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Condamnés terroristes : le Sénat adopte une proposition de loi

Condamnés terroristes : le Sénat adopte une proposition de loi
Publié le 31/01/2024 à 12:56

Le texte, adopté le 30 janvier, vise entre autres à améliorer le suivi post-carcéral des individus condamnés pour des faits de terrorisme, en instituant de nouvelles mesures de sûreté pour prévenir la récidive. Il entend également améliorer la sécurité des lieux publics en prévision des JO en créant notamment une mesure d’ « interdiction de paraître pour les grands évènements ».

Le Sénat a adopté hier, en première lecture, par 235 voix pour et 92 voix contre, une proposition de loi « instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes et renforçant la lutte antiterroriste » déposée en décembre 2023 par François-Noël Buffet, Bruno Retailleau et Hervé Marseille.

Ce, alors que « 70 détenus incarcérés pour des faits de terrorisme et dont le profil est inquiétant pourraient être libérés dans les deux ans à venir », comme l’avait énoncé le rapporteur de la commission des lois, Marc Philippe-Daubresse, lors de la présentation du texte en début de semaine dernière.

L’accent mis sur la prévention de la récidive

Le texte propose d’abord de remplacer l’actuelle mesure judiciaire de prévention de la récidive terroriste et de réinsertion (prévue à l’article 706-25-16 du Code de procédure pénale) par une nouvelle mesure judiciaire de sureté applicable aux auteurs d’infractions terroristes. Cette mesure pourra être ordonnée avant la date de libération d’une personne condamnée pour infraction terroriste lorsqu’elle « présente une particulière dangerosité caractérisée par une probabilité élevée de récidive et par une adhésion avérée à une idéologie ou à des thèses incitant à la commission d’actes de terrorisme » ou parce qu’elle souffre d’un « trouble grave de la personnalité ». Cette mesure, qui imposera des obligations (notamment une injonction de soins), sera d'une durée d’un an renouvelable et pourra aller jusqu'à trois ou cinq ans.

Deux nouvelles mesures de rétention de sûreté judiciaire sont également constituées, pour permettre le placement d’une personne condamnée pour des crimes terroristes, à sa libération, en centre socio-médico-judiciaire de sûreté ou en établissement d’accueil adapté, là encore dans le cadre d’une probabilité très élevée de récidive.

Par ailleurs, le texte permet d’ordonner la prolongation d’un délai de probation mais aussi de révoquer un sursis probatoire ou un suivi socio-judiciaire lorsque le comportement d’un condamné manifeste qu’il ne respecte pas les principes de la République. Il prévoit également que la commission d’une nouvelle infraction est un motif de révocation d’une mesure de surveillance judiciaire ou d’un suivi socio-judiciaire, et il introduit une obligation d’information du procureur en cas de demande de changement de nom ou de prénom, quand ce changement est « susceptible de constituer une menace pour l’ordre public en raison de la condamnation du demandeur » pour des infractions bien précises.

Un nouveau critère de « provocation »

La proposition de loi consacre d’autre part la définition de la « provocation » justifiant la dissolution d’une association ou d’un groupement de fait, soit « l’incitation explicite ou implicite, par propos ou par actes, à se livrer aux agissements qu’ils mentionnent ou la légitimation publique de ces agissements ou l’abstention à mettre en œuvre des moyens de modération à disposition pour réagir à la diffusion d’incitations à commettre ces agissements », selon le futur alinéa qui sera inséré à l’article L.212-1 du Code de la sécurité intérieure. Elle institue un régime de dévolution des biens des associations ayant fait l’objet d’une dissolution.

Dans la même veine, le texte étend le délit d’apologie du terrorisme à la diffusion de contenu apologétique sur des espaces privés de communication électronique « lorsque ces espaces, à raison de leur nature, de leurs conditions d’accès, du nombre de personnes y accédant ou de leur appartenance ou non à une communauté d’intérêts, peuvent être assimilés à des espaces de communication ouverts au public ».

Au-delà de l’apologie, la simple détention est visée, car le texte prévoit que désormais, la détention ou l’enregistrement, « sans motif légitime », des « images ou représentations » de crimes terroristes peut être puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 € d’amende, lorsque l’adhésion aux crimes terroristes exhibés est « manifeste ».

Les mineurs radicalisés dans le viseur

Plusieurs mesures sont également prévues pour renforcer le suivi des mineurs radicalisés. Ainsi la proposition de loi votée par le Sénat modifie le régime du contrôle judiciaire, de l’assignation à résidence avec surveillance électronique et de la détention provisoire applicables aux mineurs de plus de 13 ans pour étendre la durée maximale du placement en centre éducatif fermé ou en détention provisoire des mineurs radicalisés et placés sous main de justice.

Par ailleurs, elle autorise la prise en charge des mineurs sous main de justice par la protection judiciaire de la jeunesse au-delà de leur majorité, sur décision spécialement motivée du juge, pour éviter les ruptures de prise en charge.

Notons également que le texte instaure une information obligatoire de l’autorité académique et du chef d’établissement lorsqu’un jeune scolarisé ou ayant vocation à être scolarisé dans un établissement scolaire a été mis en examen ou condamné pour une infraction terroriste.

La sécurité des JO au cœur de la proposition de loi

Enfin, à quelques mois des Jeux olympiques de Paris, la sécurité des lieux publics est, sans surprise, elle aussi au cœur de la proposition de loi. Celle-ci crée donc une mesure d’interdiction de paraître pour les grands évènements. Objectif : permettre au ministre de l’intérieur d’interdire à une personne « pour laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour la sécurité et l’ordre publics », une interdiction de paraître dans un ou plusieurs lieux déterminés dans lesquels « se tient un événement exposé, par son ampleur ou ses circonstances particulières, à un risque de menace grave ou terroriste ».

Le non-respect de cette interdiction, qui peut être associée à une obligation de pointage, sera sanctionné d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.

En outre, le texte introduit la possibilité d’une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les réseaux de transport public, en cas de crime ou d’actes de terrorisme commis dans ce type de lieux, et autorise, pour la sécurisation des sites et enceintes dans lesquels sont organisées des manifestations « sportives, récréatives ou culturelles rassemblant plus de 300 spectateurs », le recours aux dispositifs d’imagerie utilisant des ondes millimétriques, c’est-à-dire des scanners corporels, comme ceux que l’on retrouve dans les aéroports, permettant de visualiser des objets à travers différents types de matériaux ; le tout, « sans caractère intrusif » souligne le Sénat dans un communiqué.

Le texte attend maintenant de se retrouver devant l’Assemblée nationale.

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