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Congrès national des tribunaux de commerce : quelles avancées pour les juges consulaires ?

Congrès national des tribunaux de commerce : quelles avancées pour les juges consulaires ?
Publié le 13/12/2022 à 17:39

Lors de ce meeting annuel fin novembre, Sonia Arrouas, alors présidente de la Conférence générale des juges consulaires de France, a évoqué les derniers progrès notables pour la profession, notamment en termes de formation et de numérique. Elle a également réaffirmé la position de la CGJCF sur les propositions émises par le groupe de travail dans le cadre des États généraux de la justice, en particulier à l’égard du tribunal des activités économiques (TAE) envisagé.

 

Lors du congrès national des tribunaux de commerce, le 25 novembre, à Paris, Sonia Arrouas, alors présidente de la Conférence générale des juges consulaires de France (avant de quitter ses fonctions le 8 décembre), a déploré, en ouverture de l’événement, l’absence du garde des Sceaux. « C’est bien peu de considération pour les 3 370 juges du commerce (…) qui effectuent un travail bénévole aux services des entreprises », a-t-elle pointé, alors que le ministre doit dévoiler d’ici peu son plan d’action issu des États généraux de la justice, très attendu par le monde judiciaire.

Sonia Arrouas en a profité pour rappeler que les juridictions consulaires sont « au carrefour d’enjeux essentiels » pour les justiciables. « Dans cette période perturbée, nous devons faire face. Le besoin de justice et d’apaisement de notre société est encore plus grand » a-t-elle considéré, assurant que les juges consulaires sauraient y répondre. La présidente a souligné que les tribunaux de commerce ont été « la seule juridiction capable de réagir en temps de crise avec une grande rapidité, restée ouverte à la période covid et n’ayant conservé aucun stock d’affaire en suspens ».

 

Vers une formation renforcée

 

L’ex présidente de la CNJCF est revenue sur les récentes avancées en matière de formation. La Conférence a ainsi créé avec l’École nationale de la magistrature (ENM) une formation « président de niveau 2 » pour répondre aux questions que les présidents peuvent se poser dans leur travail au quotidien.

Elle a par ailleurs financé de nouveau cette année, pour 40 juges, le Certificat Universitaire de Paris Sorbonne. « Il en sera de même pour les deux prochaines années », a promis Sonia Arrouas.

En outre, des partenariats ont été signés avec l’ordre national des experts-comptables pour élaborer des webinaires sur des sujets phares auxquels les juges sont confrontés, comme sur le thème « Pièges, manœuvres et points d’attention du bilan » en octobre dernier.

Enfin, l’ex présidente de la Conférence est revenue sur l’élaboration d’une convention avec les commissaires de justice. « Nous avons voulu créer des formations sur le rôle et fonctionnement des anciens huissiers et commissaires-priseurs, devenus commissaires de justice depuis le 1er juillet 2022. Il est essentiel d’apprendre à connaître le travail de chacun pour être plus forts ensemble », a-t-elle argué.

 

Accès gratuit à Infogreffe, open data… le point sur les derniers chantiers

 

Sur les derniers chantiers menés au profit des juges consulaires, Sonia Arrouas a évoqué l’obtention d’un accès gratuit à Infogreffe pour les présidents et vice-présidents des tribunaux de commerce, en vertu d’un partenariat conclu avec la plateforme qui centralise les informations du Registre du commerce et des sociétés.

L’ancienne présidente de la Conférence s’est également réjouie du « travail efficace », en collaboration avec le Conseil national des greffiers, en matière de signature électronique. Aujourd’hui, 80 tribunaux l’utilisent et 100 000 décisions ont eu recours à cet outil. « Nous souhaitons accélérer le processus. La totalité des tribunaux doivent en bénéficier pour la fin 2023 », a-t-elle fait valoir.

Concernant l’open data des décisions, plusieurs réunions ont eu lieu avec la Cour de cassation, la Chancellerie, le Conseil national des greffiers et la Conférence générale des juges consulaires de France, pour avancer sur son déploiement. « Tout doit être en place pour le 1er janvier 2025 », a rappelé Sonia Arrouas, en écho à l'arrêté du 28 avril 2021, selon lequel la mise à disposition au plus tard des décisions de justice est fixée au 31 décembre 2024 pour les tribunaux de commerce. « L’implication des juges est importante, ils devront participer à l’anonymisation des décisions », a souligné la présidente de la CNJCF. « Nous veillerons aussi au fait que les legaltech ne s’emparent pas de nos décisions de façon anarchique », a-t-elle ajouté.

Par ailleurs, un nouveau portail des juges « plus simple et plus lisible », est en phase de test au sein de plusieurs tribunaux, et le site de la Conférence Générale s’est quant à lui « enrichi de plusieurs nouveautés » : un annuaire de l’ensemble des juges, une messagerie privée, un forum de discussion ainsi que de nouveaux outils numériques dont un accès à la base de données juridiques Lextenso.

 

Les juges consulaires de plus en plus représentés

 

Sonia Arrouas a également observé que les représentants des juges consulaires étaient présents de façon croissante au sein des instances et des groupes de réflexion. Fin 2021, un président français de tribunal de commerce, Claude Gasser, a ainsi été élu à la tête de l’Union européenne des magistrats statuant en matière commerciale (UEMC). « Nous attendions cela depuis 16 ans », s’est félicitée l’ex présidente de la Conférence générale des juges consulaires de France.

Plus récemment, la Conférence est devenue membre, le 27 septembre, de la Commission d’examen des pratiques commerciales placée auprès du ministre chargé de l’économie, instance consultative qui veille à l’équilibre des relations entre producteurs/fournisseurs/revendeurs, et travaille autour des pratiques anti-concurrentielles. La CNJCF fait également partie depuis peu de l'Institut des études et de la recherche sur le droit et la justice (IERDJ), lequel succède à l’Institut des hautes études sur la justice, et dont l’objectif est « de créer des ponts entre le monde du droit, de la recherche et de l’économie ». Elle est également présente à la Commission nationale d’inscription et de discipline des administrateur set mandataires judiciaires (CNID), à la suite du décret du 27 septembre 2022, et a en outre intégré en tant que membre d’honneur la gouvernance de Place Escange, un think tank autour du risque immatériel en entreprise, aux côtés notamment des anciens ministres Michel Sapin et Corinne Lepage.

Enfin, la Conférence a été représentée aux différents comités de sortie de crise par deux administrateurs, Brigitte Bisson, présidente du tribunal de commerce de La Rochelle, et Thierry Gardon, président du tribunal de commerce de Lyon, qui ont émis le souhait d’associer les tribunaux de commerce aux dispositifs de détection des services de l’État (dont « Signaux Faibles », outil de détection des entreprises en risque de défaillance déployé par la Banque de France).

 

États généraux de la justice : un TAE, oui, mais pour les 134 tribunaux de commerce

 

Toujours en préambule du congrès, Sonia Arrouas a rappelé que la Conférence générale des juges consulaires de France avait participé aux travaux menés dans le cadre des États généraux de la justice, « soucieuse de contribuer à l’amélioration de la justice économique », et a réaffirmé la position de la Conférence sur les propositions émanant du groupe du travail.

Alors qu’est notamment envisagée à titre expérimental la création d’un tribunal des affaires économiques (TAE) qui serait compétent pour toutes les procédures amiables et collectives, quel que soit l’opérateur économique, la Conférence a indiqué être favorable à cette instauration, mais appliquée aux 134 tribunaux de commerce, étant hostile à une expérimentation au sein de six tribunaux. Cependant, elle approuve une extension des compétences, et estime que devraient relever des TAE les associations, les sociétés civiles, les agriculteurs, les professions libérales, les sociétés ou groupements, les baux commerciaux, les mutuelles et le contentieux de la propriété intellectuelle.

S’agissant du contentieux de la construction, qui pourrait être transféré au profit des tribunaux judiciaires, comme l’envisage le rapport, « la Conférence a précisé qu’elle était opposée au principe d’un transfert de cette compétence spécifique. Les juges consulaires disposent d’expertise et de professionnalisme en la matière » a fait valoir Sonia Arrouas. D’autre part, si le rapport recommande la création d’une filière de certification de connaissances économiques des magistrats ainsi que l’affectation d’assistants juridictionnels au sein des TAE, Sonia Arrouas a indiqué que des alternatives étaient possibles. Selon la Conférence, des « formations spécifiques en matière économique » pourraient être dispensées par l’ENM, et les détachements pourraient « être envisagés dans le cadre d’un contrat de mission, sur demande d’un président de tribunal ».

Par ailleurs, l’ex présidente de la CNJCF a bien souligné que les représentants des juges consulaires étaient « totalement opposés » à une chambre des sanctions présidée par un magistrat de carrière. « Nous avons précisé que nous demeurions plus largement opposés à tout principe d’échevinage ou de mixité », a-t-elle martelé. Elle recommande en revanche une modification des règles de procédure au travers de la présence systématique d’un représentant du ministère public aux audiences de sanctions.

Enfin, « dans le prolongement du rapport sur les États généraux de la justice », plusieurs pistes d’amélioration sont envisagées par les représentants des juges consulaires : instaurer des réunions une à deux fois par an entre les présidents de tribunaux de commerce et de cours d’appel, établir un dialogue annuel sur les performances pour renforcer la relation avec la hiérarchie judiciaire, généraliser l’assistance de juges consulaires aux délibérés des cours d’appel, mettre à disposition des juges consulaires auprès des chambres commerciales des cours d’appel, bénéficier de l’expertise des juges honoraires pour former les juges en fonction et recevoir des dirigeants lors d’entretiens de prévention, ou encore instaurer une sensibilisation obligatoire à la gestion d’entreprise à la création d’une entreprise.

 

Les juges consulaires réclament une ligne budgétaire dédiée à la justice économique

 

Le congrès était également l’occasion de revenir sur « un problème fondamental pour les tribunaux de commerce » : le financement de la justice économique.

À ce sujet, le rapport évoque la création d’un droit de timbre. La Conférence estime que cela permettrait de faciliter l’accès à la justice économique au profit des entrepreneurs aux moyens financiers modestes, et qu’une grande partie de ce droit au timbre financerait l’aide juridictionnelle.

Sonia Arrouas a cela dit mis l’accent sur les moyens financiers « très limités » dont les juges consulaires disposent dans le cadre du fonctionnement des juridictions. « Les juges des tribunaux de commerce sont des bénévoles mais n’ont pas vocation à être des mécènes », a-t-elle insisté. Selon les représentants des juges consulaires, le projet de loi de programmation de la justice devrait prévoir un volet « financement » intégrant une ligne budgétaire dédiée à la justice économique. « Chaque juridiction consulaire devrait bénéficier d’un budget, géré sous la seule autorité du président du tribunal de commerce. Plus largement, chacun de nos tribunaux devrait disposer d’une autonomie de décision pour le fonctionnement et la gestion de son allocation. Le montant forfaitaire indexé demandé par juge pourrait s’élever à 1 300 € par an. »

Les juges consulaires seront-ils entendus ? Réponse dans les prochains jours.

 

Bérengère Margaritelli

 

 

1 commentaire
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Marcolapage
- il y a 2 ans
On comprend que madame arrouas a démissionné suite a ces revelations. Bizarre que la conference des juges ait maintenu cette derniere alors qu elle etait au courant avant son congres. Quelle pietre image. www.alerte91.com

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