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Code de déontologie et règlement professionnel, deux textes pour « réaffirmer une déontologie essentielle » pour les notaires

Code de déontologie et règlement professionnel, deux textes pour « réaffirmer une déontologie essentielle » pour les notaires
Publié le 15/03/2024 à 08:45

Lors de la présentation de ces deux textes à la presse dans le courant du mois de février, les dirigeants du Conseil supérieur du notariat ont longuement loué leurs bienfaits. Meilleure lisibilité et appui des grands principes de la profession font partie de leurs avantages. Mais plus qu’une simple reprise d’anciens textes qui régissaient le notariat, le code et le règlement ont instauré quelques éléments nouveaux, à l’instar de la notion de discrétion professionnelle et du calcul de l’ancienneté.

« Deux textes essentiels et fondamentaux pour la profession. » C’est par ces mots que Sophie Sabot-Barcet, la présidente du Conseil supérieur du notariat (CSN), a décrit le Code de déontologie des notaires et le règlement professionnel du notariat (RPN), à l’occasion d’une conférence de présentation de ces deux textes le 6 février dernier. Deux textes qui sont l’aboutissement d’un processus qui a débuté avec la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire. Cette loi prévoyait que chaque profession réglementée du droit ait son propre Code de déontologie. « L’objectif était que ces règles soient connues des professionnels, mais aussi de nos clients, pour rétablir cette confiance », explique Sophie Sabot-Barcet.

Autre objectif, celui de « réaffirmer une déontologie essentielle pour notre profession, et rénover ces principes déontologiques », assure Bertrand Savouré, vice-président du Conseil supérieur du notariat.

Le décret relatif au Code de déontologie des notaires a été publié au Journal officiel le 29 décembre 2023, et l’arrêté relatif au règlement professionnel du notariat est paru le 31 janvier 2024. Si ces deux textes entrés en vigueur le 1er février apportent quelques notions nouvelles, ils permettent surtout « d’avoir des règles claires », souligne Sophie Sabot-Barcet.

Les notaires du CSN ayant travaillé à leur écriture ont été accompagnés par des personnes extérieures dont notamment un conseiller d’État. Des discussions ont également eu lieu lors des assemblées générales des délégués du Conseil, qui ont lieu quatre fois par an. « Nous avons porté à la discussion, au débat et à l’approbation tous les grands principes qui ont été édictés dans le code et le RPN », précise Bertrand Savouré. La présidente du CSN insiste sur le fait que « ce code et ce RPN ont été à la main de la profession, de la conception à la rédaction ».

« La sortie de ces deux textes me tenait particulièrement à cœur », soutient la présidente Sophie Sabot-Barcet. Pourtant, si la profession avait été à l’origine du RPN, le Code de déontologie avait, quant à lui, été initié par Éric Dupond-Moretti.

Deux textes complémentaires pour sacraliser les principes de la profession

Concrètement, le RPN est divisé en trois parties : la première est directement liée au Code de déontologie dont elle précise les règles, la deuxième fixe les règles relatives à l’attribution à la minute des actes (plume), ainsi que le partage des émoluments entre notaires, et, enfin, la troisième énonce les règles de fonctionnement des instances notariales.

En ce qui concerne le Code de déontologie des notaires il énonce « les principes et devoirs généraux permettant le bon exercice des fonctions » du notaire, indique l’article 2 de l’ordonnance du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels. « Ces règles s’appliquent tant pour le fonctionnement entre notaires que dans l’attitude et le comportement du notaire vis-à-vis de l’État et de ses clients », précise Bertrand Savouré.

Code de déontologie et première partie du RPN fonctionnent de manière parallèle, chaque article du Code étant décliné plus précisément dans le RPN.

Les différents principes de la profession ont été recentrés dans deux articles : l’article 3 et l’article 6. « Loyauté, neutralité, impartialité, probité, délicatesse, dignité », rappelle le vice-président du CSN. L’indépendance du notaire et l’absence de conflit d’intérêt est consacrée (article 7). Il en est de même de l’obligation au secret professionnel (article 8), mais des précisions ont été apportées sur ce point, issues de la jurisprudence, explique Bertrand Savouré. Un guide du secret professionnel est en cours d’édition en collaboration avec la Caisse centrale de garantie des notaires.

L’article 13 oblige le notaire à posséder une étude dans laquelle il accueille ses clients, ce qui empêche par exemple la création de notaires « virtuels ».

Quelques dispositions inédites, mais pas révolutionnaires

Parmi les quelques dispositions nouvelles, qui ne sont « pas des principes forcément nouveaux, mais n’étaient pas formellement écrits dans les textes antérieurs », Bertrand Savouré note le fait qu’un acte de notaire doit être reçu en personne par le notaire : « Nous avons voulu réaffirmer tout le processus qui concourt au fait que l’on ait un acte authentique. »

L’impossibilité de déléguer certaines activités par sous-traitance est également inscrite dans le Code de déontologie des notaires et le RPN. « On n’imagine pas un notaire sous-traiter, par exemple, le recueil des consentements. Il y a des choses qui vont de soi », assure le vice-président du CSN. En revanche, tout ce qui ne constitue pas « le cœur de métier » peut faire l’objet d’une sous-traitance.

L’article 6 du Code de déontologie oblige le notaire à faire preuve d’un comportement exemplaire dans la vie professionnelle, mais aussi dans la vie privée.

La notion de discrétion professionnelle, existant dans les autres professions règlementées mais qui n’était pas présente dans les précédents textes régissant la profession de notaire, a aussi été ajoutée. « À une époque de très large communication, celle-ci nous est apparue importante », justifie Bertrand Savouré. « C’est un comportement qui doit être adapté sur les réseaux sociaux, comportement qui est attaché au statut de l’officier public », explique-t-il, tout en nuançant : « Discrétion ne veut pas dire silence. »

Les notaires ont également intégré le dispositif mis en place en 2019 et règlementant la possibilité de pratiquer la sollicitation personnalisée. Celle-ci « doit être conforme à la réglementation applicable au respect de la vie privée » et ne peut être pratiquée que par écrit, informe le RPN.

L’obligation d’exercice par le notaire de son office jusqu’à ce terme usuel, c’est-à-dire, jusqu’à ce qu’un dossier soit définitivement terminé, est elle aussi ancrée dans les textes. « Nous avons tout de même précisé qu’il était possible d’interrompre une relation notaire-client pour des motifs justes et raisonnables », relativise Bertrand Savouré. C’est le cas lorsqu’il y a une perte de confiance de la part de l’une des parties, de même lorsque le client manque de respect à des employés de l’office ou viole des lois et règlements.

Un volet dédié à la médiation a aussi été incorporé dans les textes, obligeant le notaire à faire connaître « par tous les moyens lisibles et appropriés » la possibilité pour le client d’avoir recours au médiateur de la consommation du notariat en cas de différend entre eux. Dans un litige entre notaires d’un même office, le RPN impose de passer en premier lieu par une conciliation, une médiation ou un arbitrage. Dans un litige au sein d’un dossier, le notaire doit favoriser et encourager le recours à un mode de règlement alternatif des différends.

Les principes de confraternité ont également été revus et corrigés dans le Code de déontologie et le règlement professionnel du notariat. Pour des absences de plus de 15 jours, il est en effet prévu qu’une convention de remplacement puisse être signée entre notaires pour assurer la continuité du service public, pouvant comprendre des modalités financières. « Il nous est apparu évident de prévoir dans ces textes cette possibilité de remplacement, notamment en cas de congé maternité ou de longue maladie », clarifie le vice-président du CSN.

Le RPN précise les règles d’installation des notaires

Autre nouveauté présente uniquement dans le RPN cette fois, le mode de calcul de l’ancienneté qui a été revu. Il est indiqué que « le rang d'ancienneté entre notaires est fixé par l'antériorité de la [première] prestation de serment devant la juridiction compétente de chaque notaire concerné ». En cas de prestation le même jour, il faudra regarder la date du décret ou de l’arrêté de nomination des notaires. Si nouvelle égalité il y a, le notaire le plus âgé est considéré comme étant le plus ancien. « Pour les besoins de l'application des règles d'attribution de la minute, l'administrateur d'un office dont le titulaire est décédé ou destitué garde l'ancienneté du titulaire de l'office administré », précise également l’article 4 du règlement.

Pour l’installation des notaires, le RPN avise qu’aucun d’entre eux ne peut établir son étude dans l'immeuble où étaient installés l'office, les bureaux annexes ou les locaux accessoires de l'un de ses confrères autre que son prédécesseur avant un délai de quatre ans à compter du jour de la fin de l'exercice de ce confrère, sauf en cas de consentement écrit de celui-ci ou de son successeur. Auparavant, ce délai était de cinq ans.

Disposition inédite : le RPN impose au notaire d’ « assurer la sécurité de son installation et de son environnement informatiques ». Une règle inscrite « par respect pour le public », explique Bertrand Savouré. « Cela pouvait aller de soi, mais nous avons préféré l’insérer dans notre règlement pour pouvoir insister auprès de nos confrères et, le cas échéant, agir ». Une obligation qui doit permettre de moderniser la profession de notaire, au même titre que la disposition imposant une qualité minimale pour les rendez-vous en visioconférence, précisant notamment que « tous les intervenants doivent être visibles et audibles de tous afin de permettre à chacun de comprendre et participer utilement ».

Le notaire du vendeur tient la plume par défaut

Dans la 2e partie figurent des règles d’ajustement concernant l’attribution à la minute d’un acte. Jusqu’à présent, c’était le notaire de l’acheteur qui tenait la plume. Désormais, par défaut, c’est le notaire du vendeur. « Les choses vont de plus en plus vite, et le notaire du vendeur, qui a les pièces du dossier par son client, est plus en capacité d’intervenir rapidement pour établir l’acte », justifie le vice-président du CSN, qui précise que la règle peut être modifiée localement par les instances territoriales.

Pour permettre la bonne mise en œuvre de ces règles, un collège de déontologie du notariat a été constitué en juillet 2022. Il est constitué de deux notaires en exercice, l’ancien président de la section de l’intérieur du Conseil d’État Christian Vigouroux, et l’ancien avocat général à la Cour de cassation Yves Charpenel. Ce collège a donné plusieurs avis concernant des règles inscrites dans le règlement et pourra, s’il est saisi par des présidents d’instance, donner des avis sur certaines situations.

Alexis Duvauchelle

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