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(91) Devise « laïcisée » : le maire d’Etampes refuse d’appliquer la décision de la Cour administrative d’appel de Versailles

(91) Devise « laïcisée » : le maire d’Etampes refuse d’appliquer la décision de la Cour administrative d’appel de Versailles
Le maire d'Étampes avait modifié la devise des établissements en 2020 ©Google Stret View
Publié le 13/01/2024 à 09:30

Franck Marlin avait été sommé par la justice en décembre dernier de supprimer le terme « laïcité » qu’il avait adjoint à la devise de la République sur les portails des écoles communales.  Il indique « persévérer » en laissant inscrit ce principe qu’il estime « fondamental ».

Il ne lâchera pas. Interviewé avant-hier par BFM TV, Franck Marlin, ancien député de l’Essonne et maire (LR) d'Etampes, a assuré qu'il ne retirerait pas « sa » devise des écoles de la commune.

En 2020, l’édile de cette ville de 25 000 habitants, située à 50 kilomètres au sud-ouest de Paris, avait ainsi fait installer, sur divers bâtiments publics, et en particulier les portails des vingt écoles communales, des panneaux en forme de blason portant les couleurs du drapeau français ainsi que les termes « liberté, égalité, fraternité, laïcité ». Se disant fortement attaché à ce dernier principe, Franck Marlin souhaitait en effet l’ajouter à la suite des trois mots de la devise de la République.

Mais le mois dernier, la Cour administrative d’appel de Versailles l’a rappelé à l’ordre dans un arrêt du 15 décembre 2023 qui le somme de rétablir la devise originelle sur les établissements scolaires.

Une devise personnalisée peu appréciée du préfet de l’Essonne

Il faut dire que cela fait trois ans que le préfet de l’Essonne et le maire de l’Etampes sont « en guerre » au sujet de ces inscriptions qui ne sont pas du tout du goût du premier.

C’est d’ailleurs pour cette raison que le préfet avait, par un courrier du 12 novembre 2020, demandé à Franck Marlin de retirer de la façade et des accès des écoles de la commune le terme « laïcité ». La réaction ne s’était pas fait attendre, puisque, par une lettre adressée une quinzaine de jours plus tard, le maire d'Etampes avait refusé de faire procéder à la modification de ces mentions portées en fronton des écoles communales.

Aux grands maux les grands remèdes : le préfet de l'Essonne avait alors demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler cette « décision » (non formalisée) d'inscrire le terme « laïcité » et d'enjoindre au maire de la commune d'Etampes de retirer cette inscription des bâtiments scolaires.

Par un jugement du 29 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles avait annulé cette décision, et avait effectivement ordonné à la commune d'Etampes de retirer cet affichage et de rétablir la devise initiale - telle que définie dans la Constitution - sur le portail des écoles dans un délai d'un mois.

Bien décidée à ne pas en rester là, le 29 septembre 2021, via une requête, la commune d'Etampes avait demandé à la Cour administrative d’appel de Versailles d'annuler ce jugement ainsi que la demande du préfet.

Elle soutenait à ce titre que la demande du préfet était irrecevable car la décision qu’elle avait prise (d’inscrire le terme « laïcité ») constituait « une mesure d'ordre intérieur non décisoire insusceptible de faire l'objet d'un déféré préfectoral », que la devise de la République avait bien été apposée au fronton des écoles, et « qu’aucune règle n'interdit l'apposition d'un terme supplémentaire sur le fronton des bâtiments publics, dès lors que ce terme ne symbolise aucune revendication d'opinion politique, religieuse ou philosophique ».

La Cour administrative de Versailles pointe un problème de calligraphie

Dans son arrêt du 15 décembre, la cour considère d’une part que « le législateur a, par la loi du 8 juillet 2013, encadré les modalités de pavoisement des écoles publiques, et alors qu'une telle mesure revêt par nature une portée symbolique particulièrement forte, la commune d'Etampes ne saurait sérieusement soutenir que la décision d'ajouter le mot “laïcité” dans la devise de la République apposée sur la façade des écoles de la commune serait constitutive d'une simple mesure d'ordre intérieur ». Elle estime de ce fait que le préfet de l'Essonne était recevable à déférer cette décision devant le tribunal administratif de Versailles.

Par ailleurs, la juridiction administrative observe, concernant les panneaux en forme de blason portant les mentions « liberté, égalité, fraternité, laïcité », que « ces quatre mots sont inscrits les uns à la suite des autres sur quatre lignes successives d'un blason, avec la même calligraphie, composant ainsi un tétraptyque homogène ». « Le maire de la commune d'Etampes ne s'est pas simplement borné à apposer le mot ”laïcité” sur les portails des écoles et de plusieurs autres bâtiments publics, mais a ainsi altéré la formulation de la devise de la République », conclut-elle, précisant que la décision contestée du maire a ainsi méconnu la Constitution et doit donc être annulée.

« C’est mon devoir d’élu républicain de refuser cette contrainte ! »

Annuler sa décision ? « Non, je ne le ferai pas, c’est mon devoir d’élu républicain de refuser cette contrainte » a martelé Franck Marlin sur BFM TV le 11 janvier.

Campant sur ses positions, l’édile a indiqué qu’il menait un combat pour la laïcité « depuis plus de 20 ans ». « Les éléments fondamentaux que représentent la liberté, l’égalité, la fraternité, sont les devises de la République certes, mais on a tellement besoin de la laïcité ! Il est fondamental, quand on rentre dans un bâtiment de la République, en particulier une école, de savoir qu’elle est sous le sceau de la laïcité. Cela revient à respecter la République. »

Franck Marlin a en outre expliqué qu’il n’en était pas à son coup d’essai, puisqu’il avait déjà apposé ce terme sur les frontons des écoles dans les années 2000, non sans que cette initiative soit retoquée, mais estime qu’aujourd’hui le regard de la justice est moins sévère sur le sujet et qu’elle sera bientôt « d’accord avec [lui] ». « A l’époque, en 2004, on a voulu me démettre de mon mandat de maire. Aujourd’hui, la Cour administrative d’appel de Versailles me reproche l’utilisation d’une même calligraphie pour “liberté, égalité, fraternité, laïcité”. Si j’écris différemment le mot “laïcité”, alors elle acceptera que cette devise soit inscrite sur les 20 écoles d’Etampes ! »

Celui qui dit « ne pas se moquer d’une décision de justice mais être persévérant » serait donc, de toute évidence, déjà en train de réfléchir à de nouveaux blasons pour se conformer à la loi.

 

Bérengère Margaritelli

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