Le 10 janvier 2019,
l’équipe fiscale de Hoche Avocats a présenté devant plus de 400 personnes
réunies au Pavillon d’Armenonville l’actualité fiscale de l’année écoulée dans
le cadre de ses traditionnelles «
Rencontres fiscales » organisées chaque année
depuis près de 25 ans.
Les rencontres ont notamment été l’occasion de
présenter les principales mesures fiscales contenues dans la loi de finances et
la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, étant rappelé, une fois
n’est pas coutume, que la loi de finances rectificative pour 2018 ne comporte aucune mesure
d’ordre fiscal.
Concernant les entreprises, les dispositions les
plus importantes sont :
• le relèvement du taux du dernier acompte d’impôt sur les sociétés pour
les grandes entreprises (celles dont le chiffre d’affaires ou celui du groupe
intégré auquel elles appartiennent excède 250 millions d’euros), pour les exercices
ouverts à compter du
1er janvier 2019. Corrélativement, le seuil de déclenchement des
pénalités fiscales en cas de paiement insuffisant (majoration de 5 % et intérêts de retard)
est relevé ;
• la réforme de trois dispositifs majeurs en matière d’impôt sur les
sociétés pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier
2019 ;
• en premier lieu, concernant le régime de l’intégration fiscale, la
suppression de la neutralisation de la quote-part de frais et charges de 12 % liée aux plus-values à
long terme de cession de titres de participation relevant du taux de 0 % au sein du groupe
fiscal, étant relevé que, contrairement au projet présenté initialement en
Conseil des Ministres, le taux de la quote-part est maintenu à 12 % pour toutes les
cessions de titres de participation relevant du régime du long terme, qu’elles
soient réalisées ou non au sein d’un groupe intégré ;
• est également supprimée la neutralisation totale des dividendes
n’ouvrant pas droit au régime mère-filiales, conduisant à rapporter au résultat
fiscal une somme égale à 1 % du dividende en question ;
• surtout, est supprimée la neutralisation du résultat d’ensemble des
subventions, directes et indirectes, et des abandons de créances consentis
entre des sociétés membres du groupe fiscal, étant rappelé que cette
suppression conduira, dans les faits, à une imposition effective au sein du
groupe des aides à caractère financier consenties par une société mère à sa
filiale alors que, jusqu’à présent, ces aides n’avaient aucune influence sur le
résultat d’ensemble et la charge d’impôt du groupe.
Corrélativement, est légalisée la qualification
d’absence de subvention indirecte des livraisons de biens (autres que celles
portant sur des éléments de l’actif immobilisé) et des prestations de servies
réalisées au sein du groupe fiscal pour un prix compris entre le prix de
revient et la valeur réelle du bien ou du service considéré ;
• enfin, dès les exercices clos à compter du 31 décembre 2018, des
aménagements sont apportés concernant l’absence de cessation du groupe en cas
de sortie du groupe d’une société dite « intermédiaire », située dans
un autre territoire de l’Union européenne, en cas d’intégration dite
« horizontale » ou « verticale », si cette sortie
résulte de la sortie de l’Union européenne ou de l’EEE de l’État dans lequel
elle est située, d’une part, et en cas d’absorption de la société mère par une
de ses filiales intégrées, d’autre part ;
• en second lieu, et en quelques mots, le régime d’imposition préférentiel
des produits tirés de la cession ou de la concession de certains actifs de
propriété industrielle (brevets et droits assimilés), plus connu sous le régime
dit de « l’article 39 terdecies du CGI », est abrogé et remplacé par un nouveau régime, optionnel, et
excessivement complexe. Ce régime est conforme aux recommandations de l’OCDE
puisqu’il vise, selon l’approche dite « Nexus », à
conditionner le bénéfice du nouveau régime préférentiel d’imposition des
profits susvisés (à un taux d’IS de 10 %) à la réalisation sur le territoire national des
dépenses de Recherche et Développement engagées pour le développement des
actifs éligibles.
Les entreprises concernées devront peser l’ensemble
des avantages et inconvénients liés à l’option pour ce régime, qui vise
désormais les logiciels protégés par le droit d’auteur (y compris les logiciels
existants) dès lors que les dépenses de R&D imputables aux actifs concernés
par l’option ne seront plus déductibles des bases imposables au taux normal et
que ces entreprises seront assujetties à une obligation documentaire très
importante, proche de celle exigée en matière de prix de transfert.
• Mais la réforme la plus importante concerne, sans aucun doute, la
réforme du régime de déductibilité des charges financières puisque, pour les
exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, les dispositifs du
« rabot » (réintégration de 25 % des charges financières nettes
lorsque celles-ci excèdent un montant de 3 millions d’euros), de lutte contre la
sous-capitalisation (CGI article 212-II) et de l’amendement dit « Carrez »
(CGI article 209,
IX) sont remplacés par un nouveau dispositif inspiré de l’article 4 de la directive UE
2016/1164 du
12 juillet
2016 (dite
« ATAD ») destinée à lutter contre les mécanismes d’érosion
des bases d’imposition des entreprises à travers les surcoûts d’emprunt.
Ce dispositif, complexe, est assorti de nombreuses
clauses de report et de sauvegarde visant à neutraliser certains effets
procycliques de la règle de plafonnement en fonction de l’EBITDA puisqu’en
effet, désormais, la déduction des charges financières nettes sera plafonnée en
fonction d’une somme égale à 30 % de l’EBITDA fiscal (défini comme le résultat fiscal avant impôt, avant
imputation des déficits reportables, des charges financières nettes, des
provisions pour dépréciation et des amortissements, nettes des reprises
correspondantes) ou à une somme de 3 millions d’euros si ce montant est plus élevé, ces
seuils étant appréciés au niveau de l’entreprise ou du groupe fiscal s’il en
existe un. La référence au seuil de 3 millions d’euros permettra d’exclure bon nombre de
PME, d’ETI ou de groupe non endettés.
Ce plafond de déduction est divisé par trois
(référence à 10 % de
l’EBITDA fiscal et à 1 million
d’euros en valeur absolue) si l’entreprise, ou le groupe fiscal, est réputé
« sous-capitalisé » c’est-à-dire si l’endettement à l’égard
des actionnaires ou associés majoritaires excède une fois et demie le montant
des fonds propres tels qu’appréciés, au choix, à l’ouverture ou à la clôture de
l’exercice social.
Toutefois la société, ou le groupe fiscal pourront
échapper à ce dispositif de sous-capitalisation, comme antérieurement, s’il
peut être démontré que l’endettement du groupe consolidé auquel ils
appartiennent est supérieur au leur.
De la même manière, il existe une clause de
sauvegarde générale, hors dispositif de sous-capitalisation, qui permettra aux
entreprises ou aux groupes concernés de limiter les effets du dispositif
général si leur ratio fonds propres/actifs est supérieur ou égal à celui du
groupe consolidé auquel ils appartiennent, étant relevé qu’en tout état de
cause, hors situation de sous-capitalisation, les charges financières non
déductibles pourront, contrairement au dispositif du « rabot »,
être reportables sans horizon de temps ni décote.
Enfin, on relèvera que ce dispositif est applicable
aux contrats d’emprunt déjà conclus avant la mise en œuvre de la réforme. Une
clause « grand-père » est prévue uniquement pour les contrats
d’infrastructures publiques à long terme conclus avant l’entrée en vigueur du
nouveau dispositif.
Parmi le florilège habituel des mesures diverses,
mais importantes pour certaines entreprises, on mentionnera :
• la transposition de plusieurs directives
européennes, à compter du 1er janvier 2019, dont celle destinée à
assurer un meilleur règlement des différends fiscaux (UE numéro 2017/1852 du 10 octobre 2017) à la suite
de redressements en matière de prix de transfert, notamment afin d’éliminer les
situations de double imposition au sein de l’Union européenne ;
• le renforcement des obligations déclaratives des
entreprises en matière de crédit d’impôt recherche et de réduction d’impôt
Mécénat ;
• les aménagements apportés à la détermination de la
valeur locative des bâtiments industriels au regard des impôts locaux pour les
situations à faible enjeu ;
• la mise en œuvre d’un nouveau dispositif de « suramortissement »
pour les PME dites « communautaires » affectant à une activité
industrielle des équipements robotiques et de transition numérique.
On relèvera, enfin, dans un contexte de pénalisation
accrue de notre droit fiscal par la loi numéro 2018-898 du 23 octobre 2018 destinée à lutter contre
la fraude (instauration du « Name and Shame », suppression du
« verrou de Bercy »), l’instauration d’une clause anti-abus
générale en matière d’IS (article 205 A
nouveau du CGI) pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier
2019 mais
concernant les montages non authentiques à objectif principalement fiscal mis
en place avant cette date et continuant à produire leurs effets après celle-ci,
d’une part, et le renforcement considérable de la procédure de l’abus de droit
fiscal, pour les rectifications notifiées à compter du 1er janvier
2021 portant
sur les actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020,
destinés à dissuader les acteurs concernés de recourir à des dispositifs trop
agressifs destinés principalement à obtenir un avantage fiscal dans un objectif
non conforme à celui du législateur. Ces dispositifs n’ont pas fini de susciter
des débats et des contentieux nourris.
Pour conclure, on indiquera que les entreprises
attendront avec une certaine appréhension le collectif budgétaire annoncé
prochainement qui devrait comporter les mesures destinées à financer les
mesures d’urgences économiques et sociales issues de la loi numéro 2018-1213 du 24 décembre 2018 consécutive au mouvement
des « gilets jaunes » et au nombre desquelles devraient
figurer le gel de la baisse du taux normal de l’IS pour les grandes entreprises
en 2019 et
l’instauration d’une possible taxe sur les recettes publicitaires des GAFA,
mais les choses ne devraient pas s’arrêter là.
Éric Quentin,
Avocat en droit fiscal,
Hoche Avocats