la cour d’appel de Chambéry a considéré
que le rôle actif de celui qui pénétrait à l’intérieur d’une telle zone
nécessite de retenir uniquement l’existence d’une obligation de moyens.
En revanche, et à juste titre, les magistrats deviennent de plus en plus
exigeants sur deux questions fondamentales lorsqu’un accident grave
survient :
• Le pratiquant était-il bien informé du fait
qu’il pénétrait dans une zone aménagée, avec de ce fait, des niveaux de
difficultés différents dans ce secteur ?
• Les lieux, tels qu’ils étaient aménagés,
présentaient-ils un danger anormal ou excessif ?
C’est dire
que, peu à peu, l’obligation de moyens « simple » semble se
transformer malgré tout, en une obligation de moyens « renforcée »,
car l’aménagement mis en place réclame une information et une vigilance
particulière.
L’exemple des snowparks
Le 2 mars 2004, un jeune homme était victime d’un accident de
snowboard, en chutant sur le dos à la réception d’un saut sur une bosse aménagée
dans un snowpark. Les blessures subies ont malheureusement entraîné sa
paraplégie.
Après
différentes étapes judiciaires, c’est la Cour de cassation qui a été amenée à
statuer définitivement, par un arrêt du 8 février 2017 (Carnet
juridique du ski n° 6. 35 page 227-
1. ci-dessous).
La haute
juridiction a d’abord relevé que les témoignages produits par le demandeur
étaient trop imprécis, pour caractériser un danger anormal ou excessif, de
sorte qu’à ce titre, il n’était pas démontré une faute de l’exploitant du
domaine skiable.
Rappelant
ensuite que compte tenu de la date des faits (2004), il n’existait pas alors de
normes de références, les magistrats de la Cour de cassation insistent sur la
présence d’un panneau entouré de deux triangles, contenant un point
d’exclamation pour signaler le danger, la mention « attention »
et les mots suivants : « l’utilisation du snowpark présente des
risques/sachez évaluer votre niveau », ce qui constituait pour les
magistrats une signalisation suffisante.
La responsabilité
de l’exploitant n’était donc pas retenue.
C’est sensiblement la même analyse qui a conduit le tribunal de grande
instance de Grenoble dans son jugement rendu le 9 février 2017 (2.
ci-dessous). Il s’agit d’un jeune homme, skieur expérimenté, qui s’est
grièvement blessé après avoir sauté un « big-air » situé dans
un snowpark. Une enquête pénale classée sans suite, a permis d’établir
les faits de manière précise.
Après s’être
élancée à très grande vitesse, à tel point que l’un de ses amis a tenté vainement
de lui faire signe de ralentir, la jeune victime « s’est envolée »
à hauteur de plusieurs mètres mais malheureusement s’est retrouvée trop en
arrière et s’est mal réceptionnée, de sorte que ses skis se sont trouvés à la
perpendiculaire par rapport à l’axe de progression.
Le tribunal
rappelait la jurisprudence constante qui retient que l’exploitant de ce type
d’espace aménagé est tenu d’une obligation de sécurité de moyens, eu égard au
rôle actif des pratiquants dans cette zone : il convenait donc pour la
victime d’établir l’existence d’une faute contractuelle.
Cependant,
ni le défaut d’information, ni l’absence de dispositif de sécurité n’ont été
retenus par les premiers juges qui ont considéré que l’obligation de sécurité
de moyens avait été respectée par le service des pistes dans cette zone.
Les
magistrats prenaient soin d’indiquer – sans dénuer ainsi leur décision de toute
considération compréhensible pour la victime – que « sans minimiser
l’importance des blessures subies », il convenait de dire que
l’accident n’était pas imputable à l’exploitant de la zone spécifiquement
aménagée. Cette décision sera soumise prochainement à l’appréciation de la cour
d’appel de Grenoble.
Un accident de Boarder cross
Au sens strict, le boarder cross désigne en réalité une
compétition de snowboard dans laquelle quatre ou six snowboardeurs
évoluent en parallèle sur un parcours : de ce fait, les zones d’évolution
sont assez étroites et comprennent des virages cambrés, avec divers types de
sauts mettant ainsi au défi le coureur de garder le contrôle de sa trajectoire,
tout en maintenant une vitesse maximale. Il n’est évidemment pas rare, dans ces
conditions, que les coureurs entrent en collision les uns avec les autres, très
souvent à mi-course.
Les stations
ont pris l’habitude de mettre en place des parcours utilisant la même
terminologie, indifféremment destinés au skieur et au surfeur évoluant l’un
après l’autre, mais toujours avec une idée d’un parcours comprenant des virages
cambrés et des bosses spécialement aménagées. Là encore, il est impératif
qu’une signalisation correcte soit mise en place afin que le pratiquant sache,
en toute connaissance de cause, qu’il va emprunter un parcours spécifique qui
n’est pas une piste habituelle.
Un accident
survenu le 14 mars 2010 a conduit le tribunal de grande instance de
Thonon-les-Bains à s’interroger sur une double faute à l’origine du
dommage : après avoir emprunté un boardercross, ouvert à tous les
skieurs, et avoir chuté suite au passage d’une bosse aménagée sur ce parcours,
le skieur qui se trouvait au sol était heurté par un autre pratiquant venant de
l’amont.
Les
compagnies d’assurances avaient vainement tenté une répartition des
responsabilités à titre amiable. Les magistrats hauts-savoyards saisis du
litige ont dès lors été amenés à statuer le 6 juillet 2017
(3. ci-dessous).
Sur la
responsabilité principale, extérieure aux présents développements, le tribunal
retenait la responsabilité du skieur amont, considérant qu’il ne démontrait
aucune faute de la victime située en aval, précisant que « le manque de
rapidité (du skieur aval) pour se dégager du creux de la bosse à la réception
de laquelle il avait chuté, ne pouvait lui être reproché ».
En revanche,
l’auteur du dommage soutenait que la piste de boardercross ne comportait
pas de délimitation ni de signalétique informant les usagers du niveau de
difficulté au regard des sauts et des virages.
Il est assez curieux de constater que, dans cette décision, les
magistrats procèdent à un véritable retournement de la charge de la
preuve : en effet, il est reproché à l’exploitant de ne pas justifier de
la présence d’un balisage en prévention des risques, alors qu’il appartient
précisément au demandeur d’apporter les éléments de preuve de l’existence de la
faute qu’il évoque.
Pour les
premiers juges, « la piste en cause était particulièrement
dangereuse au regard de ses virages et de la hauteur des buttes la
composant », alors que précisément c’est la définition même d’un
parcours de boardercross et que la notion de « danger excédant ceux
contre lesquels un usager doit se prémunir par une attitude adaptée »
n’est pas réellement prise en compte : il aurait fallu démontrer que les
lieux n’étaient pas correctement entretenus, et/ou qu’ils comportaient un
danger excessif.
Mais pour les
magistrats, l’exploitant aurait omis de mettre en place un dispositif adéquat
de protection, suggérant la présence de filets, lesquels auraient pu permettre
d’éviter toute entrée d’un skieur à mi-parcours. La juridiction de première
instance n’avait toutefois pas vérifié de manière précise, l’existence ou non
de ces éléments de fait.
En définitive, le tribunal se déterminait sur un partage de
responsabilité à hauteur de 50 %, c’est-à-dire que l’auteur principal – à
savoir le skieur amont – se trouvait ainsi exonéré, en définitive, de la moitié
des conséquences du dommage.
L’analyse d’une chute dans un water
slide
Encore une
nouvelle terminologie pour décrire une étendue d’eau artificielle, installée
dans un espace aménagé, généralement au pied des pistes, longue de quelques
mètres et profonde d’environ 40 cm que le skieur va parcourir à l’aide de
son engin de glisse, après une prise d’élan sur une piste aménagée.
Le but du jeu est de traverser cette étendue d’eau
sans chuter, en évitant ainsi de se mouiller.
Cette nouvelle discipline a été adoptée dans nombre
de stations, considérant que cette activité sportive est accessible à tous, y
compris aux enfants : la pratique est libre et non encadrée.
À la suite d’un accident du 12 mars 2014, le
tribunal de grande instance d’Albertville rendait le 15 décembre 2017 (4.
ci-dessous) une décision à la fois novatrice par le sujet, et intéressante
sur le plan juridique.
En fin d’après-midi, vers 16 h 50, une
skieuse adulte chute en évoluant sur le water slide aménagé dans la
station : cette chute provoque une flexion de la colonne vertébrale ainsi
qu’un traumatisme du rachis, fort heureusement sans conséquences graves.
Elle décide de mettre en cause la responsabilité de
la station, demandant que celle-ci soit condamnée à réparer son préjudice.
Avant d’examiner la discussion au fond sur la
responsabilité, la juridiction pose un principe extrêmement intéressant :
elle indique que s’agissant d’une zone spécifiquement aménagée, si la
responsabilité ne change pas de nature (entendons par là une obligation
contractuelle de moyens), elle est d’autant plus renforcée et
« doit être appréciée d’autant plus sévèrement que des aménagements
spécifiques ont été apportés au terrain naturel, de nature à augmenter sa
dangerosité », ajoutant que les pratiquants qui s’engagent dans ce
type d’aménagement, en parfaite connaissance de cause, doivent eux-mêmes
apprécier si le niveau de leur formation, leur forme physique et leur
équipement sont compatibles avec les « dangers normalement prévisibles »
dans ce type de zone.
Une première question se posait donc, sur la
nécessité ou non de mettre en place une surveillance permanente à l’entrée de
cette zone, une sorte de « vigie » contrôlant la capacité de
chacun à effectuer le parcours (comment ?) et mettant en garde chaque
candidat sur les risques de cet espace spécifique.
Le juge du fond retient que l’exploitant n’est pas
tenu d’une obligation de surveillance en précisant qu’il n’a pas « la
possibilité d’effectuer un contrôle permanent de l’utilisation de cet espace
aménagé, par les skieurs ». C’est, en fait, toute la question de la
signalisation de la zone qui s’impose : des panneaux indicatifs doivent
être mis en place, souvent de couleur rouge/orangé très voyante, avec
l’inscription en français et en anglais : « attention, ce parcours
comporte des risques… » et d’éventuels rappels de sécurité. Les
juridictions sont très vigilantes pour la vérification de l’existence d’une
information suffisamment claire.
Ceci permet de vérifier s’il s’agit pour le
pratiquant d’un choix délibéré de se retrouver sur un parcours particulier. En
l’espèce, la juridiction relève que le jeune enfant de la victime s’était
élancé, lui, sans la moindre difficulté, et que la victime elle-même, filmée
par son époux, avait parfaitement conscience du fait que cette activité n’était
pas encadrée, et qu’elle allait évoluer librement dans ce secteur.
La configuration des lieux est également mise en
cause, la victime faisant référence à une sorte de « tremplin »
ayant conduit à un envol. Cependant, il était versé aux débats une vidéo de
l’accident malheureux, et cet élément de preuve a été largement pris en compte
par la juridiction.
Était constatée l’absence de tremplin rendant l’activité
particulièrement dangereuse, et le fait que le temps clair permettait une
descente sans la moindre difficulté : la chute était intervenue après, ce
que l’on pourrait qualifier, « d’amerrissage » – un nouveau
vocabulaire qui vient s’immiscer curieusement dans l’univers des sports
d’hiver !
La juridiction retenait ensuite que le pratiquant s’engageant dans une
telle zone doit adopter une conduite prudente et avisée, au besoin après une
reconnaissance préalable du terrain. Or, l’audition et le visionnage de la
vidéo réalisée par l’époux de la victime ont permis au tribunal de constater
que ce dernier criait énergiquement « en arrière, en arrière »,
preuve que la position de la victime n’était pas adaptée.
Ainsi, les juridictions prennent soin de vérifier s’il existe une
dangerosité manifeste de l’espace aménagé ou si l’exploitant a commis un
manquement à son obligation d’information, de mise en œuvre des moyens
nécessaires à assurer la sécurité des utilisateurs.
En parallèle, contrairement à un mouvement plus général de
responsabilité automatique, les tribunaux demeurent ici attachés à l’analyse
stricte de l’attitude de celui qui pénètre dans une telle zone : le
pratiquant fait le choix du parcours ; dès lors qu’il s’élance, il doit
avoir conscience que ce genre d’activité comporte un risque de chute normalement
prévisible, auquel il s’expose.
Cet équilibre, comme les deux plateaux de la balance de Thémis,
tend à concilier liberté d’aller et venir et nécessité d’une sécurité minimale
due par l’exploitant de ces nouvelles zones spécifiquement aménagées sur les
pistes.
1. Chute
sur le dos, à la réception d’une bosse aménagée dans un snowpark : la
charge de la preuve d’un éventuel manquement de l’exploitant incombe à la
victime. En l’espèce, aucune faute démontrée. Le snow-park était bien
signalé et bien délimité : pas de danger anormal ou excessif – pas de danger
manifeste en lien avec une prétendue trop forte pente.
Cour de cassation, 8 février 2017
Madame Batut, présidente
Madame le Gall, conseiller référendaire rapporteur
Madame Kamara, conseiller doyen
Pourvoi n° X 15-28 .025/Arrêt n°210F-D
Monsieur B. a été victime d’un accident de snowboard
sur le domaine skiable de V., en chutant sur le dos à la réception d’un saut
sur une bosse aménagée dans un snowpark. Les blessures subies ont
entraîné sa paraplégie. (…)
Ayant estimé que les témoignages faisant état d’une
piste gelée, de petits amas de glace et de certaines excavations, constituaient
des observations imprécises qui ne caractérisaient pas un danger anormal ou
excessif empêchant de franchir l’obstacle aménagé, la cour d’appel en a
souverainement déduit qu’ils n’étaient pas susceptibles de démontrer une faute
de l’exploitant ;
Ensuite, en énonçant qu’il appartenait à la victime de
démontrer qu’au jour de l’accident, le module de saut était si dangereux que
l’exploitant aurait dû l’interdire et le signaler, et après avoir rappelé que
le snowpark était délimité et particulièrement signalé par un panneau
entouré de deux triangles contenant un point d’exclamation pour signaler le
danger, la mention du mot « attention » et les mots suivants : «
’utilisation du snowpark présente des risques/sachez évaluer votre niveau »,
et qu’à l’époque de l’accident, il n’existait pas de normes de références, la
cour d’appel n’a fait que rappeler à qui incombait la charge de la preuve ;
Enfin, la cour d’appel a relevé
que la pente de la piste d’impulsion était visible et que la preuve n’était
donc pas rapportée d’un danger manifeste qui serait résulté d’une trop forte
pente de cette piste, imprévisible pour un skieur averti (…) la mise en place
d’une signalisation, après l’accident, ne pouvait être interprétée comme une
reconnaissance de responsabilité ni un aveu du caractère anormalement dangereux
de l’obstacle aménagé (…)
2. Accident grave dans un snowpark : jeune victime grièvement blessée. La responsabilité de l’exploitant
est écartée : pas de défaut d’information, dispositif de sécurité suffisant,
respect des mesures de prudence et de sécurité.
Tribunal de grande instance de Grenoble, 9 février
2017
Madame Hetier-Noel, présidente de la 6e
chambre civile
Madame Durand, vice-présidente
Monsieur Callec, vice-président
Le 2 avril 2011, le jeune J. âgé de 19 ans, a été
victime d’un accident de ski alors qu’il évoluait sur le snowpark
exploitée par la société S. Il s’est grièvement blessé après avoir sauté le «
big-air » : cet accident a entraîné une tétraplégie complète de niveau
moteur C6 – C7.
Trois reproches
ont été formulés :
• défaut d’information :
… il résulte des éléments de l’enquête que si les
modules ne sont effectivement pas jalonnés de codes couleur comme le préconise
la norme AFNOR BP S 52 – 107, ils sont très clairement délimités, et
l’apposition de banderoles, et notamment celle « expert » informe
suffisamment les usagers sur le niveau de difficulté particulier du module «
big – air ». Preuve en est
d’ailleurs dans la mesure où les deux personnes qui skiaient avec la victime
ont choisi de ne pas sauter, compte tenu de leur niveau, alors que J., dont le
très bon niveau de skieur est acquis, a décidé, en toute connaissance de cause
de passer cet obstacle.
La présence constante d’un personnel sur site ne
s’avérait dont pas indispensable.
• Absence de dispositif de sécurité :
Quand bien même certaines stations le font, il ne
saurait être reproché à la société S. l’absence de délimitation de la zone
d’élan, alors que, comme l’a fait justement remarquer l’agent de maîtrise de la
société S, la zone d’élan varie notamment en fonction du type de ski, de la
glisse, du saut envisagé, et qu’il s’avère plus adéquat de permettre aux
usagers de décider par eux-mêmes de leur élan au cas par cas.
• Absence de mesures de prudence et de sécurité
Il est constant que le jour de l’accident, les
conditions météorologiques étaient bonnes et aucun élément n’établit que la
piste était gelée. En conséquence, les demandeurs sont mal fondés à reprocher à
l’exploitant de ne pas avoir fermé l’accès au big-air. (…)
Eu égard à
l’ensemble de ces éléments, et sans minimiser l’importance des blessures
subies, il convient de dire que l’accident dont a été victime J. n’est pas
imputable à la société d’exploitation S.
3. Collision sur une piste de boardercross. Responsabilité en lien avec le dommage causé du fait des choses que
l’on a sous sa garde à l’égard du skieur amont. Absence de faute du skieur
aval. S’agissant de l’exploitant, absence de balisage en prévention des risques
et absence de dispositif adéquat de protection sous la forme de filets, afin
d’éviter toute entrée d’un skieur à mi-parcours. Responsabilité retenue à
hauteur de moitié avec le skieur amont.
Tribunal de Grande instance de
Thonon, 6 juillet 2017.
Monsieur Magnier : président
Madame Goddalis : vice-présidente
Madame Bourachot : juge
Le 14 mars 2010, sur les pistes de ski de la station
de A, après avoir emprunté une piste de boardercross, ouverte à tous les
skieurs, et avoir chuté suite au passage d’une bosse aménagée par le service
des pistes, Monsieur F. a été heurté par Monsieur M.
Monsieur F. soutient que Monsieur M., en sa qualité de
skieur en amont, a commis une faute en n’étant pas maître de sa vitesse et en
ne s’assurant pas de la présence de skieurs en aval. Il affirme également que
la société d’exploitation a commis une faute pour ne pas avoir mis en place de
barrières de sécurité sur les deux côtés de la piste, cette absence de
signalisation autorisant ainsi Monsieur M. emprunté la piste de boardercross
alors qu’il a pénétré en latéral et non au départ de celle-ci.
(…) Le tribunal considère que Monsieur M. ne peut
s’exonérer de sa responsabilité sur le fondement d’une faute commise par la
victime dans la mesure où il ne démontre pas que Monsieur F. a commis une telle
faute, ni la chute de ce dernier à réception d’une bosse, ni son manque de
rapidité pour se dégager du creux de la bosse ne pouvant lui être reprochés.
En ce qui concerne l’exploitant du domaine skiable, il
est soumis à une obligation de sécurité, qui constitue une obligation de
moyens.
Tant Monsieur F. que Monsieur M. soutiennent que la
piste de boardercross ne comportait pas de délimitation ni de
signalétique informant les usagers de son niveau de difficulté compte tenu des
sauts et des virages la constituant.
Il résulte des pièces produites aux débats que la
société d’exploitation a non seulement négligé de procéder à cet endroit précis
à une signalisation spécifique, ne justifiant nullement de la présence d’un
balisage en prévention des risques, alors même que la piste en cause était
particulièrement dangereuse au regard de ses virages et de la hauteur des
buttes la composant, mais encore a omis de mettre en place un dispositif de
protection adéquat sous la forme de filets afin d’éviter toute entrée d’un
skieur à mi-parcours. (…)
Il y a lieu de prononcer un
partage de responsabilité par moitié entre Monsieur M. et la société
d’exploitation du domaine skiable.
4. Exploitant d’une zone
spécialement aménagée : obligation de sécurité renforcée. Accident survenu
dans un water slide. Absence de dangerosité manifeste de l’espace aménagé et
information suffisante, accident en lien avec un mauvais positionnement de la
victime : absence de responsabilité de l’exploitant.
Tribunal de grande instance d’Albertville, 15 décembre
2017.
Madame Tixier, présidente
Le 12 mars 2014, en fin
d’après-midi (aux environs de 16 h 50), Madame B. a été victime d’un
accident de ski en chutant alors qu’elle évoluait sur le « water slide »
aménagé dans la station de ski X, activité qui permet d’opérer des glissades en
ski sur un plan d’eau peu profond après une prise d’élan sur une rampe de
lancement.
Cette chute a provoqué une torsion de la colonne
vertébrale ainsi qu’un traumatisme du rachis.
En sa qualité d’exploitant des pistes de ski, la
société X est tenue en application de l’article 1147 (ancien) du Code civil
d’une obligation de sécurité de moyens à l’égard des usagers du domaine skiable
; cette obligation, sans changer de nature, est d’autant plus renforcée, et
doit être appréciée d’autant plus sévèrement que des aménagements spécifiques
ont été apportés au terrain naturel, de nature à augmenter sa dangerosité,
nonobstant le fait que les pratiquants de la discipline sportive considérée,
dûment informés de ces aménagements, doivent eux-mêmes apprécier si le niveau
de leur formation, leur forme physique et leurs équipements sont compatibles
avec les dangers et les risques normalement prévisibles ; la charge de la
preuve incombe à la victime, qui ne doit pas se contenter d’établir qu’elle a
une posture adaptée, mais doit prouver que l’exploitant a objectivement manqué
à son obligation de sécurité (…)
La victime ne rapporte nullement la preuve que
l’espace « water slide » n’était pas signalé ; les pièces produites aux
débats montrent au contraire que cet espace était signalé par un panneau
rouge/orangé contenant la mention en gros caractères et en majuscule «
ATTENTION » (…)
D’ailleurs, le fait que l’époux de la victime ait pris
une vidéo de cette descente établit formellement que celle-ci était prévue par
Madame B., qui a fait le choix délibéré de s’adonner à cette activité en toute
connaissance de cause, faisant notamment la queue au milieu d’autres skieurs
pour prendre son tour, et autorisant même son jeune enfant à s’y élancer, ce
qu’elle confirme dans son attestation ; elle n’a pu que s’apercevoir que cette
activité n’était pas encadrée, et que dans ces conditions elle devait, comme
tout skieur, évoluer librement.
Il résulte des photographies tirées de la vidéo que la
pente d’élan est tout à fait modérée et qu’elle ne comporte aucun obstacle, de
nature à mettre en exergue un défaut d’entretien, pas plus qu’un tremplin
rendant cette activité particulièrement dangereuse ; elles démontrent que la
descente, et effectuée par temps très
clair, que la chute est intervenue juste après l’amerrissage, sans aucune phase
d’envol, Madame B. inclinée en avant, ayant une mauvaise réception sur l’eau et
basculant en avant.
Enfin, la victime ne peut utilement reprocher à la
société X de ne pas lui avoir signalé les positions à proscrire et celles à
adopter, celles-ci étant identiques à celles de la pratique du ski, et l’usager
d’un water slide, devant avoir une conduite prudente et avisée et devant
s’assurer d’une progression sans danger, au besoin par une reconnaissance
préalable du terrain. (…)
En tout état de cause, il n’est nullement établi une
dangerosité manifeste de l’espace aménagé ou que l’exploitant ait objectivement
manqué à son obligation d’information, ou qu’il n’ait pas mis en œuvre tous les
moyens dont il disposait pour assurer la sécurité des utilisateurs. La chute,
qui n’est due qu’à un manque de maîtrise et à l’inexpérience de Madame B. sur
cette zone un peu particulière, mais sur laquelle elle a fait le choix de
s’élancer, constitue un risque inhérent à la pratique du ski, étant précisé que
dans ce genre d’activité, le risque de chute est normalement prévisible puisque
le but est précisément d’éviter de tomber dans l’eau.
Pour
l’ensemble de ces raisons, Madame B. ne peut qu’être déboutée de ses demandes.
Maurice Bodecher,
Avocatcimes