Le dernier ouvrage d’Alain Quinet est « particulièrement
utile pour comprendre les discours et les comportements des gouvernants et des
chefs militaires dans le contexte actuel d’affrontement entre blocs
autoritaires et démocratiques », estime le club de lecture du Prix
Turgot* dans une chronique que nous reproduisons ici avec son autorisation.
Le lecteur de l’ouvrage d’Alain Quinet (économiste et
professeur associé aux Écoles de Saint-Cyr Coëtquidan), préfacé par le général
Burkhard, est littéralement transformé en élève-officier. Afin de répondre aux
questions posées par la guerre et par la paix, l’auteur croise plusieurs
disciplines : économie politique, psychologie, sociologie, géopolitique,
stratégie militaire… Il conjugue les principaux concepts et modèles relevant de
ces différents domaines pour expliquer les stratégies et les tactiques de
conquête et de défense des Etats-nations.
Ses réflexions sont particulièrement utiles pour
comprendre les discours et les comportements des gouvernants et des chefs
militaires dans le contexte actuel d’affrontement entre blocs autoritaires et
démocratiques. Elles constituent une leçon à la fois fondamentale, actuelle et
originale d’économie politique. Adam Smith n’écrivait- il pas : « la défense est plus importante que
l’opulence » ?
L’auteur montre notamment que la mondialisation des
échanges commerciaux a accru le bien-être des populations, mais a également
créé de nouvelles dépendances et vulnérabilités. La puissance publique est
désormais un bien commun fondé sur trois piliers : l’économie, la capacité
militaire (hard power) et l’influence
(soft power).
La « projection » de la puissance d’un Etat repose sur une
large palette de leviers modulables en fonction de stratégies « hybrides ». Sa
souveraineté repose sur une certaine autonomie en ressources essentielles qui
ne peut plus désormais s’acquérir que dans le cadre d’alliances économiques
et/ou politiques, plus ou moins stables, qui permettent d’alléger les
contraintes pesant sur chaque Etat.
Ce dernier assume notamment des rôles de producteur, de
client et de financeur des armements. Il est ainsi soumis à un « dilemme de
sécurité », transposé du fameux « dilemme du prisonnier ». Il est souvent
conduit à opter pour une solution de marchandage plutôt que de s’engager dans
un conflit armé, parfois inévitable. L’histoire montre que les guerres peuvent
être engagées pour des raisons rationnelles ou irrationnelles, et parfois
tomber dans la « trappe de Thucydide ».
L’auteur observe que l’art de la guerre repose de plus en
plus sur l’innovation technologique, dont l’objectif de la programmation des
dépenses militaires est de trouver le « juste niveau » permettant de renforcer
la sécurité du pays tout en optimisant à long terme les retombées civiles de la
recherche et de la production militaires. L’auteur montre enfin l’intérêt de
fonder les décisions des stratèges sur des analyses coûts-avantages et
coûts-efficacité des activités de défense orientées vers la réduction du niveau
de menace de conflit.
Économie
de la Guerre, Alain Quinet, Economica, 266 pages.
*Depuis sa création en 1986, ses 15 membres (anciens élèves de
l’IHFI) lisent de 150 à 200 livres par an et publient entre 70 et 100
chroniques bibliographiques dans une douzaine de revues. Le club a pour
missions de pré-sélectionner les ouvrages d’économie et de finance éligibles
aux prix Turgot, et de chroniquer les livres « les plus remarquables ».
Les ouvrages ciblés doivent répondre à cinq critères : être une livre
d’économie ou de finance ; être un livre écrit ou traduit en français ; être
une première édition publiée dans
l’année ; être un livre original, rigoureux, documenté et bien écrit, soulevant une problématique actuelle
; être écrit par un auteur reconnu et/ou légitime dans son domaine.