Lors de la présentation de
ces deux textes à la presse dans le courant du mois de février, les dirigeants
du Conseil supérieur du notariat ont longuement loué leurs bienfaits. Meilleure
lisibilité et appui des grands principes de la profession font partie de leurs
avantages. Mais plus qu’une simple reprise d’anciens textes qui régissaient le
notariat, le code et le règlement ont instauré quelques éléments nouveaux, à
l’instar de la notion de discrétion professionnelle et du calcul de
l’ancienneté.
« Deux textes
essentiels et fondamentaux pour la profession. » C’est par ces mots
que Sophie Sabot-Barcet, la présidente du Conseil supérieur du notariat (CSN), a
décrit le Code de déontologie des notaires et le règlement professionnel du
notariat (RPN), à l’occasion d’une conférence de présentation de ces deux
textes le 6 février dernier. Deux textes qui sont l’aboutissement d’un
processus qui a débuté avec la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance
dans l’institution judiciaire. Cette loi prévoyait que chaque profession réglementée du
droit ait son propre Code de déontologie. « L’objectif était que ces
règles soient connues des professionnels, mais aussi de nos clients, pour
rétablir cette confiance », explique Sophie Sabot-Barcet.
Autre objectif, celui de « réaffirmer
une déontologie essentielle pour notre profession, et rénover ces principes
déontologiques », assure Bertrand Savouré, vice-président du Conseil
supérieur du notariat.
Le décret relatif au
Code de déontologie des notaires a été publié au Journal
officiel le 29 décembre 2023, et l’arrêté relatif au règlement
professionnel du notariat est paru le 31 janvier 2024.
Si ces deux textes entrés en vigueur le 1er février apportent
quelques notions nouvelles, ils permettent surtout « d’avoir des règles
claires », souligne Sophie Sabot-Barcet.
Les notaires du CSN ayant
travaillé à leur écriture ont été accompagnés par des personnes extérieures
dont notamment un conseiller d’État. Des discussions ont également eu lieu lors
des assemblées générales des délégués du Conseil, qui ont lieu quatre fois par
an. « Nous avons porté à la discussion, au débat et à l’approbation
tous les grands principes qui ont été édictés dans le code et le RPN »,
précise Bertrand Savouré. La présidente du CSN insiste sur le fait que « ce
code et ce RPN ont été à la main de la profession, de la conception à la
rédaction ».
« La sortie de ces
deux textes me tenait particulièrement à cœur », soutient la
présidente Sophie Sabot-Barcet. Pourtant, si la profession avait été à l’origine
du RPN, le Code de déontologie avait, quant à lui, été initié par Éric
Dupond-Moretti.
Deux textes complémentaires
pour sacraliser les principes de la profession
Concrètement, le RPN est
divisé en trois parties : la première est directement liée au Code de
déontologie dont elle précise les règles, la deuxième fixe les règles relatives
à l’attribution à la minute des actes (plume), ainsi que le partage des
émoluments entre notaires, et, enfin, la troisième énonce les règles de
fonctionnement des instances notariales.
En ce qui concerne le Code de
déontologie des notaires il énonce « les principes et devoirs généraux
permettant le bon exercice des fonctions » du notaire, indique
l’article 2 de l’ordonnance du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la
discipline des officiers ministériels. « Ces règles s’appliquent tant
pour le fonctionnement entre notaires que dans l’attitude et le comportement du
notaire vis-à-vis de l’État et de ses clients », précise Bertrand
Savouré.
Code de déontologie et
première partie du RPN fonctionnent de manière parallèle, chaque article du
Code étant décliné plus précisément dans le RPN.
Les différents principes de
la profession ont été recentrés dans deux articles : l’article 3 et
l’article 6. « Loyauté, neutralité, impartialité, probité, délicatesse,
dignité », rappelle le vice-président du CSN. L’indépendance du notaire
et l’absence de conflit d’intérêt est consacrée (article 7). Il en est de même
de l’obligation au secret professionnel (article 8), mais des précisions ont
été apportées sur ce point, issues de la jurisprudence, explique Bertrand
Savouré. Un guide du secret professionnel est en cours d’édition en
collaboration avec la Caisse centrale de garantie des notaires.
L’article 13 oblige le
notaire à posséder une étude dans laquelle il accueille ses clients, ce qui
empêche par exemple la création de notaires « virtuels ».
Quelques dispositions inédites,
mais pas révolutionnaires
Parmi les quelques
dispositions nouvelles, qui ne sont « pas des principes forcément
nouveaux, mais n’étaient pas formellement écrits dans les textes antérieurs »,
Bertrand Savouré note le fait qu’un acte de notaire doit être reçu en personne
par le notaire : « Nous avons voulu réaffirmer tout le processus
qui concourt au fait que l’on ait un acte authentique. »
L’impossibilité de déléguer
certaines activités par sous-traitance est également inscrite dans le Code de
déontologie des notaires et le RPN. « On n’imagine pas un notaire
sous-traiter, par exemple, le recueil des consentements. Il y a des choses qui
vont de soi », assure le vice-président du CSN. En revanche, tout ce
qui ne constitue pas « le cœur de métier » peut faire l’objet
d’une sous-traitance.
L’article 6 du Code de
déontologie oblige le notaire à faire preuve d’un comportement exemplaire dans
la vie professionnelle, mais aussi dans la vie privée.
La notion de discrétion professionnelle,
existant dans les autres professions règlementées mais qui n’était pas présente
dans les précédents textes régissant la profession de notaire, a aussi été
ajoutée. « À une époque de très large communication, celle-ci nous est
apparue importante », justifie Bertrand Savouré. « C’est un
comportement qui doit être adapté sur les réseaux sociaux, comportement qui est
attaché au statut de l’officier public », explique-t-il, tout en
nuançant : « Discrétion ne veut pas dire silence. »
Les notaires ont également
intégré le dispositif mis en place en 2019 et règlementant la possibilité de
pratiquer la sollicitation personnalisée. Celle-ci « doit être conforme
à la réglementation applicable au respect de la vie privée » et ne
peut être pratiquée que par écrit, informe le RPN.
L’obligation d’exercice par
le notaire de son office jusqu’à ce terme usuel, c’est-à-dire, jusqu’à ce qu’un
dossier soit définitivement terminé, est elle aussi ancrée dans les textes.
« Nous avons tout de même précisé qu’il était possible d’interrompre
une relation notaire-client pour des motifs justes et raisonnables », relativise
Bertrand Savouré. C’est le cas lorsqu’il y a une perte de confiance de la part
de l’une des parties, de même lorsque le client manque de respect à des
employés de l’office ou viole des lois et règlements.
Un volet dédié à la médiation
a aussi été incorporé dans les textes, obligeant le notaire à faire connaître
« par tous les moyens lisibles et appropriés » la possibilité
pour le client d’avoir recours au médiateur de la consommation du notariat en
cas de différend entre eux. Dans un litige entre notaires d’un même office, le
RPN impose de passer en premier lieu par une conciliation, une médiation ou un
arbitrage. Dans un litige au sein d’un dossier, le notaire doit favoriser et
encourager le recours à un mode de règlement alternatif des différends.
Les principes de
confraternité ont également été revus et corrigés dans le Code de déontologie
et le règlement professionnel du notariat. Pour des absences de plus de 15
jours, il est en effet prévu qu’une convention de remplacement puisse être
signée entre notaires pour assurer la continuité du service public, pouvant
comprendre des modalités financières. « Il nous est apparu évident de
prévoir dans ces textes cette possibilité de remplacement, notamment en cas de
congé maternité ou de longue maladie », clarifie le vice-président du
CSN.
Le RPN précise les règles
d’installation des notaires
Autre nouveauté présente
uniquement dans le RPN cette fois, le mode de calcul de l’ancienneté qui a été
revu. Il est indiqué que « le rang d'ancienneté entre notaires est fixé
par l'antériorité de la [première] prestation de serment devant la juridiction
compétente de chaque notaire concerné ». En cas de prestation le même
jour, il faudra regarder la date du décret ou de l’arrêté de nomination des
notaires. Si nouvelle égalité il y a, le notaire le plus âgé est considéré
comme étant le plus ancien. « Pour les besoins de l'application des
règles d'attribution de la minute, l'administrateur d'un office dont le
titulaire est décédé ou destitué garde l'ancienneté du titulaire de l'office
administré », précise également l’article 4 du règlement.
Pour l’installation des
notaires, le RPN avise qu’aucun d’entre eux ne peut établir son étude dans
l'immeuble où étaient installés l'office, les bureaux annexes ou les locaux
accessoires de l'un de ses confrères autre que son prédécesseur avant un délai
de quatre ans à compter du jour de la fin de l'exercice de ce confrère, sauf en
cas de consentement écrit de celui-ci ou de son successeur. Auparavant, ce
délai était de cinq ans.
Disposition inédite : le
RPN impose au notaire d’ « assurer la sécurité de son installation
et de son environnement informatiques ». Une règle inscrite « par
respect pour le public », explique Bertrand Savouré. « Cela
pouvait aller de soi, mais nous avons préféré l’insérer dans notre règlement
pour pouvoir insister auprès de nos confrères et, le cas échéant, agir ».
Une obligation qui doit permettre de moderniser la profession de notaire, au
même titre que la disposition imposant une qualité minimale pour les
rendez-vous en visioconférence, précisant notamment que « tous les
intervenants doivent être visibles et audibles de tous afin de permettre à
chacun de comprendre et participer utilement ».
Le notaire du vendeur tient
la plume par défaut
Dans la 2e partie
figurent des règles d’ajustement concernant l’attribution à la minute d’un
acte. Jusqu’à présent, c’était le notaire de l’acheteur qui tenait la plume.
Désormais, par défaut, c’est le notaire du vendeur. « Les choses vont
de plus en plus vite, et le notaire du vendeur, qui a les pièces du dossier par
son client, est plus en capacité d’intervenir rapidement pour établir l’acte »,
justifie le vice-président du CSN, qui précise que la règle peut être modifiée
localement par les instances territoriales.
Pour permettre la bonne mise
en œuvre de ces règles, un collège de déontologie du notariat a été constitué
en juillet 2022. Il est constitué de deux notaires en exercice, l’ancien
président de la section de l’intérieur du Conseil d’État Christian Vigouroux,
et l’ancien avocat général à la Cour de cassation Yves Charpenel. Ce collège a
donné plusieurs avis concernant des règles inscrites dans le règlement et
pourra, s’il est saisi par des présidents d’instance, donner des avis sur
certaines situations.
Alexis
Duvauchelle