Dans
son avant-propos du dernier numéro thématique du JSS portant sur
l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, Antoine Hontebeyrie,
avocat associé au Cabinet Racine et professeur à l’Université Paris-Saclay,
évoque une « réforme qui s’impose ». Mais loin de se borner à
« répondre aux besoins de modernisation et de coordination »,
le texte actuel préconise de réelles transformations, dont la plus frappante
« tient à un extraordinaire rayonnement du contrat au-delà de ceux qui
l’ont conclu ».
D’une
complexité à faire pâlir d’envie Byzance ! Belle image qu’un célèbre
professeur de droit employa à l’adresse de ses étudiants pour annoncer ce que
le cours de droit des contrats spéciaux allait leur dévoiler. Il est vrai que
la matière a quelque chose de la mosaïque, faite d’une foule de règles
particulières incrustées dans la sphère plus vaste du régime des contrats,
côtoyant ici le droit commun et là d’autres dispositions encore plus spéciales.
Mais
voici qu’il est question de la rénover, sur la base d’un avant-projet issu
d’une commission présidée par Philippe Stoffel-Munck, soumis à consultation
publique par le ministère de la Justice, et faisant suite à un autre
avant-projet diffusé en 2017 par l’association Henri Capitant.
L’entreprise
est à l’évidence nécessaire. Est-il besoin de souligner que l’on ne vend, ne
loue, ne sert, ne prête, ne dépose, ne joue ni ne mandate comme on le faisait
en 1804 ? À ce truisme, s’ajoute la réforme du droit commun du contrat
initiée en 2016. « Il n’est pas bon, déclare l’exposé des motifs de
l’avant-projet, qu’un droit commun du XXIe siècle soit
prolongé par un droit spécial dont l’expression écrite reste ancrée dans le
début du XIXe ».
Le
droit spécial, en effet, ne vit pas en dehors du droit commun, mais s’articule
avec lui, y dérogeant à certains égards et lui laissant place à d’autres. Sur
le principe, donc, la réforme s’impose, pour des raisons de modernisation et de
coordination.
« Un
extraordinaire rayonnement du contrat au-delà de ceux qui l’ont conclu »
Reste
le fond, et de fond il est très sérieusement question. Dans l’absolu, la
consécration d’évolutions jurisprudentielles bien acquises, accompagnée de
divers ajustements, aurait pu répondre aux besoins de modernisation et de
coordination.
Mais
l’avant-projet va bien plus loin et préconise de grands changements. Le plus
frappant d’entre eux tient à un extraordinaire rayonnement du contrat au-delà
de ceux qui l’ont conclu. Que l’on songe, par exemple, à la transmission
automatique des droits, actions et charges afférents au bien vendu, à la
libération pour l’avenir du locataire cédant d’un bail quel qu’en soit l’objet,
ou encore à la possibilité, pour le maître de l’ouvrage, d’exercer les actions
nées du contrat de sous-traitance. À quoi s’ajoutent bien d’autres évolutions,
dont les retentissements professionnels sont nombreux.
Ce
sont précisément ces retentissements que le numéro thématique du JSS de mars 2023
s’efforce de mettre en lumière, à travers neuf contributions qui ont été
voulues aussi synthétiques, pratiques et constructives que possible [dans
lesquelles] chaque auteur [se concentre] sur certains points saillants, saluant
ce qui a lieu d’être salué à ses yeux, et indiquant, dans le cas contraire, les
modifications qui lui paraissent devoir être apportées au texte définitif.