Le texte, adopté le 30
janvier, vise entre autres à améliorer le suivi post-carcéral des individus
condamnés pour des faits de terrorisme, en instituant de nouvelles mesures de
sûreté pour prévenir la récidive. Il entend également améliorer la sécurité des
lieux publics en prévision des JO en créant notamment une mesure d’ « interdiction
de paraître pour les grands évènements ».
Le Sénat a adopté hier, en
première lecture, par 235 voix pour et 92 voix contre, une proposition de loi
« instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux
condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste » déposée en
décembre 2023 par François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et Hervé Marseille.
Ce, alors que « 70 détenus
incarcérés pour des faits de terrorisme et dont le profil est inquiétant pourraient
être libérés dans les deux ans à venir », comme l’avait énoncé le
rapporteur de la commission des lois, Marc Philippe-Daubresse, lors de la
présentation du texte en début de semaine dernière.
L’accent mis sur la prévention
de la récidive
Le texte propose d’abord de
remplacer l’actuelle mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste
et de réinsertion (prévue à l’article 706-25-16
du Code de procédure pénale) par une nouvelle mesure
judiciaire de sureté applicable aux auteurs d’infractions terroristes. Cette mesure
pourra être ordonnée avant la date de libération d’une personne condamnée pour
infraction terroriste lorsqu’elle « présente une particulière
dangerosité caractérisée par une probabilité élevée de récidive et par une
adhésion avérée à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission
d’actes de terrorisme » ou parce qu’elle souffre d’un « trouble
grave de la personnalité ». Cette mesure, qui imposera des obligations
(notamment une injonction de soins), sera d'une durée d’un an renouvelable et
pourra aller jusqu'à trois ou cinq ans.
Deux nouvelles mesures de
rétention de sûreté judiciaire sont également constituées, pour permettre le
placement d’une personne condamnée pour des crimes terroristes, à sa
libération, en centre socio-médico-judiciaire de sûreté ou en établissement
d’accueil adapté, là encore dans le cadre d’une probabilité très élevée de
récidive.
Par ailleurs, le texte permet
d’ordonner la prolongation d’un délai de probation mais aussi de révoquer un
sursis probatoire ou un suivi socio-judiciaire lorsque le comportement d’un
condamné manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République. Il prévoit
également que la commission d’une nouvelle infraction est un motif de
révocation d’une mesure de surveillance judiciaire ou d’un suivi
socio-judiciaire, et il introduit une obligation d’information du procureur en
cas de demande de changement de nom ou de prénom, quand ce changement est « susceptible
de constituer une menace pour l’ordre public en raison de la condamnation du
demandeur » pour des infractions bien précises.
Un nouveau critère de « provocation »
La proposition de loi consacre
d’autre part la définition de la « provocation » justifiant la dissolution
d’une association ou d’un groupement de fait, soit « l’incitation
explicite ou implicite, par propos ou par actes, à se livrer aux agissements
qu’ils mentionnent ou la légitimation publique de ces agissements ou
l’abstention à mettre en œuvre des moyens de modération à disposition pour
réagir à la diffusion d’incitations à commettre ces agissements »,
selon le futur alinéa qui sera inséré à l’article L.212-1 du Code de la
sécurité intérieure. Elle institue un régime de dévolution des biens des
associations ayant fait l’objet d’une dissolution.
Dans la même veine, le texte étend
le délit d’apologie du terrorisme à la diffusion de contenu apologétique sur
des espaces privés de communication électronique « lorsque ces espaces, à
raison de leur nature, de leurs conditions d’accès, du nombre de personnes y
accédant ou de leur appartenance ou non à une communauté d’intérêts, peuvent
être assimilés à des espaces de communication ouverts au public ».
Au-delà de l’apologie, la
simple détention est visée, car le texte prévoit que désormais, la détention ou
l’enregistrement, « sans motif légitime », des « images
ou représentations » de crimes terroristes peut être puni de deux
ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, lorsque l’adhésion aux crimes
terroristes exhibés est « manifeste ».
Les mineurs radicalisés dans
le viseur
Plusieurs mesures sont
également prévues pour renforcer le suivi des mineurs radicalisés. Ainsi la
proposition de loi votée par le Sénat modifie le régime du contrôle judiciaire,
de l’assignation à résidence avec surveillance électronique et de la détention
provisoire applicables aux mineurs de plus de 13 ans pour étendre la durée
maximale du placement en centre éducatif fermé ou en détention provisoire des
mineurs radicalisés et placés sous main de justice.
Par ailleurs, elle autorise
la prise en charge des mineurs sous main de justice par la protection
judiciaire de la jeunesse au-delà de leur majorité, sur décision spécialement
motivée du juge, pour éviter les ruptures de prise en charge.
Notons également que le texte
instaure une information obligatoire de l’autorité académique et du chef
d’établissement lorsqu’un jeune scolarisé ou ayant vocation à être scolarisé
dans un établissement scolaire a été mis en examen ou condamné pour une
infraction terroriste.
La sécurité des JO au cœur de
la proposition de loi
Enfin, à quelques mois des
Jeux olympiques de Paris, la sécurité des lieux publics est, sans surprise, elle
aussi au cœur de la proposition de loi. Celle-ci crée donc une mesure
d’interdiction de paraître pour les grands évènements. Objectif : permettre
au ministre de l’intérieur d’interdire à une personne « pour
laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement
constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre
publics », une interdiction de paraître dans un ou plusieurs
lieux déterminés dans lesquels « se tient un événement exposé, par son
ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace grave ou
terroriste ».
Le non-respect de cette
interdiction, qui peut être associée à une obligation de pointage, sera
sanctionné d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros
d’amende.
En outre, le texte introduit
la possibilité d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les
réseaux de transport public, en cas de crime ou d’actes de terrorisme commis
dans ce type de lieux, et autorise, pour la sécurisation des sites et enceintes
dans lesquels sont organisées des manifestations « sportives,
récréatives ou culturelles rassemblant plus de 300 spectateurs », le
recours aux dispositifs d’imagerie utilisant des ondes millimétriques, c’est-à-dire
des scanners corporels, comme ceux que l’on retrouve dans les aéroports, permettant
de visualiser des objets à travers différents types de matériaux ; le
tout, « sans caractère intrusif » souligne le Sénat dans un communiqué.
Le texte attend maintenant de
se retrouver devant l’Assemblée nationale.