ACTUALITÉ

Contestations récentes en Chine : pour Pierre-Antoine Donnet, Xi Jinping est en difficulté

Contestations récentes en Chine : pour Pierre-Antoine Donnet, Xi Jinping est en difficulté
Publié le 23/12/2022 à 16:13

Le 29 novembre dernier, le Cercle Turgot a reçu Pierre-Antoine Donnet, spécialiste de la Chine et ancien rédacteur en chef central de l'AFP, à l’occasion de la sortie de son dernier livre sur l’empire du milieu intitulé Le dossier chinois : Portrait d’un pays au bord de l’abîme.


Les autorités chinoises ont mis fin au début du mois de décembre à la politique zéro covid après des contestations historiques. Pierre-Antoine Donnet, journaliste diplômé en science politique et en chinois, et ayant notamment vécu six ans à Pékin en tant que correspondant pour l’Agence France Presse (AFP), estimait le 29 novembre lors d’une conférence au Cercle Turgot que le gouvernement aurait raison de « lâcher la bride et renoncer ». Cependant, en cas de déconfinement soudain, une hécatombe était redoutée, car la Chine ne possède que deux vaccins, Sinopharm et Sinovac, qui protègent seulement aux alentours de 52 %. De plus, « on pense que moins de la moitié des personnes de plus de 60 ans ont été vaccinées ».


D’après l’auteur du livre Chine le Grand prédateur : un défi pour la planète, la gestion de la crise du covid par l’élite chinoise « est un désastre absolu et total », et Xi Jinping est « l’artisan chef de cette politique » avec un confinement et une surveillance constante grâce au développement de l’intelligence artificielle et de la reconnaissance faciale. Cette surveillance a d’ailleurs « été multipliée par cent, dans le cadre de la gestion du covid », précise le spécialiste de la Chine.

 

Des contestations historiques

 

Plusieurs centaines d’étudiants ont manifesté le dimanche 27 novembre sur le campus de la prestigieuse université de Pékin, Tsinghua, contre le gouvernement et la politique zéro covid. Des vidéos de manifestants scandant « démocratie, État de droit, liberté d’expression » ont circulé sur les réseaux sociaux. Plus tôt dans la semaine, le mercredi 23 novembre, d’autres images de contestation ont circulé. Cette fois-ci, ce sont les employés de l’usine Foxconn de Zhengzhou, où sont assemblés des appareils électroniques – dont les iPhones –, qui ont montré leur mécontentement. Le journaliste indique qu’il a été « surpris par l’ampleur ».


Le lendemain ont circulé des vidéos montrant un immeuble résidentiel en flammes duquel on pouvait entendre des cris. Une dizaine de personnes sont mortes et neuf ont été blessées dans l’incendie, car les portes étaient fermées de l’extérieur en raison des restrictions covid. « Ce n’est bien sûr pas la version officielle », assure Pierre-Antoine Donnet, pour qui cet événement a été un détonateur, car « même si la censure est très efficace, elle n’est pas parfaite, cet événement montre finalement, que la personne humaine ne compte pas en Chine ». 


Pour le Parti communiste chinois, l’individualité n’a pas de valeur. Le parti unique décide de tout, alors qu’il représente seulement 7 % de la population chinoise. Toutefois, le spécialiste de la Chine ressent « une exaspération totale partout dans le pays. Par exemple il y a quelques mois, déjà dans cette ville de Shanghai, les gens hurlaient leur souffrance, leur faim. Et même pour certains, leur haine du Parti Communiste chinois. »

 

Premières images de contestations publiques depuis 1989

 

Pour l’invité du Cercle Turgot, ces « scènes sont absolument ahurissantes » et lui rappellent les manifestations de la place de Tian’anmen de 1989, lors desquelles une très violente répression avait permis de contenir la révolte après plusieurs semaines de manifestation. À l’époque, les étudiants dénonçaient la corruption et réclamaient des réformes politiques et démocratiques. Le gouvernement, de son côté, reconnaît cet événement comme les « troubles politiques du printemps et de l'été 1989 ». 


D’ailleurs, selon les chiffres officiels, uniquement des soldats sont décédés. Mais d’après un télégramme secret envoyé le 5 juillet 1989, conservé par les archives britanniques en comptabilisent 10 000, contre 241 pour les autorités chinoises. Toute commémoration ou allusion à cet événement est d’ailleurs interdite en Chine ; pour détourner la censure, la population chinoise utilise le terme de 35 mai. Les autorités chinoises pensaient que « la désinformation quotidienne et les tombereaux de fake news allaient provoquer une sorte de brainwashing, qui finalement s’est transformée en sorte de solidarité ».


200 000 personnes sont employées pour censurer les publications sur le web qui déplaisent aux autorités. Pour le spécialiste, le problème vient du fait que les images sont visibles pendant les premières minutes après leur parution, avant que la censure intervienne, les vidéos sont donc vues, « d’un côté le mal est déjà fait, car cela se voit ».

 

20 % de chômeurs chez les moins de 24 ans

 

Durant 30 ans, la croissance du PIB augmentait d’environ 10 % chaque année. Néanmoins, depuis 2019, « l’économie commence à plonger ». L’objectif officiel des autorités chinoises est d’atteindre 5,5 % du PIB en 2022. Pour Pierre-Antoine Donnet, cet objectif ne sera pas atteint : « s’ils atteignent 3 % ce sera déjà bien ». Mais il risque d’y avoir des répercussions économiques et sociales considérables sur le pays. Le chômage est en train de grandir, en particulier chez les jeunes de moins de 24 ans, dont 20 % sont au chômage, provoquant la paralysie de certaines chaînes de production. Des usines sont obligées de fermer. 


L’on constate également des problèmes d’alimentation pour la population chinoise. Les Américains ont commencé à délocaliser la production des IPhone vers le Vietnam et l’Inde. Certains hommes d’affaires sont en train de quitter le pays. « L’eldorado de la Chine que les hommes d’affaires pensaient infini est aujourd’hui en train de se révéler dans toute sa faiblesse. »

 

Xi Jinping ne fait pas l’unanimité au sein du Parti Communiste chinois

 

Au sein du Parti communiste chinois, celui qui dirige travaille avec tous les membres du bureau politique, c’est-à-dire qu’ils sont consultés et ont un droit de regard, notamment sur les décisions prises par la commission permanente du parti qui regroupe les membres les plus importants du bureau politique. Mais cette collégialité a disparu, car Xi Jinping a placé ses fidèles au sein de la commission permanente. La disparition de la collégialité fait grincer des dents à l’intérieur du Parti Communiste. « Je ne dirais pas que les jours sont comptés pour Xi Jinping, évidemment lire dans une boule de cristal pour la Chine ce serait une erreur monumentale, mais je pense que c’est le début d'un changement », assure Pierre-Antoine Donnet.

 

Tina Millet

 

 

 

0 commentaire
Poster
PCC

Nos derniers articles