Franck Marlin avait été sommé par
la justice en décembre dernier de supprimer le terme « laïcité »
qu’il avait adjoint à la devise de la République sur les portails des écoles
communales. Il indique « persévérer »
en laissant inscrit ce principe qu’il estime « fondamental ».
Il ne lâchera pas. Interviewé
avant-hier par BFM TV, Franck Marlin, ancien député de l’Essonne et maire (LR)
d'Etampes, a assuré qu'il ne retirerait pas « sa » devise des écoles
de la commune.
En 2020, l’édile de cette ville de
25 000 habitants, située à 50 kilomètres au sud-ouest de Paris, avait
ainsi fait installer, sur divers bâtiments publics, et en particulier les
portails des vingt écoles communales, des panneaux en forme de blason portant
les couleurs du drapeau français ainsi que les termes « liberté,
égalité, fraternité, laïcité ». Se disant fortement attaché à ce
dernier principe, Franck Marlin souhaitait en effet l’ajouter à la suite des
trois mots de la devise de la République.
Mais le mois dernier, la Cour
administrative d’appel de Versailles l’a rappelé à l’ordre dans un arrêt du 15
décembre 2023 qui le somme de rétablir la devise originelle sur les
établissements scolaires.
Une devise personnalisée peu
appréciée du préfet de l’Essonne
Il faut dire que cela fait trois
ans que le préfet de l’Essonne et le maire de l’Etampes sont « en
guerre » au sujet de ces inscriptions qui ne sont pas du tout du goût du
premier.
C’est d’ailleurs pour cette raison
que le préfet avait, par un courrier du 12 novembre 2020, demandé à Franck
Marlin de retirer de la façade et des accès des écoles de la commune le terme « laïcité ».
La réaction ne s’était pas fait attendre, puisque, par une lettre adressée une
quinzaine de jours plus tard, le maire d'Etampes avait refusé de faire procéder
à la modification de ces mentions portées en fronton des écoles communales.
Aux grands maux les grands
remèdes : le préfet de l'Essonne avait alors demandé au tribunal
administratif de Versailles d'annuler cette « décision » (non
formalisée) d'inscrire le terme « laïcité » et d'enjoindre au
maire de la commune d'Etampes de retirer cette inscription des bâtiments
scolaires.
Par un jugement du 29 juillet 2021,
le tribunal administratif de Versailles avait annulé cette décision, et avait effectivement
ordonné à la commune d'Etampes de retirer cet affichage et de rétablir la
devise initiale - telle que définie dans la Constitution - sur le portail des écoles
dans un délai d'un mois.
Bien décidée à ne pas en rester là,
le 29 septembre 2021, via une requête, la commune d'Etampes avait demandé à la Cour
administrative d’appel de Versailles d'annuler ce jugement ainsi que la demande
du préfet.
Elle soutenait à ce titre que la
demande du préfet était irrecevable car la décision qu’elle avait prise
(d’inscrire le terme « laïcité ») constituait « une mesure
d'ordre intérieur non décisoire insusceptible de faire l'objet d'un déféré
préfectoral », que la devise de la République avait bien été apposée
au fronton des écoles, et « qu’aucune règle n'interdit l'apposition
d'un terme supplémentaire sur le fronton des bâtiments publics, dès lors que ce
terme ne symbolise aucune revendication d'opinion politique, religieuse ou
philosophique ».
La Cour administrative de
Versailles pointe un problème de calligraphie
Dans son arrêt du 15 décembre, la
cour considère d’une part que « le législateur a, par la loi du 8
juillet 2013, encadré les modalités de pavoisement des écoles publiques, et
alors qu'une telle mesure revêt par nature une portée symbolique
particulièrement forte, la commune d'Etampes ne saurait sérieusement soutenir
que la décision d'ajouter le mot “laïcité” dans la devise de la République
apposée sur la façade des écoles de la commune serait constitutive d'une simple
mesure d'ordre intérieur ». Elle estime de ce fait que le préfet de
l'Essonne était recevable à déférer cette décision devant le tribunal
administratif de Versailles.
Par ailleurs, la juridiction
administrative observe, concernant les panneaux en forme de blason portant les
mentions « liberté, égalité, fraternité, laïcité », que « ces
quatre mots sont inscrits les uns à la suite des autres sur quatre lignes
successives d'un blason, avec la même calligraphie, composant ainsi un
tétraptyque homogène ». « Le maire de la commune d'Etampes ne
s'est pas simplement borné à apposer le mot ”laïcité” sur les portails des
écoles et de plusieurs autres bâtiments publics, mais a ainsi altéré la
formulation de la devise de la République », conclut-elle, précisant
que la décision contestée du maire a ainsi méconnu la Constitution et doit donc
être annulée.
« C’est mon devoir d’élu
républicain de refuser cette contrainte ! »
Annuler sa décision ?
« Non, je ne le ferai pas, c’est mon devoir d’élu républicain de
refuser cette contrainte » a martelé Franck Marlin sur BFM TV le 11
janvier.
Campant sur ses positions,
l’édile a indiqué qu’il menait un combat pour la laïcité « depuis plus
de 20 ans ». « Les éléments fondamentaux que représentent la
liberté, l’égalité, la fraternité, sont les devises de la République certes,
mais on a tellement besoin de la laïcité ! Il est fondamental, quand on
rentre dans un bâtiment de la République, en particulier une école, de savoir
qu’elle est sous le sceau de la laïcité. Cela revient à respecter la République. »
Franck Marlin a en outre expliqué qu’il
n’en était pas à son coup d’essai, puisqu’il avait déjà apposé ce terme sur les
frontons des écoles dans les années 2000, non sans que cette initiative soit
retoquée, mais estime qu’aujourd’hui le regard de la justice est moins sévère
sur le sujet et qu’elle sera bientôt « d’accord avec [lui] ».
« A l’époque, en 2004, on a voulu me démettre de mon mandat de maire.
Aujourd’hui, la Cour administrative d’appel de Versailles me reproche
l’utilisation d’une même calligraphie pour “liberté, égalité, fraternité,
laïcité”. Si j’écris différemment le mot “laïcité”, alors elle acceptera que cette
devise soit inscrite sur les 20 écoles d’Etampes ! »
Celui qui dit « ne
pas se moquer d’une décision de justice mais être persévérant » serait
donc, de toute évidence, déjà en train de réfléchir à de nouveaux blasons pour
se conformer à la loi.
Bérengère
Margaritelli