La question de la
santé est le plus souvent abordée sous l’angle curatif, à telle enseigne que
beaucoup considèrent que nous n’avons pas de ministère de la santé, mais plutôt
un ministère de la maladie. Pourtant,
les coûts sociaux qui s’attachent au développement des pathologies lourdes (un
Français sur cinq est en affection de longue durée – ALD) et qui viennent s’ajouter
aux coûts humains ne peuvent que conduire à investir massivement sur la prévention.
Par prévention, il ne faut pas entendre détection d’une maladie, même si nous
savons tous que la détection très en amont des cancers permet beaucoup plus
facilement la guérison, mais bien la recherche des causes de l’inflation des
maladies neurodégénératives, des cancers, de l’autisme, etc. Cette recherche
conduit bien évidemment à des progrès dans la génétique et la génomique, mais
aussi à des progrès dans les connaissances des effets de certaines technologies
et/ou de certains produits.
S’agissant de l’hygiène
chimique ou de la santé environnementale, il y a de nouveaux domaines en plein
développement. Nos connaissances sont en réalité embryonnaires en raison des
modalités d’évaluation mises en place sur la base d’une approche pasteurienne
inadéquate pour mesurer les effets des perturbateurs endocriniens. Le brouillard total
dans lequel se trouve aujourd’hui la connaissance des « cocktails » de produits
chimiques présents dans notre corps et
dans l’environnement est plus que préoccupant. Le droit, qui se situe généralement
en aval des connaissances scientifiques, rencontre les plus grandes difficultés
à s’adapter à cette nouvelle donne. Le présent numéro ne prétend pas traiter
toutes les questions, mais aborder
quelques problématiques pour donner une illustration de l’étendue du sujet. Tout
d’abord, comment évaluer les nouvelles technologies en prenant l’exemple des
ondes électromagnétiques ? Ensuite, comment appliquer le principe de précaution
et comment passe-t-on de la précaution à la prévention ? Quel impact la connaissance
de l’hypothèse d’un risque peut-elle avoir sur la responsabilité pénale ?
Quelles sont les conséquences, en termes de procédure, de l’incertitude liée au
risque, et de la difficulté d’apporter une preuve certaine du lien de causalité
? Cette question se traduit bien évidemment au niveau de l’expertise comme à
celle de la responsabilité civile. Ces différents sujets juridiques, particulièrement
essentiels dans les sociétés contemporaines, évoluent au gré des demandes sociétales,
des pressions économiques et des catastrophes sanitaires qui ne peuvent que se
répéter. Nous formulons le vœu que ce numéro du Journal Spécial des
Sociétés apporte quelques pistes de réponse.
Corinne Lepage,
CEO Huglo Lepage Avocats,
Docteur en droit,
Avocate à la Cour