élodie Frémont notaire à Paris, est spécialiste en droit de la famille.
Présente à la Chambre des notaires de Paris lors du débat du 15 octobre dernier
sur la PMA et la loi bioéthique, celle-ci revient pour le JSS sur les enjeux de la
loi et ses conséquences sur la pratique notariale.
Pourriez-vous vous présenter ?
Je suis notaire à Paris dans le 6e arrondissement,
porte-parole des notaires du Grand Paris. Je suis diplômée d’un DESS en droit
notarial et d’un DEA de droit international privé, également enseignante au
centre de formation des notaires de Paris.
Quels sont, à votre avis, les principaux
enjeux du projet de loi bioéthique approuvé par l’Assemblée nationale le
15 octobre dernier ?
Les principaux enjeux concernant la création d’une intention de
parentalité génératrice d’une filiation et la levée du secret quant à
l’identité du donneur.
Concernant la PMA et son extension à toutes
les femmes, quels en seront les impacts en termes de filiation ?
Désormais, deux femmes pourront, devant notaire, déclarer être la mère
biologique de l’enfant pour la première, et vouloir créer un lien de filiation
parentale avec cet enfant pour la deuxième.
Il est prévu dans le projet de loi que ce
sera aux notaires de recueillir la reconnaissance de filiation conjointe
anticipée. Comment vont-ils procéder ?
Les notaires vont recevoir les déclarations des requérantes souhaitant
voir un lien de filiation à leur égard alors même que ces femmes ne sont pas
les mères biologiques des enfants à naître.
Avec la PMA, la France fait un pas de plus
vers la déjudiciarisation des actes qui touchent au droit de la famille. La
profession notariale est-elle prête à assumer cette nouvelle fonction ?
La déjudiciarisation par recours au notaire est de plus en plus fréquente :
on l’a vu pour les divorces, pour les PACS, pour les changements de régime
matrimoniaux... Celle-ci participe d’une plus grande responsabilité pour la
profession notariale, qui a toujours accepté de remplir les missions que l’État
lui confiait.
En quoi cette réforme de la filiation va dans
le sens de l’intérêt des enfants à venir issus de PMA ?
L’enfant va pouvoir bénéficier de deux liens de filiation maternelle.
Ainsi, il pourra hériter de ses deux parents.
Les notaires ne
doivent-ils pas craindre de fausses déclarations d’intention et, par
conséquent, des rétractations une fois l’enfant né ?
C’est toute la difficulté d’une simple déclaration.
Comment vérifier la bonne foi du déclarant ? La loi prévoit qu’il relève
de la responsabilité du déclarant de revenir sur sa déclaration.
La loi prévoit également
que les enfants nés d’un don de gamètes pourront accéder, à leur majorité, à
l’identité de leur donneur, ou à des données non identifiantes sur ce dernier.
Cela pourrait-il conduire certains enfants à réclamer des parts d’héritage ou à
contester un testament ?
En aucun cas. La loi lève l’anonymat, mais ne crée
aucun lien de filiation. Par conséquent, il ne pourra pas y avoir de
contestations d’héritage.
Le 4?octobre 2019, la Cour de cassation a validé
l'entière transcription en droit français des actes de naissance de jumelles
nées par GPA en Californie il y a 19 ans. Cet arrêt n’ouvre-t-il pas une
brèche pour la légalisation de la GPA dans notre pays ?
Je pense que l’on peut considérer qu’il s’agisse
d’un arrêt d’espèce et non de principe. La Cour de cassation a elle-même
rappelé qu’eu égard à la lenteur du processus français d’adoption, il n’y avait
pas d’autres recours que de procéder à cette transcription.
Propos
recueillis par Maria-Angélica Bailly