Le Cercle Montesquieu, en partenariat avec la practice juridique d’Oasys
Consultants et l’Association française des juristes d’entreprise (AFJE), ont
présenté le 24 mai dernier les résultats de l’étude sur les directeurs
juridiques (DJ) à mi-carrière. Celle-ci a été réalisée à partir d’une enquête
menée auprès des directeurs juridiques et de leurs recruteurs. Quels sont les
directeurs juridiques aujourd’hui ? Comment devient-on DJ et quelles sont
les évolutions professionnelles ? Quels sont les freins au recrutement…?
Autant de questions auxquelles tente de répondre l’étude élaborée par les
experts.
« Soumise aux impératifs de la mondialisation et
de la globalisation du droit, la carrière d’un directeur juridique (DJ) a
profondément évolué ces dernières années. Au-delà de l’expertise technique en
droit, il lui est demandé d’être un véritable business partner,
c’est-à-dire de participer à la stratégie et aux évolutions profondes de
l’entreprise en sécurisant et en accompagnant le développement de l’entreprise
sur de nouveaux produits ou de nouveaux marchés, notamment à l’international »,
peut-on lire dans le préambule de cette étude. Ce constat justifie la raison
dêtre de cette étude.
Face aux évolutions du métier de DJ, en effet, Oasys
Consultants, le Cercle Montesquieu et l’AFJE ont décidé de mener une enquête en
partenariat, afin de mettre en lumière les points clefs dans le recrutement et
le parcours des DJ à travers les regards croisés des directeurs juridiques et
ceux de leurs recruteurs (DG, secrétaires généraux, DAF, DRH, DJ groupe,
cabinets de recrutement et de chasse de tête). Quelles sont les nouvelles
compétences et expériences recherchées ? Faut-il choisir entre expertise
et management ? Comment devient-on DJ et quelles évolutions professionnelles
peut-on attendre ensuite ? Quels sont les parcours gagnants et les freins
au recrutement… ?
Le résultat des recherches a été présenté le
24 mai dernier par Claude Mulsant, associée et directrice de la
practice juridique d’Oasys Consultants. S’est ensuivie une séance d’échanges
avec Renalda Harfouche, directrice juridique EMEA et directrice juridique
IP and Technologies d’IPSOS – co-responsable de la Commission employabilité des
DJ du Cercle Montesquieu ; Brigitte des Abbayes, co-responsable de la
Commission employabilité des DJ du Cercle Montesquieu avec Renalda
Harfouche ; Sarah Leroy, directrice juridique, vice-présidente
de l’AFJE.
Les
circonstances de l’enquête
Afin de réaliser cette étude, un questionnaire a tout
d’abord été adressé à un panel représentatif de directeurs juridiques en
exercice et directeurs généraux, directeurs administratifs et financiers, DRH…
221 réponses ont été reçues suite à l’envoi des questions.
Le questionnaire était composé de 47 questions,
articulées autour de quatre principaux thèmes : formations et
parcours de carrière des DJ ; pratiques de recrutement des DJ ;
critères et freins majeurs aux recrutements ; poursuite de carrière.
Certaines questions n’ont d’ailleurs été envoyées
qu’aux DJ et d’autres qu’à leurs recruteurs, afin de comparer leurs visions et
leurs attentes.
Comme l’a indiqué Claude Mulsant, 85 % des
répondants de cette étude travaillent dans des entreprises qui œuvrent à
l’international, ce qui « montre une corrélation entre l’apparition du
DJ dans une entreprise et l’internationalisation de celle-ci ».
74 % des directeurs juridiques interrogés habitent en
Île-de-France, par conséquent, les autres régions sont en pénuries de DJ. Les
chasseurs de têtes ont du mal à recruter hors IDF.
Devenir
directeur juridique
L’étude indique qu’en plus d’être titulaires, au
minimum, d’un diplôme de niveau Bac +4 en droit (obligation légale), 40 %
des DJ ont une double formation : école de commerce, sciences-po, MBA,
études fiscales, etc.
En outre, 98 % des directeurs juridiques ont
plus de dix ans d’expérience et 52 % plus de 20 ans. En général,
ils deviennent DJ entre 35 et 45 ans. 61 % des recruteurs préfèrent
recruter un DJ entre 40 et 45 ans, 48 % entre 35 et 40 ans.
Seuls 7 % deviennent DJ après 45 ans, mais
les DRH qui ont répondu au questionnaire sont 47 % à avoir indiqué qu’ils
étaient prêts à recruter au-delà de cet âge.
Selon les résultats de l’enquête, une première
expérience de management permet d’accéder à un poste de DJ.
Parmi le top 4 des expériences requises pour devenir
DJ, il faut savoir gérer des dossiers généralistes en droit, des contrats,
gérer les contentieux et les conflits corporate.
Enfin, 55 % des DJ en France font aussi partie du
comité de direction/comité exécutif de leur entreprise. Ce qui selon Claude
Mulsant reste insuffisant : « les pays anglo-saxons en ont une
vision beaucoup plus dynamique et le DJ y est considéré comme un réel support
du business ». Heureusement, a-t-elle ajouté, « la France
évolue en faveur de cette présence ».
Le recrutement
des DJ
L’étude révèle qu’en général, à 68 %, on devient
directeur juridique suite à un recrutement interne. Ainsi, les entreprises de
moins de 1 000 salariés créent souvent leur direction juridique par la
promotion interne de leurs juristes, les grands groupes quant à eux favorisent
la mobilité interne (à 81 %), car les candidats sont nombreux.
Dans 74 % des recrutements, les chasseurs,
spécialisés ou non, sont sollicités. La cooptation est aussi une pratique
courante, quant aux réseaux professionnels AFJE et Cercle Montesquieu, ils sont
mis à contribution dans plus de 25 % des recrutements.
La plupart du temps, le recrutement d’un DJ est
déclenché par un départ, ce qui explique le nombre assez limité des
opportunités ouvertes sur le marché de l’emploi. Cependant les entreprises
peuvent recruter des directeurs juridiques pour des raisons de croissance, la
réorganisation du service juridique ou de l’entreprise en général.
Quels sont les critères de recrutement mis en avant
par les chasseurs et les DRH ?
Les résultats de l’enquête démontrent que pour la
majorité des recruteurs savoir communiquer, être un partenaire stratégique du
CODIR/COMEX, détenir des compétences managériales sont des compétences aussi
importantes que l’expertise technique.
S’ils doivent départager deux candidats à un poste
de DJ, les recruteurs vont regarder la loyauté, l’honnêteté et l’éthique des
postulants. Les capacités relationnelles et de leadership sont aussi
très attendues, ainsi qu’une forte capacité d’anticipation et l’aptitude à
décider dans des contextes incertains. Pour résister au stress, une bonne dose
d’humour et d’optimisme sont également nécessaires, estiment les recruteurs.
En outre, la méconnaissance du métier/secteur de
l’entreprise n’est pas un frein incontournable, car celle-ci peut s’acquérir
ensuite.
De leur côté, les DJ considèrent qu’ils doivent avoir
une bonne culture client puisqu’ils se perçoivent comme des business partner.
Ils sont également d’accord sur le fait qu’ils doivent être de bons
communicants et managers plutôt que de simples techniciens.
Enfin, quels sont les freins au recrutement d’un
DJ ?
En général, les recruteurs s’intéressent peu aux
profils trop experts, pas assez managers ni communicants. Quant au juriste pas
suffisant opérationnel ou qui ne maîtrise pas assez l’anglais, il risque de ne
pas être retenu.
Perspective d’avenir pour le DJ à mi-carrière ?
Globalement, les directeurs juridiques qui ont
répondu au questionnaire se projettent mal dans d’autres fonctions, financières
ou commerciales par exemple, ni dans des postes de DG ou de création
d’entreprise. Une évolution vers les postes de DJ au périmètre élargi ou de
secrétariat général est davantage envisagée.
De leur côté, les recruteurs estiment à 60 % que
rester DJ avec un périmètre élargi est tout à fait envisageable pour un DJ à
mi-carrière, comme devenir secrétaire général
(à 37 %), ou rester DJ mais dans un autre environnement (43 %).
Le management de transition ou la profession d’avocat
peuvent aussi être envisagés comme des perspectives de carrière, pensent les
recruteurs.
En outre, « 41 % demandent une présence
dans les instances de direction et/ou un rattachement au DG, 17 % sont en
attente d’autonomie et 12 % de pouvoir. Ces attentes sont également
fortement perçues par les recruteurs qui les ont retenues à 47 % lorsqu’on
leur a posé la même question » précise l’étude.
En conclusion, selon l’étude, les directeurs
juridiques aujourd’hui sont globalement en attente d’évolution de carrière, de
nouveauté et de challenge. Ils souhaitent également une plus
grande reconnaissance salariale.
Pour y parvenir, a préconisé Claude Mulsant, « les
directeurs juridiques doivent apprendre à valoriser financièrement les missions
juridiques pour pouvoir justifier de budget plus élevé ».
Maria-Angélica Bailly