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Rapport d’activité 2017 : le Conseil d’Etat revient sur une année "intense"

Rapport d’activité 2017 : le Conseil d’Etat revient sur une année
Publié le 17/06/2018 à 09:12

Le Conseil d’Etat a présenté en mai dernier son rapport d’activité édition 2017, dernier bilan public pour son – désormais – ancien vice-président, Jean-Marc Sauvé. Hausse des décisions rendues par les juridictions administratives, succès des référés et des QPC, lancement du télérecours citoyen… Retour en chiffres sur un bilan optimiste.


C’est une première depuis 2013 : en dépit de l’augmentation du nombre de recours, les juridictions administratives ont jugé autant voire davantage d’affaires qu’elles n’en ont enregistré. En effet, l’augmentation des recours - notamment devant le Conseil d’Etat, mais surtout devant la Cour nationale du droit d’asile -, n’a pas empêché les juridictions administratives d’augmenter de plus de 5% le nombre de décisions rendues. Ainsi, en 2017, les tribunaux administratifs ont par exemple jugé plus de deux cent mille affaires : un record ! Conséquence : les tribunaux administratifs, les cours administratives d’appel et le Conseil d’Etat ont respectivement réduit leurs stocks d’affaires en instance de 2,2%, 0,2% et de 9,2%. La Haute juridiction administrative a donc souligné un « assainissement des stocks », puisque, désormais, 83% des affaires ont moins d’un an, et 98% moins de deux ans. Par ailleurs, le délai prévisible moyen d’un jugement a baissé de 40% dans les tribunaux administratifs : il est aujourd’hui de moins de six mois.


En outre, l’activité consultative du Conseil d’Etat a été qualifiée « d’intense » par ce dernier, bien que très légèrement en baisse par rapport à 2016, lorsqu’elle avait connu un pic historique. Mille trois cent cinq demandes d’avis (projets de loi, ordonnances, décrets réglementaires…) ont ainsi formulées, notamment en lien avec la lutte contre le terrorisme, la transparence de la vie publique et la réforme du droit du travail. Avis rendus rapidement, puisque près de 95% l’ont été en moins de deux mois. « 2017 confirme de façon préoccupante rétrécissement délais laissés au Conseil d’Etat pour rendre avis consultatifs » a toutefois souligné la Haute juridiction administrative.


Au total, de « bons résultats » qui « ne doivent pas dissimuler un équilibre fragile », a cependant estimé l’institution, qui s’est dite « consciente » que ces résultats étaient « perfectibles, avec une marge de progression ». En effet, le délai moyen constaté de jugement pour les affaires ordinaires - c’est-à-dire exception faite des procédures d’urgence ou des délais particuliers - se maintient à près de vingt-deux mois dans les tribunaux administratifs, quatorze mois dans les cours administratives d’appel, douze mois au Conseil d’Etat - des délais qui n’ont pas pu être réduits de manière significative ces dernières années - bien que la moyenne se situait à vingt-cinq mois au début des années 2000.



Les référés et les QPC ont la cote devant le Conseil d’Etat


L’activité du Conseil d’Etat a été marquée essentiellement par une augmentation des recours contre les ordonnances et décrets - augmentation logique au cours d’une année marquée par une forte activité en la matière -, mais aussi par la hausse des recours contre les grandes autorités telles que le CSA, la CNIL, l’AMF, etc. Autre phénomène marquant : le grand nombre de référés, qui a dépassé pour la première fois le seuil des quatre cents. En cause : des éléments conjoncturels liés à l’état d’urgence, mais aussi le succès croissant que connaît cette procédure d’urgence. Un fort engouement a également été constaté pour la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), a indiqué le Conseil d’Etat - mouvement également observé devant la Cour de cassation. Après ses deux premières années d’application en 2010 et 2011, ce nouveau droit reconnu par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 avait été un peu moins utilisé. Depuis 2016, et particulièrement en 2017, la QPC est revenue en force, dépassant les chiffres des premières années, pour atteindre deux cent cinquante-huit questions prioritaires en 2017, soit deux de plus qu’en 2010, a rapporté la Haute juridiction administrative. Cette dernière a salué « l’objectif pleinement atteint de remettre la Constitution au cœur garantie des droits fondamentaux », précisant que « devant toutes les juridictions, la Constitution a pris sa place de norme de référence essentielle pour la garantie des droits et libertés ». Si la procédure est de plus en plus familière aux requérants et à leurs avocats qui ont parfaitement intégré ce mode de saisine, ce succès peut aussi s’expliquer par la nature des QPC, nombreuses en matière de sécurité intérieure, mais aussi en contentieux fiscal - c’est d’ailleurs à la suite d’une QPC que la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés, qui taxait les dividendes perçus au taux de 3%, a été censurée par le Conseil Constitutionnel en octobre dernier.


Enfin, le Conseil d’Etat a souligné l’existence de treize renvois préjudiciels à la Cour de justice de l’Union Européenne, qui ont permis d’interroger cette dernière sur l’interprétation ou la validité du droit de l’Union européenne dans le cadre des litiges dont elle était saisie ; notamment en matière de droit à l’oubli sur internet.



Des décisions importantes


L’année écoulée s’est caractérisée par une jurisprudence abondante pour les juridictions administratives. La formation spécialisée dans le contentieux de renseignement et des fichiers intéressant sûreté de l’Etat, dans sa première année de plein exercice, a été confrontée à un contentieux d’une centaine d’affaires, principalement en lien avec les fichés S, et deux décisions ont relevé des illégalités dans la tenue des fichiers en question.


Par ailleurs, l’office du juge des référés a continué d’être précisé en 2017 avec des décisions « importantes », en particulier sur la nature des mesures susceptibles d’être ordonnées pour la préservation des libertés fondamentales, s’agissant ainsi de la situation des migrants à Calais, des traitements médicaux en fin de vie, mais aussi sur des établissements pénitentiaires. Ainsi le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 28 juillet 2017, a précisé qu’il n’appartenait pas au juge du référé liberté, qui est un juge de l'urgence dont les mesures doivent produire des effets à courte échéance, d'ordonner à l'administration de prendre des mesures structurelles comme la réalisation de travaux lourds ou l'allocation de moyens supplémentaires, mais qu’il convenait d'apprécier l'existence d'une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde au regard des moyens de l'administration et des mesures déjà prises.


Sont également à noter des décisions marquantes en droit de l’urbanisme, puisque le Conseil d’Etat a apporté des précisions quant au champ d’application des régularisations, par l’écoulement du temps, des constructions irrégulièrement édifiées, dans un arrêt du 3 février 2017. Ce dernier a également étendu le domaine de l’intérêt public justifiant un refus de renouvellement d’une autorisation ou d’une convention d’occupation temporaire du domaine public, dans sa décision Commune de Port-Vendres du 25 janvier 2017.


La Haute juridiction a également rendu plusieurs décisions importantes en matière d’extradition, de droit à l’entrée et au séjour des étrangers et de droit d’asile, en apportant des précisions sur la portée des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme et leurs conséquences sur la procédure d’extradition, ainsi que sur le droit à la délivrance d’un visa en vue de présenter une demande de protection en France.



Quelles nouveautés ?


Le Conseil d’Etat s’est également dit, lors de son bilan, « attaché à renforcer son accessibilité » grâce aux téléprocédures, et en poursuivant la réforme de la rédaction des décisions de justice. Un comité d’évaluation de l’expérimentation de la nouvelle rédaction des décisions des juridictions administratives, présidé par Christian Vigouroux, a en effet débouché sur une circulaire pour généraliser cette « rédaction expérimentée ». Le but : adapter les modes de rédaction à la diversité des missions du juge administratif, enrichir la motivation pour mieux répondre aux attentes des justiciables et améliorer la lisibilité des décisions de justice.


En outre, le télérecours a été généralisé pour toutes les affaires pour lesquelles il y a représentation par avocat. D’autant que le télérecours citoyen, nouveau service permettant aux parties privées non représentées de saisir des juridictions par voie dématérialisée, est entré en vigueur en mai dernier.


Les juridictions administratives ont également cherché à développer les modes alternatifs de règlement des différends. Ainsi, un décret entré en vigueur le 1er mars 2018 instaure une médiation préalable obligatoire pour certaines catégories de litiges, à titre expérimental : les litiges individuels de la fonction publique territoriale, et un certain nombre de contentieux sociaux, relatifs à Pôle emploi, ou encore aux allocations et prestations versés par CAF. Ces expérimentations ont démarré le 1er avril.


Enfin, pour « prendre le pouls des conditions de vie et de travail dans les juridictions », une enquête a été menée auprès des juridictions administratives, sur la base de plusieurs questions permettant de saisir, par exemple, comment est perçue la charge de travail, ou encore quel est l’état de la communication dans et entre les juridictions, etc. Un baromètre social qui a mis en évidence des « points positifs mais aussi des possibilités de progrès », a indiqué la Haute juridiction administrative lors de son bilan. Deux groupes de travail ont ainsi été constitués : l’un sur la communication au sein des juridictions, l’autre sur les carrières des magistrats.


 


Bérengère Margaritelli


 


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