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Adidas, l’entreprise qui veut être sur tous les fronts

Adidas, l’entreprise qui veut être sur tous les fronts
Publié le 09/03/2024 à 16:51

Mathieu Sidokpohou, Managing Director Europe de la marque aux trois bandes, était invité par le Club de l’Audace début février. L’occasion d’évoquer son engagement pour promouvoir la pratique sportive, l’inclusion et la diversité, mais aussi pour évoquer la façon dont elle utilise les succès sportifs afin de propulser certains de ses produits, sneakers en tête.

Ces dernières semaines étaient sportives pour le Managing Director Europe d’Adidas ! En date, dernièrement, l’inauguration, en vue des Jeux olympiques de Paris 2024, l’inauguration de l’Adidas Arena, qui accueillera notamment les épreuves de badminton, de gymnastique rythmique, de para-rythmique et de para-haltérophilie.

Malgré un agenda particulièrement dense, Mathieu Sidokpohou a tenu à honorer l'invitation du Club de l’Audace. L’occasion de faire état de l'aspiration constante de la firme allemande à s'imposer comme leader dans le domaine de la production d'équipements sportifs et de sneakers, devant ses concurrents tels que Nike ou Puma.

« On part de l’innovation sportive pour faire du lifestyle »

A ce titre, la mode émerge comme un aspect fondamental de son identité… en essayant toutefois de ne pas se perdre entre sport et mode. « À chaque fois que l'on a oublié qu’on était une marque de sport et qu’on s’est pris pour une marque de lifestyle, on s’est perdu. En fait, tout ce que vous portez d’Adidas, d’un point de vue lifestyle et, en particulier les chaussures, les Stan Smith, les Samba, les Gazelle… tout provient du sport ».

Pour Adidas, l'essentiel ne réside pas dans le fait de créer de la mode pour la mode, mais plutôt d'utiliser les succès sportifs pour les transformer en éléments de lifestyle. « A l’origine, la Stan Smith était une chaussure de performance sportive dans le tennis. Il y a aussi les Handball Spezial, qui étaient des chaussures pour le handball dans les années 70. Les Samba, un phénomène culturel largement adopté par le monde de la mode, ont été conçues pour le futsal dans les années 60. Tout ce que l’on fait aujourd’hui dans le lifestyle est né parce que cela a été développé pour la pratique sportive » précise Mathieu Sidokpohou.

Une stratégie qui a fini par payer, car depuis quelques années, Adidas est de retour aux pieds des jeunes, comme le confirme également le DG de la marque aux trois bandes. Pour l'avenir, le groupe envisage même de s'impliquer dans le design de chaussures de saut à ski, non pas dans un but commercial, mais pour explorer de nouvelles perspectives de design.

Mathieu Sidokpohou note qu’« aujourd’hui, les sneakers représentent l’une des industries au monde qui a été le plus en croissance. D’ailleurs, quand on regarde le top 10 des sneakers vendus dans le monde, elles proviennent toutes de la performance sportive et elles sont là depuis 25 ans. Je peux aussi parler des concurrents comme la Air Force 1, par exemple, qui est une chaussure de basket. On part de l’innovation sportive pour faire du lifestyle, pas l’inverse ».

Une collaboration fructueuse avec Kanye West… en tout cas au début

Le retour d'Adidas « aux pieds des jeunes » s'explique aussi par ses collaborations réussies avec des artistes et designers, dont notamment Kanye West. Cette collaboration a donné naissance en 2015 à la marque de chaussures Yeezy, dont l'ascension fulgurante a été qualifiée par Forbes comme « l'une des plus grandes réussites commerciales du siècle ». Yeezy représentait d'ailleurs 7 % du chiffre d'affaires total d'Adidas, selon le quotidien britannique Financial Times.

Cependant, la relation entre Adidas et le rappeur de Chicago, connu pour ses frasques, a pris fin de manière abrupte après que ce dernier a tenu des propos antisémites dans les médias, poussant Adidas à annoncer la fin de sa collaboration avec celui qui est désormais surnommé « Ye ». Quoi qu'il en soit, ce dernier avait déjà annoncé son intention de ne pas renouveler son contrat avec Adidas, allant même jusqu'à accuser la marque de copier ses créations. Cependant, la véritable difficulté est survenue avec la fin imprévue de cette collaboration, laissant Adidas face à un dilemme concernant l'énorme stock de sneakers Yeezy invendues : les commercialiser ou les détruire à perte.


Mathieu Sidokpohou est arrivé chez Adidas en 2020 en tant que Managing Director France avant de s’occuper de toute l’Europe depuis 2023 @ JSS

Dans une quête permanente de ne pas se mettre à dos l'opinion publique, Adidas a dû trouver une solution à un sujet « très sensible ». « Nous avions trois options : incinérer les stocks, ce qui aurait été absurde, vendre les stocks comme si rien n'était, mais cela ne correspondait pas pleinement à nos valeurs, ou un compromis entre les deux, l’option la plus sage : vendre le stock et reverser les bénéfices à des associations œuvrant pour la paix et le soutien des communautés » affirme Mathieu Sidokpohou.

Si Adidas indique souhaiter se désolidariser des propos de l’artiste, la firme continue malgré tout de lui reverser l’argent perçu grâce à la vente du stock de Yeezy : « On honore avec Kanye West le contrat qui est celui que l’on avait conclu avec lui », se justifie le DG.

Adidas vient en aide à des jeunes de moins en moins sportifs

Pour nourrir son image de marque, Adidas n’hésite pas non plus à s’engager. À cet effet, la marque aux trois bandes a lancé divers programmes de soutien, à l'instar du projet Adidas Football Collective, une initiative de la marque visant à faciliter l'accès au sport pour tous. Mathieu Sidokpohou souligne que « un tiers des jeunes de 12 à 16 ans ne pratiquent le sport qu'à l'école, ce qui est certes positif, mais insuffisant. C’est quelque chose qui nous préoccupe ». 

En réponse à cette situation et pour permettre aux jeunes de faire du sport en dehors des cours, Adidas s'engage activement en France, collaborant étroitement avec les pouvoirs publics pour promouvoir le progrès collectif : « Par exemple, on essaye de travailler avec la mairie de Saint-Ouen. On aimerait dédier le mercredi après-midi à la pratique du sport en amenant des enfants en bus sur un terrain de five, on encadre les devoirs et on les ramène. Si on arrive à faire ça, je pense que l’on aura fait beaucoup ».

Côté jeunesse également, Adidas a par ailleurs récemment lancé un programme spécifiquement conçu pour soutenir les jeunes filles qui entrent dans la puberté et qui, progressivement, se détournent du sport en raison des changements physiques et hormonaux associés à leurs premières menstruations.

Mathieu Sidokpohou explique : « Au moment de la puberté, c’est là qu’il y a plein de filles qui décrochent, beaucoup des coachs/entraîneurs sportifs sont des mecs, incapable de comprendre l’impact du cycle de la fille des bouleversements que ça a dans sa pratique sportive et donc incapable d’apporter une réponse à ces gamines qui commencent leur vie de femme. Sauf que l’on ne sait pas les réfléchir dans le cadre d’une pratique sportive, un entraîneur doit prendre ça en compte ».

Pour faire face à ce défi, Adidas a pris plusieurs initiatives, telles que « la collaboration avec des chercheurs et la sensibilisation des éducateurs ». De façon plus large, pour promouvoir le sport féminin, l'entreprise s'engage aussi dans la « promotion du sport féminin dans de nombreux pays » et établit des partenariats avec des équipes et athlètes féminines pour les transformer en « icônes ». Le Managing Director de l'équipementier précise également que, sans un engagement profond d'Adidas sur cette question, la pratique du sport chez les femmes resterait restreinte.

Maximiser sa présence et booster son imageHaut du formulaire

Maximiser sa présence

L’éventail des engagements de l'entreprise allemande s’étend également au domaine de l’handisport, souligne Mathieu Sidokpohou : « C’est un investissement très conscient que l’on augmente tout le temps. D’ailleurs, il y a aussi beaucoup de recherche, car l’handisport challenge une grosse partie de ce que l’on sait faire. Le besoin d’un athlète est foncièrement différent, et ça nous pousse à réfléchir à la question suivante : comment conçoit-on des vêtements différents ? »  Une question à laquelle la firme est en train de répondre, puisqu’elle développe actuellement des textiles spécifiquement conçus pour répondre aux besoins particuliers des athlètes des jeux paralympiques.

Parmi les domaines dans lesquels l’entreprise aspire à s’affirmer, il y a l’écologie : « On travaille avec le législateur français pour progresser dans le domaine du recyclage. Notre objectif est de marquer une différence en produisant des vêtements respectueux de l'environnement au maximum ».Haut du formulaire, mais aussi la diversité. « À la suite du décès de George Floyd, des collaborateurs nous ont interpellés sur notre manque d'engagement en termes de diversité et d'inclusion. Je me rappelle les mots d'un jeune employé qui observait que bien nos athlètes soient tous des représentants de la diversité, nos bureaux, eux, lui donnaient l'impression d'être au Polo Club de Stockholm. Je pense donc que notre job est de promouvoir les bonnes valeurs », se souvient l’ancien Managing Director de Sephora.

Finalement, au cœur des initiatives d'Adidas se trouve une ambition claire : maximiser sa présence globale tout en projetant la meilleure image possible, tant sur le plan éthique qu’en matière d’'innovation sportive. Bien que la firme allemande s'efforce d'améliorer son image en matière d’ouverture des mentalités, elle affiche une ambition dévorante dans le domaine sportif. À l'approche des Jeux Olympiques, Mathieu Sidokpohou le revendique : « J’aimerais que l’on soit dans tous les sports – ce qui veut notamment dire tous les sports olympiques. Parce que je sais que cela va nourrir plein de choses ». 

Aujourd’hui, la compagnie allemande cherche déjà à marquer sa présence dans un maximum de disciplines sportives, comme l'illustre l'exemple du marathon : « On veut que dans les grands marathons du monde, un certain pourcentage des podiums soient en Adidas ».

Pour l’heure, si selon une étude du site spécialisé Runpack de 2022, 11,21 % des athlètes auraient une préférence pour Adidas, contre 65,42 % pour Nike, notons que dans le top 10 des marathoniens hommes, trois athlètes sont toutefois chaussés par la marque originaire de la petite ville d’Herzogenaurach.

Romain Tardino

 

 

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