Dans
le cadre de la stratégie pour un marché unique numérique, le Parlement et le
Conseil de l’Union européenne ont adopté le règlement sur les services numériques
qui impose de nouvelles obligations en matière de lutte contre les contenus
illicites et de transparence en ligne.
Le
règlement sur les services numériques, plus connu sous l’acronyme DSA – pour
Digital Services Act –, a été publié au Journal Officiel de l’Union européenne
(UE) le 19 octobre 2022.
Tout
comme le Digital Markets Act, le DSA s’inscrit dans la politique de régulation
des marchés numériques menée par la Commission européenne.
Ce
règlement a pour objectif de garantir un environnement en ligne sûr, prévisible
et de confiance en luttant contre la diffusion de contenus et produits
illicites en ligne. Il s’agit de mettre en pratique le principe selon lequel «
ce qui est illégal hors ligne est illégal en ligne ».
À
cet égard, le texte énonce un certain nombre d’obligations que devront
respecter les acteurs du numérique, sous peine d’importantes sanctions
pécuniaires.
Ces
obligations s’appliquent de façon graduelle en fonction de la taille et de la
nature de l’activité de l’opérateur concerné. Elles sont ainsi renforcées pour
les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche.
Les
services en ligne soumis au DSA
Le
DSA s’applique à tous les fournisseurs de « services intermédiaires » qui
offrent leurs services sur le marché européen, qu’ils soient ou non établis au
sein de l’UE. Concrètement, sont concernés :
•
les fournisseurs d’accès à Internet ;
•
les fournisseurs de services d’hébergement ;
•
les moteurs de recherche ;
•
les plateformes en ligne (places de marché, réseaux sociaux, plateformes de
partage de contenus), etc.
Le
renforcement des obligations à la charge des services intermédiaires
Les
principaux objectifs du DSA consistent à renforcer la lutte contre les contenus
illicites et à améliorer la transparence en ligne. Pour ce faire, le règlement
ne se contente pas de conserver et de renforcer les règles préexistantes, il
consacre également de nouvelles obligations.
•
Les obligations visant à lutter contre les contenus illicites
Dans
la lignée de la directive sur le commerce électronique, le DSA n’impose pas aux
services intermédiaires une obligation générale de surveillance des contenus
qu’ils traitent.
Toutefois,
ces services sont désormais tenus d’apporter leur concours aux autorités
compétentes lorsqu’ils reçoivent une injonction d’agir contre un ou plusieurs
contenus illicites. Ces injonctions peuvent conduire le service concerné à
mettre en œuvre des mesures, telles que le blocage ou la suppression du contenu
visé.
Le
DSA vient également encadrer la possibilité, déjà répandue en pratique, pour
les utilisateurs de signaler des contenus illicites. Les hébergeurs et
plateformes doivent ainsi mettre en place des mécanismes, faciles d’accès et
d’utilisation, permettant aux utilisateurs et « signaleurs de confiance » de
notifier en ligne un contenu considéré comme illicite.
Ces
notifications créent une présomption de connaissance, par le service, de
l’existence du contenu potentiellement illicite afin qu’il puisse prendre les
mesures adéquates.
Les
plateformes en ligne doivent par ailleurs prévoir un système interne de recours
permettant aux utilisateurs de contester la décision refusant le retrait d’un
contenu illicite.
Elles
doivent également prévoir la possibilité pour les utilisateurs d’avoir accès à
un règlement extra judiciaire des litiges en permettant de saisir un organe
certifié impartial, indépendant et disposant de l’expertise nécessaire.
Le
DSA impose encore aux hébergeurs et plateformes des obligations en matière de
lutte contre les utilisations abusives.
À
titre d’exemple, les fournisseurs de services sont notamment tenus de suspendre
la fourniture de leurs services aux utilisateurs qui publient régulièrement des
contenus manifestement illicites pendant une période « raisonnable » et après
avoir émis un avertissement.
S’agissant
plus spécifiquement des places de marché, le règlement met à leur charge une
obligation de traçabilité des entreprises utilisatrices afin de repérer et
d’alerter sur les professionnels qui proposent des produits ou services
illicites.
•
Les obligations visant à renforcer la transparence en ligne
Afin
de préserver les droits des utilisateurs, les fournisseurs de services
intermédiaires se voient désormais contraints de fournir aux utilisateurs
certaines informations sur le fonctionnement de leurs services, et notamment
les informations relatives :
•
aux politiques, procédures, mesures et outils utilisés à des fins de modération
;
•
aux décisions de blocage ou de retrait mises en œuvre délivrées aux personnes
affectées par ces mesures ;
•
au fonctionnement des algorithmes de recommandation de contenus publicitaires
qu’ils utilisent.
Par
ailleurs, le règlement interdit aux plateformes en ligne de concevoir ou
d’utiliser leurs interfaces de façon à tromper ou manipuler l’utilisateur
lorsque celui-ci effectue un choix, par exemple lors de la souscription à une
offre.
De
manière générale, les services intermédiaires sont tenus de publier un rapport
de transparence annuelle dont le niveau d’information dépend de l’activité et
de la taille du service concerné.
•
Les obligations visant à encadrer la publicité en ligne
Le
DSA entend également lutter contre l’asymétrie informationnelle en encadrant la
publicité diffusée sur les plateformes en ligne.
Les
plateformes doivent, comme cela est déjà prévu par la LCEN, veiller à ce que
les publicités soient présentées comme telles. L’utilisateur doit ainsi pouvoir
identifier la personne physique ou morale au nom de laquelle l’annonce est
diffusée, ainsi que les principaux paramètres utilisés pour déterminer les
destinataires de ces publicités.
Le
règlement vient également interdire la publicité ciblée pour les mineurs ainsi
que celle basée sur des données sensibles, comme la religion ou l’orientation
sexuelle.
De
lourdes sanctions pécuniaires
Afin
de veiller à la bonne application du règlement, les États membres sont chargés
de désigner un « coordinateur pour les services numériques » doté de
pouvoir de contrôle et de sanction. En France, c’est l’Autorité de régulation
de la communication audiovisuelle (Arcom) qui remplira ce rôle.
En
cas de non-respect des obligations prévues par le règlement, les coordinateurs
pourront infliger des amendes allant jusqu’à 6 % du chiffre d’affaires mondial
annuel du fournisseur de services intermédiaires concerné réalisé au cours de
l’exercice précédent pour les infractions les plus graves.
Les
coordinateurs auront également la possibilité d’imposer des astreintes dont le
montant est limité à 5 % des revenus ou du chiffre d’affaires mondial
journalier moyen.
La
Commission européenne sera, quant à elle, seule compétente pour sanctionner les
très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche.
L’entrée
en application du DSA
Le
règlement entrera en vigueur le 16 novembre 2022 et sera applicable le 17
février 2024. Certaines dispositions, notamment celles relatives aux rapports
de transparence, seront effectives à compter du 16 novembre 2022.
Règlement 2022/2065 du
19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques.