Mathieu Sidokpohou, Managing Director Europe de la
marque aux trois bandes, était invité par le Club de l’Audace début février.
L’occasion d’évoquer son engagement pour promouvoir la pratique sportive,
l’inclusion et la diversité, mais aussi pour évoquer la façon dont elle
utilise les succès
sportifs afin de propulser certains de ses produits, sneakers en tête.
Ces dernières semaines étaient sportives pour le
Managing Director Europe d’Adidas ! En date, dernièrement,
l’inauguration, en vue des Jeux olympiques de Paris 2024, l’inauguration de l’Adidas
Arena, qui accueillera notamment les épreuves de badminton, de gymnastique
rythmique, de para-rythmique et de para-haltérophilie.
Malgré un agenda particulièrement dense, Mathieu
Sidokpohou a tenu à honorer l'invitation du Club de l’Audace. L’occasion de
faire état de l'aspiration constante de la firme allemande à s'imposer comme
leader dans le domaine de la production d'équipements sportifs et de sneakers,
devant ses concurrents tels que Nike ou Puma.
« On part de l’innovation sportive pour faire
du lifestyle »
A ce titre, la mode émerge comme un aspect
fondamental de son identité… en essayant toutefois de ne pas se perdre entre
sport et mode. « À chaque fois que l'on a oublié qu’on était une marque de sport
et qu’on s’est pris pour une marque de lifestyle, on s’est perdu. En fait, tout
ce que vous portez d’Adidas, d’un point de vue lifestyle et, en particulier les
chaussures, les Stan Smith, les Samba, les Gazelle… tout provient du sport ».
Pour Adidas, l'essentiel ne réside pas dans le
fait de créer de la mode pour la mode, mais plutôt d'utiliser les succès
sportifs pour les transformer en éléments de lifestyle. « A l’origine, la
Stan Smith était une chaussure de performance sportive dans le tennis. Il y a
aussi les Handball Spezial, qui étaient des chaussures pour le handball dans
les années 70. Les Samba, un phénomène culturel largement adopté par le monde
de la mode, ont été conçues pour le futsal dans les années 60. Tout ce que l’on
fait aujourd’hui dans le lifestyle est né parce que cela a été développé pour
la pratique sportive » précise Mathieu Sidokpohou.
Une stratégie qui a fini par payer, car depuis
quelques années, Adidas est de retour aux pieds des jeunes, comme le confirme
également le DG de la marque aux trois bandes. Pour l'avenir, le groupe
envisage même de s'impliquer dans le design de chaussures de saut à ski, non
pas dans un but commercial, mais pour explorer de nouvelles perspectives de
design.
Mathieu Sidokpohou note qu’« aujourd’hui, les
sneakers représentent l’une des industries au monde qui a été le plus en
croissance. D’ailleurs, quand on regarde le top 10 des sneakers vendus dans le
monde, elles proviennent toutes de la performance sportive et elles sont là
depuis 25 ans. Je peux aussi parler des concurrents comme la Air Force 1, par
exemple, qui est une chaussure de basket. On part de l’innovation sportive pour
faire du lifestyle, pas l’inverse ».
Une collaboration fructueuse avec Kanye West… en
tout cas au début
Le retour d'Adidas « aux pieds des jeunes »
s'explique aussi par ses collaborations réussies avec des artistes et
designers, dont notamment Kanye West. Cette collaboration a donné naissance en
2015 à la marque de chaussures Yeezy, dont l'ascension fulgurante a été
qualifiée par Forbes comme « l'une des plus grandes réussites commerciales
du siècle ». Yeezy représentait d'ailleurs 7 % du chiffre d'affaires total
d'Adidas, selon le quotidien britannique Financial Times.
Cependant, la relation entre Adidas et le rappeur
de Chicago, connu pour ses frasques, a pris fin de manière abrupte après que ce
dernier a tenu des propos antisémites dans les médias, poussant Adidas à
annoncer la fin de sa collaboration avec celui qui est désormais surnommé « Ye
». Quoi qu'il en soit, ce dernier avait déjà annoncé son intention de ne pas
renouveler son contrat avec Adidas, allant même jusqu'à accuser la marque de
copier ses créations. Cependant, la véritable difficulté est survenue avec la
fin imprévue de cette collaboration, laissant Adidas face à un dilemme
concernant l'énorme stock de sneakers Yeezy invendues : les commercialiser ou
les détruire à perte.
Mathieu Sidokpohou est arrivé chez Adidas en 2020 en tant que Managing Director France avant de s’occuper de toute l’Europe depuis 2023 @ JSS
Dans une quête permanente de ne pas se mettre à
dos l'opinion publique, Adidas a dû trouver une solution à un sujet « très
sensible ». « Nous avions trois options : incinérer les stocks, ce
qui aurait été absurde, vendre les stocks comme si rien n'était, mais cela ne
correspondait pas pleinement à nos valeurs, ou un compromis entre les deux, l’option
la plus sage : vendre le stock et reverser les bénéfices à des associations
œuvrant pour la paix et le soutien des communautés » affirme Mathieu
Sidokpohou.
Si Adidas indique souhaiter se désolidariser des
propos de l’artiste, la firme continue malgré tout de lui reverser l’argent
perçu grâce à la vente du stock de Yeezy : « On honore avec Kanye West le
contrat qui est celui que l’on avait conclu avec lui », se justifie le DG.
Adidas vient en aide à des jeunes de moins en
moins sportifs
Pour nourrir son image de marque, Adidas n’hésite
pas non plus à s’engager. À cet effet, la marque aux trois bandes a lancé
divers programmes de soutien, à l'instar du projet Adidas Football Collective,
une initiative de la marque visant à faciliter l'accès au sport pour tous.
Mathieu Sidokpohou souligne que « un tiers des jeunes de 12 à 16 ans ne
pratiquent le sport qu'à l'école, ce qui est certes positif, mais insuffisant. C’est
quelque chose qui nous préoccupe ».
En réponse à cette situation et pour permettre aux
jeunes de faire du sport en dehors des cours, Adidas s'engage activement en
France, collaborant étroitement avec les pouvoirs publics pour promouvoir le
progrès collectif : « Par exemple, on essaye de travailler avec la mairie de
Saint-Ouen. On aimerait dédier le mercredi après-midi à la pratique du sport en
amenant des enfants en bus sur un terrain de five, on encadre les devoirs et on
les ramène. Si on arrive à faire ça, je pense que l’on aura fait beaucoup ».
Côté jeunesse également, Adidas a par ailleurs
récemment lancé un programme spécifiquement conçu pour soutenir les jeunes
filles qui entrent dans la puberté et qui, progressivement, se détournent du
sport en raison des changements physiques et hormonaux associés à leurs
premières menstruations.
Mathieu Sidokpohou explique : « Au moment de la
puberté, c’est là qu’il y a plein de filles qui décrochent, beaucoup des
coachs/entraîneurs sportifs sont des mecs, incapable de comprendre l’impact du
cycle de la fille des bouleversements que ça a dans sa pratique sportive et donc
incapable d’apporter une réponse à ces gamines qui commencent leur vie de
femme. Sauf que l’on ne sait pas les réfléchir dans le cadre d’une pratique
sportive, un entraîneur doit prendre ça en compte ».
Pour faire face à ce défi, Adidas a pris plusieurs
initiatives, telles que « la collaboration avec des chercheurs et la
sensibilisation des éducateurs ». De façon plus large, pour promouvoir le
sport féminin, l'entreprise s'engage aussi dans la « promotion du sport
féminin dans de nombreux pays » et établit des partenariats avec des
équipes et athlètes féminines pour les transformer en « icônes ». Le
Managing Director de l'équipementier précise également que, sans un engagement
profond d'Adidas sur cette question, la pratique du sport chez les femmes
resterait restreinte.
Maximiser sa présence et booster son imageHaut du formulaire
Maximiser sa
présence
L’éventail des engagements de l'entreprise
allemande s’étend également au domaine de l’handisport, souligne Mathieu
Sidokpohou : « C’est un investissement très conscient que l’on augmente tout
le temps. D’ailleurs, il y a aussi beaucoup de recherche, car l’handisport
challenge une grosse partie de ce que l’on sait faire. Le besoin d’un athlète
est foncièrement différent, et ça nous pousse à réfléchir à la question
suivante : comment conçoit-on des vêtements différents ? » Une question à laquelle la firme est en train
de répondre, puisqu’elle développe actuellement des textiles spécifiquement
conçus pour répondre aux besoins particuliers des athlètes des jeux
paralympiques.
Parmi les domaines dans lesquels l’entreprise
aspire à s’affirmer, il y a l’écologie : « On travaille
avec le législateur français pour progresser dans le domaine du recyclage.
Notre objectif est de marquer une différence en produisant des vêtements
respectueux de l'environnement au maximum ».Haut du
formulaire, mais aussi la diversité. « À la suite du décès de George
Floyd, des collaborateurs nous ont interpellés sur notre manque d'engagement en
termes de diversité et d'inclusion. Je me rappelle les mots d'un jeune employé
qui observait que bien nos athlètes soient tous des représentants de la
diversité, nos bureaux, eux, lui donnaient l'impression d'être au Polo Club de
Stockholm. Je pense donc que notre job est de promouvoir les bonnes valeurs
», se souvient l’ancien Managing Director de Sephora.
Finalement, au cœur des initiatives d'Adidas se trouve
une ambition claire : maximiser sa présence globale tout en projetant la
meilleure image possible, tant sur le plan éthique qu’en matière d’'innovation
sportive. Bien que la firme allemande s'efforce d'améliorer son image en
matière d’ouverture des mentalités, elle affiche une ambition dévorante dans le
domaine sportif. À l'approche des Jeux Olympiques, Mathieu Sidokpohou le
revendique : « J’aimerais que l’on soit dans tous les sports – ce qui veut
notamment dire tous les sports olympiques. Parce que je sais que cela va
nourrir plein de choses ».
Aujourd’hui, la compagnie allemande cherche déjà à
marquer sa présence dans un maximum de disciplines sportives, comme l'illustre
l'exemple du marathon : « On veut que dans les grands marathons du monde, un
certain pourcentage des podiums soient en Adidas ».
Pour l’heure, si selon une étude du
site spécialisé Runpack de 2022, 11,21 % des athlètes auraient une préférence
pour Adidas, contre 65,42 % pour Nike, notons que dans le top 10 des
marathoniens hommes, trois athlètes sont toutefois chaussés par la marque
originaire de la petite ville d’Herzogenaurach.
Romain Tardino