Début
avril, le cabinet BCTG Avocats et Réseau Entreprendre Paris ont publié un
livre blanc consacré aux mécanismes d’intéressement. Cyprien Dufournier,
counsel au sein du cabinet, nous parle de ce travail destiné en premier lieu
aux créateurs d’entreprise.
Vous êtes avocat au sein du cabinet BCTG.
Pouvez-vous nous présenter son activité en quelques mots ?
Le cabinet BCTG Avocats existe depuis 50 ans. Il
regroupe 13 associés et 35 collaborateurs. Son activité est très orientée vers
l’international. Les équipes travaillent pour des particuliers et des personnes
morales de toutes tailles, français et étrangers. Le cabinet a développé
une offre pour les jeunes entrepreneurs. Elle prend tout son sens à
travers la collaboration avec le Réseau Entreprendre.
Le Réseau Entreprendre Paris regroupe
14 000 dirigeants de société qui se fixent pour mission d’accompagner les
créateurs d’entreprise. Le cabinet BCTG en est partenaire. Comment se
concrétise votre participation ?
Ce
partenariat a été officialisé en janvier 2021 sous la forme d’un mécénat de
compétences. Nous nous mettons à la disposition des entrepreneurs membres du
réseau. Celui-ci favorise les échanges entre des dirigeants chevronnés capables
de dispenser leurs savoirs et des créateurs de société qui ont besoin d’être
aiguillés dans leurs projets neufs. Le cabinet BCTG n’intervient pas en tant
que mentor, mais en tant que spécialiste pour apporter les connaissances utiles
à ceux qui en ont besoin. Plus tard, lorsque l’activité de l’entreprise se
développe, elle fait naturellement appel au cabinet dont elle a déjà apprécié
les conseils.
Début avril, le cabinet BCTG et Réseau
Entreprendre Paris ont publié un livre blanc sur les mécanismes d’intéressement
des sociétés. Leur mise en place en amont motive, et elle
récompense en aval. À quels lecteurs destinez-vous ce support ?
Le
livre blanc s’adresse avant tout aux dirigeants, mais aussi à toutes les
parties prenantes de ce microcosme : entrepreneur, salarié, tout
bénéficiaire du mécanisme. Parmi les dispositifs d’intéressement de
l’actionnariat, les uns concernent uniquement certaines typologies de sociétés
tandis que les autres s’appliquent, quelle que soit la structure en place. Le
fascicule présente les bonnes pratiques et les habitudes observées depuis quelques
années auprès des entrepreneurs qui se lancent.
« L’entrepreneur doit veiller à
conserver un minimum de contrôle sur l’actionnariat. »
Dans le détail, le livre blanc présente
les trois modèles d’intéressement les plus pratiqués au sein d’un
échantillonnage d’une cinquantaine de membres du Réseau Entreprendre : les
bons de souscription de parts pour les créateurs
d’entreprise (BSPCE), les bons de souscription d’actions (BSA), et les
attributions gratuites d’actions (AGA). Quelles sont les différences notables
entre ces trois options ?
Le
cabinet s’est focalisé sur les trois types d’intéressement qui sont les plus
fréquemment utilisés parmi les sondés. S’agissant du BSA, il a vocation à
servir de moins en moins dans les mois qui viennent, suite aux arrêts du
Conseil d’État de juillet 2021. Ces derniers décrédibilisent un peu plus
l’attrait du dispositif pour les entreprises qui souhaitent intéresser leurs
salariés ou mandataires. Les deux voies à retenir sont donc vraiment le bon de
souscription de part de créateur d’entreprise et l’attribution gratuite
d’actions. Seules les « jeunes » sociétés qui répondent à un certain
nombre de critères sont éligibles. Le mécanisme est assez simple : la
société attribue un bon à un bénéficiaire qui, moyennant le paiement d’un prix
d’exercice, lui ouvre le droit de souscrire à une action sous-jacente. Dans ce
dispositif, le prix d’exercice, fixé à la date d’attribution du bon, va
dépendre de la valeur de la société à cette date. S’il est élevé, le salarié
pourra préférer le payer non pas à la date d’exercice, mais attendre d’être
certain de faire une plus-value s’il exerce. Un point important du dispositif
de BSPCE tient au fait que la société peut délivrer autant de bons qu’elle le
souhaite. Elle n’est pas limitée, ce qui n’est pas le cas pour les AGA.
Dans
les attributions gratuites d’actions, la société attribue gratuitement des
actions à ses salariés ou mandataires. Le bénéficiaire ne paie donc rien, et se
voit attribuer des actions qui, pendant une période d’un an minimum dite
« d’acquisition », lui offrira simplement un droit de créance. Une période
dite de conservation viendra s’ajouter, obligatoire si la période d’acquisition
ne dure pas au moins deux ans, durant laquelle le bénéficiaire acquiert les
droits financiers et politiques attachés à ses actions, sans pouvoir pour
autant en disposer. C’est seulement au bout d’une période minimum de deux ans
qu’il pourra céder ses actions, sous réserve des restrictions qui pourraient
lui être imposées par les autres associés. Les attributions gratuites d’actions
sont particulièrement appréciées pour leurs avantages fiscaux tant pour la
société que pour le bénéficiaire. Toutefois, contrairement au BSPCE, le
pourcentage d’AGA distribuable reste légalement limité. Selon les textes, une
entreprise ne peut en délivrer que pour un montant total représentant au
maximum 10 %
de son capital social, ce pourcentage pouvant être remonté à 15 voire à 30 % dans certaines conditions.
Un mécanisme d’intéressement affecte la
stratégie des créateurs à long terme, la gestion des ressources humaines, les
pouvoirs des détenteurs, etc. Comment un cabinet d’avocats
accompagne-t-il une société qui aspire à cette démarche
multidimensionnelle ? Qui collabore au projet ?
Un
mécanisme d’intéressement doit s’appréhender comme un sujet transversal qui
touche principalement trois domaines imbriqués : le droit fiscal, le droit social, et le
droit des sociétés. Ce sont généralement les considérations fiscales et
sociales, appréhendées du point de vue de la société et des bénéficiaires, qui
vont guider le choix d’un tel dispositif plutôt qu’un autre. L’enjeu consiste à
définir la formule optimale pour la société et les bénéficiaires du mécanisme
d’intéressement. Les points concernant le droit des sociétés suivent. Ils
construisent la structure qui aura été déterminée. Lorsque le cabinet BCTG
s’investit dans un dossier de ce type, une large part est consacrée à la
collaboration avec le client pour comprendre parfaitement ses attentes et ses
intérêts. L’écoute des entrepreneurs et des bénéficiaires est à la base du
travail. En matière de gestion des ressources humaines, soulignons que
l’intéressement peut être un élément de négociation.
Est-ce que parmi les trois options
précitées (BSPCE, BSA, AGA), le coût et la durée de mise en place sont
similaires ? Caractérisent-elles des types de sociétés ?
À société égale et parties
prenantes équivalentes, les principaux documents sont comparables. AGA ou
BSPCE, au bout du compte, le temps consacré par un avocat sera le même, et donc
les frais juridiques seront semblables. Pour une société nouvelle qui souhaite,
dès le départ, mettre en place un plan, le traitement va très vite. En
revanche, pour une société ancienne, il est bien difficile de donner un
échéancier standard. Le déroulement dépend de ses attentes et de son profil.
Mais là encore, selon ses caractéristiques propres, les choses peuvent aller
très vite.
Le mécanisme d’intéressement est-il
toujours une bonne chose, ou bien est-il parfois contre-indiqué ?
Il faut se montrer prudent avant de mettre un tel
mécanisme en place, peser le pour et le contre. La question centrale tourne
autour des sujets fiscaux. Il ne s’agit pas de déployer un dispositif
contre-productif et lourd. La société doit porter une vive attention à la
rédaction de la documentation sous peine de concevoir un plan qui ne fonctionne
pas ou qui soit vicié. De plus, le BSPCE peut ne pas être idéal si l’objectif
premier est de favoriser l’actionnariat salarié. Dans la pratique, il est
souvent exercé à terme, et en conséquence, le bénéficiaire n’est jamais associé
à proprement parler. La véritable méthode d’association du salariat passera
davantage par la voie de l’attribution gratuite d’actions. Encore faut-il que
la durée de son calendrier soit en adéquation avec le but recherché. Malgré le
cadre législatif, la liberté contractuelle dispose d’une large amplitude pour
organiser l’association totale du salarié ou non. Par ailleurs, l’entrepreneur
doit veiller à conserver un minimum de contrôle sur l’actionnariat. La
documentation contractuelle bien rédigée avec les salariés associés le permet à
travers un pacte d’actionnaires. Ce dernier pourra par exemple encadrer les
alternatives de revente des actions détenues par le salarié.
Quelles retombées le Réseau Entreprendre et le cabinet BCTG espèrent-ils du livre
blanc ?
Ce
livre blanc est le premier rédigé par le cabinet BCTG pour le Réseau
Entreprendre. Diffusé depuis le début du mois d’avril, il connaît un succès
certain auprès des entrepreneurs. Il est donc possible qu’il soit suivi
d’autres supports concernant les aspects opérationnels qui intéressent les
créateurs de société. Un prochain chapitre pourrait traiter de la levée de
fonds.
Propos recueillis par C2M