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Covid-19 et cessation de paiement

Covid-19 et cessation de paiement
Publié le 10/04/2020 à 10:24

La période de Covid-19 qui secoue actuellement l’économie française remet en question la notion classique et traditionnelle de la cessation de paiement. La cessation de paiement n’a plus pour origine le passif exigible non couvert par l’actif disponible, mais un actif disponible devenu inexistant pour assurer le financement des besoins immédiats de l’exploitation, le passif exigible ayant été reporté ou différé avec l’autorisation des pouvoirs publics…



CESSATION DE PAIEMENT EN ENTREPRISE

L’article L. 631-1 du Code de commerce définit la cessation de paiement :

« Tout débiteur qui est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible est en cessation de paiement.

Le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible, n’est pas en cessation des paiements. » Dans cette période particulière, la notion de cessation de paiement, par le face à face de l’actif disponible et du passif exigible, doit être nuancée. En effet, le passif exigible d’une entreprise a été dans cette période, très particulière, reporté, différé ou moratorié par autorisation des pouvoirs publics : on peut considérer que celui-ci a été solutionné. Concernant les réserves de crédit, celles-ci ont été totalement consommées et épuisées.

A contrario, pour l’actif disponible, il en va autrement. Celui-ci est devenu, pour certaines entités, quasi-inexistant.

Un constat : l’absence de liquidité de l’actif disponible ne permet plus au débiteur de faire face, non seulement à son passif exigible (qui a été résolu), mais également et surtout aux besoins immédiats de son exploitation courante.

Nous sommes en présence d’un type de cessation de paiement très particulier : une cessation de paiement qui n’a pas pour origine le non-paiement des échéances échues, mais une absence de liquidité pour assurer le règlement des dépenses de l’exploitation courante.

Situation pour le moins très grave.

N’oublions pas que la trésorerie est le carburant de l’entreprise, et dès lors que le réservoir est vide, le véhicule est à l’arrêt…

Habituellement, dans cette situation, quand le redressement et le redémarrage sont impossibles, la liquidation judiciaire doit normalement être prononcée… 

Une décision que les juges des tribunaux de commerce auront du mal à prendre.

Rappelons que l’absence de financement du besoin en fonds de roulement peut provoquer la cessation de paiement. Dans notre cas, l’absence de financement du BFR est totale.

Rappelons également que la trésorerie ne crée pas de besoin en fonds de roulement ; bien au contraire, c’est le besoin en fonds de roulement qui réclame de la trésorerie ! 

Seules les entreprises disposant d’une encaisse de précaution pourront assurer le financement de leur besoin d’activité. Les règles de gestion financière prennent ici toutes leurs actualités : « Ne jamais utiliser la trésorerie nécessaire au BFR pour financer des investissements. Il faut toujours financer correctement ses investissements par un emprunt, un crédit-bail ou une location financière et conserver une encaisse de précaution disponible pour financer son BFR et les aléas conjoncturels ». (Michel Di Martino – Les règles d’or de la gestion financière.) Les prêts de trésorerie garantis par l’État peuvent contribuer à aider les problèmes de trésorerie de certains.

À noter toutefois que pour être éligibles aux prêts garantis par l’État, les sociétés ne doivent pas être en difficulté. Ne peuvent en aucun cas bénéficier des prêts : 

les entreprises qui sont en procédure collective : sauvegarde, redressement judiciaire, liquidation judiciaire (article 3 de l’arrêté du 23/03/2020). Étant précisé que l’arrêté n’exclut pas les entreprises en plan.

Pour les autres entreprises, la France respecte les règles de l’Union européenne pour définir une entreprise en difficulté. Selon le point 20 du § 2.2 de la communication 2014/C 249/01 du 31 juillet 2014 – de l’UE, une entreprise est en difficulté lorsque :

• pour une PME, les capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social ;

• pour les grandes entreprises, lorsque le cumul des critères suivants, sur les deux derniers exercices est atteint :

- ratio : emprunts/capitaux propres, supérieur à 7,5 ;

-ratio : intérêts financiers/EBITDA, est supérieur à 1 ;

- capitaux propres inférieurs à la moitié du capital social. L’EBITDA est l’abréviation anglo-saxonne de Earnings Before Interest Taxes Depreciation and Amortization. En français : profit avant intérêts impôts amortissements et provisions. Il correspond approximativement à l’EBE (excédent brut d’exploitation). Ce solde intermédiaire de gestion reconnu sur le plan international n’est pas reconnu en France comme solde intermédiaire officiel.

Pour être autorisées par la commission européenne, les aides doivent normalement remplir les conditions suivantes : 

il doit s’agir d’aides à la liquidité temporaire, sous la forme de garanties de crédit ou de crédits ;

le coût financier des crédits doit respecter les conditions de taux fixés par la directive (point 56 de la directive 2014/C249/01- UE).

La Commission européenne a autorisé l’intervention de l’État français à soutenir l’économie dans le contexte du Covid–19, en date du 19 mars 2020 ; autorisation donnée dans les 48 heures. Des dispositifs d’aides pour les entreprises en difficulté devraient être annoncés. L’État français ne doit pas négliger ce pan de l’économie française où plus de 186 000 salariés aidés par l’AGS ont été concernés en 2019.

Sans oublier qu’une entreprise défaillante restructurée peut être fondamentalement viable.


PAIEMENT INTER-ENTREPRISES 

Le maintien de la relation fournisseur et des règlements inter-entreprises est essentiel et doit être respecté, au risque de déclencher une chaîne de cessation de paiement et une cascade de défaillances.

Il ne faut pas confondre le report des échéances publiques autorisées qui correspond aux aides de l’État avec le règlement des échéances privées (inter-entreprises).

Le chef d’entreprise doit avoir un comportement citoyen.

À noter que dans cette période très compliquée, les incidents de paiement ne donneront pas lieu à une décote automatique de la cotation par la Banque de France (BDF) (Newsletter BDF du 21/03/2020).

« La liquidité est là et sera là durablement pour les entreprises » (Villeroy de Galhau – Gouverneur BDF). Consultez la brochure des mesures de soutien disponible sur le site : economie.gouv.fr

Les entreprises en médiation, mandat ad hoc, conciliation, et en plan de sauvegarde ou de redressement, sont normalement éligibles au dispositif des prêts garantis par l’État, sous réserves de la décision négative de leur banque (FAQ du 31/03/2020 pages 2 et 3). 


Michel Di Martino,

Doctorant en droit privé,

École doctorale DGEP-laboratoire CRJFC Besançon,

Président du tribunal de commerce de Lons-le-Saunier


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