Les Français
vont-ils beaucoup dépenser cette année lors de leurs achats de Noël ? À
quelques jours du réveillon, et alors que la grève contre la réforme des
retraites bat son plein, cette question taraude l’esprit des commerçants,
notamment ceux d’Île-de-France, qui s’inquiètent des répercussions du mouvement
sur leur chiffre d’affaires. Pour la plupart, en effet, c’est sur ce mois de
décembre que vont se jouer leurs profits de l’année… ou leurs pertes. Chiffres
et prévisions.
La période de Noël est attendue avec impatience chaque année par les
commerçants : il s’agit d’un moment d’achats massifs pour les Français qui
dépensent en moyenne 342 euros de cadeaux au total pour faire plaisir à leurs
proches. Cette année cependant, les commerçants craignent une période tendue
pour les courses de Noël. Les grèves de décembre en inquiètent plus d’un.
UN CLIMAT SOCIAL ALARMANT
Ces derniers craignent en effet que le mouvement social initié le 5 décembre ne devienne récurrent et plombe la fin de l’année 2019, tout
comme cela s’était produit l’an passé avec le mouvement des « Gilets
jaunes ». « Nous ne supporterons pas une seconde année comme celle
que nous avons vécue en 2018 » a ainsi déclaré au Figaro
Emmanuel Le Roch, délégué général de Procos, la Fédération du commerce
spécialisé (article publié le 28 novembre
2019). « Nous pouvons absorber une chute des ventes le 5 décembre (…). Mais si ce mouvement devait devenir
récurrent, il pénaliserait le commerce à un moment crucial » a-t-il
ajouté.
Dans un reportage diffusé sur TF1 le 30 novembre dernier, un directeur de chez Boulanger avait
déclaré avoir fait des stocks et être dans l’attente : « On est
dans l’expectative, on n’a pas peur, on est plus dans le questionnement de la
proportion que va prendre ce blocage. (…). Mais à un moment ça se débloquera
c’est une quasi-certitude. »
Quelques semaines plus tard cependant, les commerçants sont beaucoup
moins optimistes.
LES COMMERCES PARISIENS DANS LA
TOURMENTE
Dans un communiqué du 10 décembre dernier, la CCI
Paris Île-de-France s’inquiète de ce que le mouvement de grève contre la
réforme des retraites qui perdure frappe de plein fouet les commerçants
franciliens.
Outre les embouteillages qui entraînent des retards
de livraison voire des annulations, certains commerces « sont [de plus]
tenus de fermer parce que situés sur le parcours des manifestations, d’autres
enregistrent une chute de fréquentation de 30 % à
50 % à laquelle s’ajoute le bouleversement de leur organisation, leurs
équipes de ventes ne parvenant pas à rejoindre leur lieu de travail. Quant aux
consommateurs, soit ils télétravaillent et ne sortent pas, soit ils se
déplacent en voiture sans s’arrêter dans les commerces. C’est l’engrenage et la
chute de consommation est sévère », se désole la CCI.
Les conséquences économiques de la grève sont à
l’heure actuelle gravissimes, en témoignent les chiffres dévoilés dans
l’enquête réalisée par la CCI Paris Île-de-France entre le 12 et le 15 décembre dernier. En
effet, selon les commerçants interrogés (311 commerçants au total se sont exprimés, 88 issus du secteur de
l’hôtellerie, cafés et restaurants, 42 commerces dans le secteur de l’alimentation, 177 commerces autres
secteurs) :
• 93 %
notent un impact de la grève sur leur activité économique ;
• Parmi eux, 96 %
constatent une baisse de fréquentation (baisse comprise entre 20 et 40 % pour 35 % d’entre eux ;
baisse comprise entre 40 % et 60 % pour 26 % d’entre eux) ;
• 96 %
déplorent une baisse de chiffre d’affaires (entre 20 et 40 % pour 32 % d’entre eux ; et
entre 40 et 60 % pour 29 % d’entre eux).
La Confédération des petites et moyennes entreprises
(CPME) a elle aussi interrogé ses adhérents, dans une enquête menée du 6 au 11 décembre, sur l’impact de
la grève, et a annoncé que 80 % des PME et TPE le ressentent, avec pour 50 % d’entre elles une perte de chiffre
d’affaires avérée qui « dans la plupart des cas ne pourra pas être
compensée dans les jours et semaines à venir ».
Les prochains jours avant les fêtes vont donc être déterminants pour le
chiffre d’affaires des entreprises. Le mois de décembre étant un mois double,
voire triple, pour le commerce.
LA CCI DE PARIS DEMANDE UN PLAN
D’URGENCE
Face à cette triste réalité, la CCI de Paris IDF a demandé aux pouvoirs
publics un plan d’accompagnement afin d’éviter que la question de la survie de
nombreux commerces indépendants se posent dans un avenir proche.
« La CCI Paris Île-de-France demande un plan d’urgence pour les
commerçants, les restaurateurs et les hôteliers parisiens. Pour que nos
commerçants continuent d’y croire, et pour préserver le commerce indépendant,
nous réaffirmons la nécessité d’obtenir des mesures de soutien financier,
telles que des moratoires sur les dettes sociales et fiscales, un allégement de
la TVA avec un taux à 5,5 pour les
secteurs les plus touchés – pour une durée de six mois compte tenu des
investissements des commerçants en cette période particulière où certains
réalisent près de 20 % de leur
chiffre d’affaires –, une exonération de certaines taxes telles que la taxe sur
les enseignes ou encore une exonération de la redevance sur les terrasses » a ainsi
déclaré Didier Kling, président de la CCI Paris Île-de-France.
Face aux nombreux problèmes de trésorerie, les commerçants ont également
demandé au pouvoir public un report des paiements des cotisations Urssaf.
Bruno Le Maire, le ministre de l’Économie, et Agnès
Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, ont
d’ores et déjà annoncé quelques mesures. Les entreprises fortement impactées
l’an dernier par les « gilets jaunes », et qui ont déjà
bénéficié de reports de charges sociales et fiscales, seront scrutées par le
gouvernement, et aidées si besoin. Quant aux mesures prises l’année dernière,
celles-ci seront réactivées pour les entreprises les plus touchées, « en
ciblant dans un premier temps l’Île-de-France et le secteur du tourisme,
particulièrement impactés ces derniers jours ».
Selon un article du Figaro du 12 décembre dernier, ailleurs en France,
la situation est globalement meilleure. Ainsi à Bordeaux, Toulouse et
Marseille, la fréquentation des magasins a été plutôt bonne les deux premiers
week-ends de décembre, mais à Lyon par exemple, les difficultés d’accès au
centre-ville ont pénalisé l’activité du week-end du 7-8 décembre.
La plus grande crainte des commerçants est que la
grève empêche définitivement les clients de se rendre en magasin pour acheter
leurs cadeaux de Noël, et que ces derniers se rabattent sur le e-commerce.
« De toute manière, on connaît déjà le résultat,
à la fin c’est toujours Amazon qui gagne et rafle un peu plus la mise chaque
année. » a ainsi déclaré, amer, le responsable d’un magasin
de vêtements multimarques du XVe arrondissement de Paris.
LE E-COMMERCE, GRAND GAGNANT DE
CETTE PÉRIODE DE GRÈVE
S’il existe en effet un secteur qui ne craint rien et
qui se réjouit même d’avance des profits qu’il va générer, c’est bien le
commerce en ligne.
Même s’ils ne concrétisent pas tous leurs achats en
ligne, un grand nombre de Français utilisent chaque année Internet pour éviter
la foule des magasins et la queue aux caisses… Ainsi, selon la Fédération du
e-commerce et de la vente à distance (Fevad), en 2019 les ventes de Noël sur la
Toile devraient dépasser les 20 milliards d’euros, soit environ 20 % des ventes annuelles. Une augmentation de près de 2 milliards d’euros par
rapport à l’an passé dont les ventes en ligne ont atteint 18,3 milliards sur la période
novembre-décembre.
Durant la période du Black Friday au Cyber
Monday (29 novembre
au 2 décembre
2019), toujours selon la Fevad, les ventes ont atteint environ 2 milliards d’euros lors des
deux journées Black Friday et Cyber Monday. Cet événement a
toujours été un moment fort pour les commerces en ligne.
Interrogé par le Figaro, l’enseigne Amazon a
ainsi déclaré avoir anticipé 2,4 millions de commandes sur 24 heures le jeudi juste
avant le Black Friday, soit une hausse de plus de 10 % par rapport à l’année
dernière. « Nous réalisons à peu près le même volume de commandes lors
du Black Friday, du Prime Day, et des dimanches qui précèdent
Noël », a commenté Ronan Bolé, président d’Amazon Logistics.
Sur l’ensemble de l’année 2019, selon la Fevad, le
chiffre d’affaires de la vente en ligne sera supérieur à 100 milliards d’euros. Un
montant près de quatre fois supérieur à celui enregistré il y a dix ans. En
outre, 40 % du
chiffre total d’affaires du e-commerce a été effectué via des smartphones.
Amazon reste le premier site français en nombre de visiteurs uniques par mois,
suivi de CDiscount, Booking, FNAC et Veepee.
Bref, pour tous les e-commerçants, la période de Noël
cette année promet d’être lucrative.
Maria-Angélica
Bailly