Le Conseil
supérieur de la magistrature (CSM) a rendu son rapport d’activité le 6 juillet
dernier, deuxième bilan de la mandature 2015-2019. L’année a été marquée par
l’échec de la réforme constitutionnelle sur l’indépendance du parquet, par une
mobilité croissante du corps judiciaire et par la création, le 1er
juin, du service d’aide et de veille déontologique.
« Au Congrès de Versailles Emmanuel Macron a déclaré qu’il voulait
une indépendance pleine et entière de la justice… Cela veut dire qu’elle ne
l’est pas ! » Lors de la présentation du rapport du CSM, Bertrand
Louvel, le Premier président de la Cour de cassation, s’est empressé de citer
le nouveau président de la République et d’apporter son analyse – précisant
cependant que l’ancien ministre de l’Économie lui apparaissait « novateur
dans l’approche politique de l’institution judiciaire ». Jean-Claude
Marin a exprimé le même espoir « d’une réforme en profondeur ».
Après une année 2016?marquée par l’échec de la réforme constitutionnelle dont
l’objectif était de renforcer l’indépendance du parquet, l’attente est d’autant
plus grande pour le procureur général de la plus haute juridiction judiciaire
française. Le texte prévoyait de reconnaître à la formation du Conseil
compétente pour les magistrats du parquet le pouvoir de statuer sur les
propositions de nomination par un avis conforme, et non plus par un avis
simple. « Or, le respect systématique des avis du Conseil par les
gardes des Sceaux qui se sont succédé ces dernières années a déjà, dans les
faits, conféré à ces avis le caractère d’avis conformes », précise le
rapport. Et d’ajouter : « Le Conseil regrette l’abandon d’une
réforme qui faisait l’objet d’un large consensus ».
MM. Louvel et Marin se sont également attardés sur la loi renforçant la
sécurité. « Le juge judiciaire est le gardien de la liberté
individuelle, mais le Conseil constitutionnel a cantonné le juge judiciaire à
la privation de liberté. Le reste relève donc de la garde partagée »,
ont-ils rappelé. Pour tous deux, « aujourd’hui, le législateur ne sait
plus à quel saint se vouer. Il y a une forte hésitation du pouvoir politique
qui ne sait plus à qui confier la protection des libertés. Le Parlement doit
restituer les belles catégories entre judiciaire et administratif ».
L’ « hypermobilité »
du corps judiciaire
Le rapport aborde aussi des sujets concernant plus spécifiquement les
magistrats. Le document observe ainsi une mobilité croissante du corps
judiciaire. Durant l’année, « le Conseil s’est prononcé sur quelque 2?243?propositions
de nominations du garde des Sceaux, et a examiné 859?observations formulées par des magistrats qui, quoique
souhaitant changer de postes, n’ont pas obtenu satisfaction », indique le
texte. Depuis trois années, en moyenne plus de 20?% des postes en juridiction changent tous les ans de titulaire. Pour le
CSM, aux vertus traditionnelles qu’on attribue à la mobilité (brassage des
magistrats, trop grande proximité entre eux, prévention des connivences, des
partialités, etc.), s’ajoutent également des objectifs multiples, de nature
personnelle ou professionnelle.
L’année 2016?marque également le lancement du service d’aide et de
veille déontologique (SAVD). Depuis le 1er juin, le SAVD est ouvert
à tout magistrat pour toute question, de nature déontologique, le concernant
personnellement. Cela exclut le cas, par exemple, d’un supérieur hiérarchique
qui consulterait le service pour un problème relatif à un collègue. Du côté de
la saisine, elle se fait « sans formalisme » assure le CSM,
puisqu’il suffit d’un appel téléphonique, d’un courriel ou d’un courrier
postal. La plupart du temps, il s’agit d’un entretien avec le binôme membre du
service, tenu à une stricte confidentialité. Du 1er juin au 31?décembre 2016, le SAVD a reçu 30?saisines
pour l’essentiel relatives à l’exercice professionnel proprement dit, à la
conduite d’activité annexe, à la mise en cause ou à l’intervention du magistrat
dans des procédures judiciaires à titre personnel, ou encore aux relations avec
d’autres professionnels de la justice pour les besoins d’un litige ou
l’acquisition d’un bien. « Il a fait preuve d’efficacité »,
s’est félicité Bertrand Louvel
Victor
Bretonnier