à l’initiative de Laurence
Junod-Fanget, bâtonnière du barreau de Lyon en 2016-2017 et aujourd’hui membre
de la commission « égalité » au CNB, le barreau de Lyon – deuxième
barreau de France après Paris en termes d’inscrits – a réalisé une étude
portant sur l’égalité femmes-hommes au sein de son barreau. Alors que nous
assistons de manière générale à une féminisation de la profession d‘avocat (en
2009, selon le ministère de la Justice, la proportion de femmes dépasse pour la
première fois celle des hommes), « l’égalité femmes-hommes dans la profession n’est pas atteinte,
tant en termes de carrière que de rémunération » assure-t-il.
En novembre 2017, l’Égalité entre les femmes et les hommes a été
déclarée grande cause nationale par le président de la République Emmanuel
Macron. Deux ans auparavant, le Conseil national des barreaux (CNB) exprimait
déjà sa mobilisation en votant au début de l’année 2015 « en faveur de la création d’une nouvelle commission “Égalité”
en son sein, se révélant être un besoin nécessaire dans un contexte d’évolution
rapide de la profession, toujours marquée par des inégalités entre les hommes
et les femmes ».
Le barreau de Lyon s’est à son tour emparé de cette question. En effet,
en janvier, il regroupe 3 359 professionnels, soit 5 % des professionnels français (contre 42 % rien que pour Paris), faisant de lui le deuxième barreau de France.
Fort de cette représentativité, ce dernier a lancé auprès de tous ses inscrits
un questionnaire. Avec un taux de réponse de 31 %, le barreau a publié les résultats de cette enquête.
Le profil type de l’avocat
aujourd’hui : une femme de moins de
50 ans
Outre le fait que la profession s’est rapidement développée (au 1er
janvier 2017, 65 480 avocats ont été recensés en France ; en 2002, ils
étaient 39 454), elle s’est aussi fortement rajeunie (selon les
travaux réalisés par Kami Haeri en 2017, « 45 % des membres [de la profession] ont moins de 40 ans et 75 % moins de 50 ») et
féminisée. Aussi, en vingt ans, le taux de femmes exerçant le métier d’avocate
a doublé, pour atteindre, en 2017, 55,4 %. « Cette tendance se traduit par une entrée de plus en plus
forte des femmes dans la profession et un vieillissement des hommes qui
exercent : l’âge moyen des femmes avocates est moins élevé que celui des
hommes. » Et selon l’association Femmes et Droit, cette évolution
devrait se poursuivre : en France, en 2016, 70 % des élèves dans les écoles d’avocats étaient des femmes. « Cependant,
et malgré cette féminisation croissante, l’égalité femmes-hommes dans la
profession n’est pas atteinte, tant en termes de carrière que de rémunération »
déclare le barreau de Lyon.
À Lyon, 1 432 hommes et 1 927 femmes sont inscrits, représentant respectivement 43 % et 57 % des effectifs, un taux de féminisation légèrement
supérieur à la moyenne nationale. Toutefois, les femmes ont davantage répondu
aux questionnaires proposés par le barreau que les hommes : les chiffres
ne sont donc pas représentatifs du barreau, mais sont à analyser selon les
groupes (femmes/hommes). On peut toutefois en ressortir cinq grandes tendances.
Femmes, hommes : quelle
spécialisation ?
Au sein de la profession, la spécialisation s’explique-t-elle selon le
genre ? L’étude révèle que les femmes sont plus attirées par le domaine
social, alors que les hommes s’orientent plus vers le droit fiscal ou le droit
des affaires. En effet, les avocats sont 48 % à exercer
en droit des affaires et 28 % en droit
fiscal, alors que leurs consœurs féminins sont 41 % à déclarer être spécialisées en droit des personnes ou en droit
social.
Cette distinction, s’expliquerait par le fait que les femmes
privilégieraient leurs « convictions personnelles » dans le
choix de leur spécialisation, mais aussi sociologiquement. En effet, les
rédacteurs du rapport expliquent qu’« inconsciemment, dû à une
socialisation différenciée, les femmes sont plus encouragées à réaliser un
travail de care [comme capacité à “prendre soin” d’autrui (C.
Gilligan)], généralement moins bien rémunéré et dévalorisé, et les hommes
encouragés à entreprendre des carrières appréciées socio économiquement ».

Des modes d’exercice inégaux
Comme le révélait déjà l’enquête « Conditions de travail et
expériences des discriminations au sein de la profession d’avocate en
France » présentée par le Défenseurs des droits Jacques Toubon en mai
dernier (voir JSS numéro 40 du 6 juin 2018), les statuts ne sont pas les mêmes au sein des
cabinets, que l’on soit un homme ou une femme : les avocates sont
davantage collaboratrices, et les avocats, associés. « Les modes
d’exercice majoritairement investis par les femmes ne résultent pas toujours
d’un choix, mais, d’après certaines réponses, de difficultés à s’installer ou à
s’associer, suite, par exemple, à des ruptures de contrat après un congé
maternité » explique-t-on dans ledit rapport du barreau de Lyon.
L’étude rappelle ainsi que la carrière d’une femme évolue plus lentement que
celle d’un homme.
Conciliation des modes de vie
Alors que le taux de célibat et de non-parentalité apparaît plus élevé
chez les femmes, celles-ci sont plus nombreuses à considérer la parentalité
comme un « facteur qui entrave la carrière professionnelle ».
En effet, l’étude souligne que les changements d’exercice des femmes ne
répondent pas à un choix, mais à une adaptation à la vie de famille (grossesse,
temps de vie, amplitudes horaires non-adaptées…). Citant certains chiffres
établis, l’étude rappelle que « deux fois plus de femmes quittent la
profession après dix ans d’activité ».
L’avocature, victime de sexisme
ordinaire
Lorsqu’on interroge les femmes sur leur rémunération, elles sont plus de
la moitié à considérer percevoir, à travail équivalent, une rémunération
inférieure à celle de leur confrère masculin. Alors que 70?% soulignent que c’est le cas depuis le début de leur carrière, elles
sont plus d’un quart à ne le relever toutefois que depuis la naissance de leur
première enfant. Le sexisme des confrères ou des clients en serait la cause,
pour plus de la moitié des interrogées.
Une rémunération inégalitaire
« Le constat est toujours le même : les
hommes ont tendance à avoir des revenus plus élevés que ceux des femmes. »
déclare-t-on dans l’étude menée par le barreau de Lyon. Plus le salaire est
élevé et plus l’écart se creuse ; la différence la plus flagrante étant
chez les associés, avec un écart de 45 points lorsque le salaire dépasse les 100 000 euros par an. Cet
écart continue de s’étendre avec le nombre d’années professionnelles, et ce
dans tous les domaines du droit. En effet, en début de carrière, la différence
de salaire entre un homme et une femme est de 9 points et atteint son apogée entre dix
à vingt ans de carrière, avec un écart de 46 points (chiffres 2015).
Alors qu’en 2018, 135 barreaux sur
164 avaient déjà eu à leur tête une femme bâtonnière, la
volonté d’établir une égalité femmes-hommes au sein de la profession semble
s’affirmer.

Constance Périn