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Entre généralités et secteurs spécifiquement visés : décryptage de la loi climat dans le monde de l’entreprise

Entre généralités et secteurs spécifiquement visés : décryptage de la loi climat dans le monde de l’entreprise
Publié le 01/06/2021 à 14:18

Le projet de loi climat et ses 83 articles, largement amendés pour certains, ont nécessairement des conséquences sur les entreprises, leurs modes de fonctionnement, leur organisation, et même leurs techniques de commercialisation.

Si certains articles de la loi sont des généralités et ont vocation à s’appliquer à tout type d’entreprise, d’autres articles, quant à eux, visent des secteurs particuliers. Une distinction entre ces différents articles est alors indispensable pour bien appréhender les tenants et les aboutissants de la loi climat, sur le secteur entrepreneurial.

 

 

DISPOSITIONS GÉNÉRALES APPLICABLES AUX ENTREPRISES

 

Travailler : les enjeux de la transition écologique dans le domaine de l’emploi

 

Différentes propositions sont faites par la loi climat sur ce thème :

• faire des enjeux de la transition écologique un sujet de négociation collective dans le cadre de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau de la branche et au sein des entreprises de plus de 300 salariés ainsi que des entreprises et groupes d’entreprises de dimensions communautaires ;

élargir le champ des attributions des comités sociaux et économiques sur les conséquences environnementales des mesures et des activités de l’entreprise ;

• désigner des représentants des acteurs de la transition écologique sur le territoire au sein des comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle ;

• informer les entreprises sur les enjeux liés à l’environnement et du développement durable et les accompagner dans leur projet d’adaptation, nouvelle mission confiée aux opérateurs de compétence.

Le Conseil d’État n’a pas formulé de remarque particulière sur ces points, sauf à demander à ce que soient précisées les personnes susceptibles d’être désignées comme acteur de la transition écologique sur le territoire.

Ces dispositions ont globalement été validées par le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE), même si elles sont en régression par rapport à ce qu’avait envisagé la Convention citoyenne pour le climat.

S’agissant du Comité Social et Économique (CSE), l’objectif de la loi est d’inciter les entreprises à anticiper les conséquences de la transition écologique sur l’évolution de l’emploi, les compétences, les formations…

Concernant la négociation collective en matière de Gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC), il s’agit de renforcer cette gestion en matière de transition écologique.

Concernant le CSE, l’article 2312-8 du Code du travail est modifié avec la prise en compte des conséquences environnementales des décisions de l’employeur dans le cadre des informations et consultations prévues à cet effet, mais également sur les thématiques faisant l’objet d’une consultation récurrente, dispositions d’ordre public, dispositions supplétives détaillées applicables à défaut d’accord (article L. 2312-22 du Code du travail).

De plus, dans les entreprises de plus de 300 salariés, l’employeur a la nouvelle obligation de mettre en place des informations environnementales via la base de données économiques et sociales (articles L. 2312-18 et R. 2312-9 du Code du travail, articles L. 225-102-1 et R. 225-105-1 du Code de commerce).

Pour la GPEC, la mesure proposée est très en deçà de ce qu’avait proposé la Convention citoyenne, puisqu’il ne s’agit que de la modification de l’article L. 2242-20 du Code du travail définissant les dispositions supplétives relatives à la négociation obligatoire d’entreprise.

En définitive, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, la transition écologique est ajoutée aux consultations récurrentes du CSE.

De même, lorsque l’employeur devra consulter le CSE en application de l’article L. 2312-8 du Code du travail, l’impact environnemental de sa décision devra également être examiné.

S’agissant du GPEC, elle devra prendre en considération les enjeux de la transition écologique.

S’agissant plus particulièrement des articles 17 et 18 du projet de loi, ils concernent l’inclusion des acteurs de la transition écologique dans la gouvernance des formations au sein du Comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (CREFOCP), et du renforcement de l’implication des Opérateurs de compétence sur les sujets liés (OPCO).

On rappellera tout d’abord que les OPCO sont des organismes destinés à réaliser des études prospectives pour définir les formations professionnelles utiles aux entreprises de leurs différents secteurs professionnels.

Les CREFOCP sont des lieux de discussion et de partage sur tous les dispositifs de formation professionnelle.

L’objectif est de permettre à l’horizon 2025 que chaque entreprise puisse être accompagnée pour prendre en compte dans le cadre de ses activités la question environnementale.

Les OPCO se voient ainsi confier une véritable mission de proximité et de conseil et d’estimation de toutes les entreprises de leur champ professionnel ; leurs actions seront évaluées à travers des conventions d’objectifs et de moyens triennaux conclus avec l’État.

S’agissant des membres du CREFOCP, ils pourront s’appuyer sur des personnes qualifiées.

Il faut également souligner deux dispositions supplémentaires.

En premier lieu, la mission des experts-comptables est modifiée à l’article L. 2315-87-1
du Code du travail pour étendre cette mission à tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires à la compréhension des orientations stratégiques de l’entreprise et de manière plus générale, l’aspect social et l’aspect environnemental pour cette mission.

Ensuite, l’article 18 quater concerne exclusivement les dispositifs d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon ; l’ordonnance 2020-921 du 29 juillet 2020 est ratifiée et modifiée pour offrir un certain nombre de possibilités pour congé d’accompagnement et pour le bénéfice des dispositifs conventionnels de cessation anticipée d’activité.

 

Consommer : l’affichage environnemental

 

Les dispositions des articles 1, 2 et 3 de la loi climat concernent l’ensemble de la Société bien que l’article 1er ait une incidence première sur les entreprises.

L’article 1er concerne en effet l’affichage environnemental.

Il modifie la loi pourtant très récente du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, prescrivant l’article 15 de cette loi. En réalité, l’affichage environnemental n’est pas du tout une innovation et, à la vérité, ces nouvelles dispositions auront un impact au moins à court terme, excessivement limité, voire inexistant.

Le Haut conseil pour le climat rappelle dans son avis que l’affichage environnemental était déjà prévu dans les lois Grenelle 2009 et 2010, et dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte de 2015. La vérité consiste à reconnaître qu’il n’en a été fait aucune application effective, comme le constate le Haut conseil pour le climat.

La loi AGEC avait étendu l’affichage environnemental à la possibilité d’un affichage social et avait visé, sans aucune obligation, le secteur du textile et de l’habillement tout en subordonnant le caractère obligatoire de cet affichage à une modification communautaire.

L’apport de l’article 1er, tel qu’il a été voté, est très modeste.

Tout d’abord, il étend l’affichage environnemental au-delà du secteur du climat et intègre, comme l’avait suggéré le Conseil d’État, une mesure en termes d’émissions de gaz à effet de serre (plus précise que la référence au climat), mais aussi la biodiversité, la consommation d’eau et celle des autres ressources naturelles.

Il s’agit donc d’une extension bienvenue, la question de l’environnement ne se limitant pas à celle du climat. Cependant, il convient de souligner le fait que la prise en compte des émissions de gaz à effets de serre dans le secteur du textile est très importante pour l’industrie française, qui devrait être favorisée par rapport au textile venu d’Asie par exemple, beaucoup plus carbonivore.

Mais cet affichage n’a pas vocation à entrer en vigueur immédiatement.

En effet, si la loi renvoie à un décret le soin de fixer la liste des catégories de biens et services pour lesquels l’affichage est obligatoire, séparant ainsi la catégorie des biens et services pour lesquels il existe une obligation d’affichage et une catégorie de biens et services pour lesquels l’affichage reste volontaire, l’entrée en vigueur du décret est subordonnée à une expérimentation.

Or, si la loi AGEC avait donné à l’ADEM un délai de 18 mois pour faire une expérimentation dans le domaine de l’agroalimentaire, l’article 1er de la loi donne un délai de cinq ans, ce qui renvoie à 2026, un hypothétique affichage environnemental obligatoire.

De plus, l’article 2 autorise, si un motif d’intérêt général le justifie, qu’un décret fixe des critères de taille d’émetteurs sur le marché assujetti à cette obligation.

Pour les biens et services à affichage obligatoire, un décret déterminera les critères présentant l’impact le plus important pour l’environnement.

Enfin, l’article 1er prévoit des modalités de contrôle à déterminer par décret en Conseil d’État, mais ne définit aucune sanction.

Dès lors, et en définitive, le sujet de l’affichage environnemental est gentiment renvoyé à 2026.

 

Consommer : la régulation de la publicité

 

Le projet de loi prévoit un chapitre spécifique à l’encadrement et à la régulation de la publicité qui a trop tendance à inciter à une surconsommation de produits polluants.

Si toute restriction apportée à la publicité pourrait être susceptible de porter atteinte à la liberté d’entreprendre, au droit de propriété et constituer une entrave à la libre circulation des marchandises ou à la libre prestation de services, il n’est pas exclu d’y apporter des restrictions voire des interdictions, si elles sont justifiées par un objectif d’intérêt général et qu’elles sont adaptées et proportionnées à cet objectif1. À l’instar du tabagisme et de l’alcoolisme2, la protection de l’environnement, érigée en objectif de valeur constitutionnelle3, peut justifier des atteintes à la liberté d’entreprendre dès lors, notamment, que la France est tenue par des engagements précis en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L’article 4 de la loi climat intègre désormais un nouvel article L. 581-25-1 du Code de l’environnement portant interdiction de la publicité relative à la commercialisation ou faisant la promotion des énergies fossiles, en raison de leur lien direct avec les émissions de gaz à effet de serre. La liste des énergies fossiles concernées, ainsi que les modalités s’appliquant aux énergies renouvelables incorporées dans des énergies fossiles, doit être précisée par décret en Conseil d’État. L’étude d’impact fait notamment référence à l’essence, le gaz, les stations-service, les produits pétroliers. Le Ministère aurait précisé que les énergies mélangeant du carburant fossile et du biocarburant ne seraient pas visées par cet article.

Le non-respect de cette interdiction serait ainsi puni d’une amende de 30 000 euros pour une personne physique, et de 75 000 euros pour une personne morale. En cas de récidive, il est prévu que le montant de ces amendes soit doublé.

L’article 4 bis B prévoit l’interdiction du greenwashing ou éco-blanchiment en l’insérant à l’article L. 132-2 du Code de la consommation relatif aux pratiques commerciales trompeuses. Il est ainsi interdit de laisser entendre ou de donner l’impression qu’un bien ou un service aurait un effet positif ou n’aurait pas d’incidence sur l’environnement ou qu’il serait moins néfaste pour l’environnement que les biens ou services concurrents.

L’article 4 bis A modifie l’article L. 121-2 du Code de la consommation afin d’intégrer la référence à la protection de l’environnement (« impact environnemental du bien ou du service ») dans la définition des pratiques commerciales trompeuses. Le projet de loi vient ainsi codifier la jurisprudence en la matière4 et compléter l’article L. 541-9-1 du Code de l’environnement créé par la loi AGEC du 10 février 20205, interdisant aux producteurs et importateurs de produits générateurs de déchets de faire figurer sur un produit ou emballage les mentions "biodégradable, respectueux de l’environnement" ou toute autre mention équivalente.

En cas de non-respect de cette interdiction, le montant de l’amende peut être porté de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 80 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit. La sanction fera l’objet d’un affichage ou d’une diffusion notamment sur le site Internet de la personne morale condamnée pendant un mois.

L’article 4 bis C de la loi climat crée à l’article L. 229-62 du Code de l’environnement l’interdiction d’affirmer à tort dans une publicité qu’un produit ou un service est neutre en carbone ou dépourvu de conséquences négatives sur le climat ou toute autre formulation ayant une finalité et une signification similaires6.

L’article 5 de la loi climat vise quant à lui à réduire la publicité audiovisuelle en faveur des produits et services ayant un impact négatif sur l’environnement, grâce à la mise en œuvre d’un dispositif de co-régulation reposant sur des codes de bonne conduite. Ces codes doivent transcrire les engagements figurant dans un « contrat climat » conclu entre les annonceurs et les médias, d’une part, et le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), d’autre part.

L’article 5bbis A de la loi climat prévoit l’obligation d’afficher dans les publicités une mention obligatoire, visible et facilement compréhensible sur l’impact environnemental de certains produits et services, à savoir : les produits soumis à affichage environnemental obligatoire au titre de l’article 15 de la loi AGEC, à une étiquette énergie obligatoire au titre de l’article 15 de la directive 2009/125/CE relative à l’écoconception, ou les véhicules concernés par une étiquette obligatoire relevant de la directive 1999/94/CE relative au carburant et les émissions de CO2 de se déclarer auprès des autorités d’autorégulation mises en place dans le secteur de la publicité.

L’article 24 de la loi climat étend l’obligation d’installer des panneaux photovoltaïques, ou des toits végétalisés sur les bâtiments professionnels et les entrepôts en abaissant de 1 000 à 500 m2 d’emprise au sol le seuil à partir duquel elle s’impose aux nouvelles constructions et en l’appliquant aux extensions de bâtiments et structures existants dès lors qu’elles atteignent ou dépassent ce seuil.

Cette obligation est en vigueur depuis la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat est venue étendre et préciser cette exigence, à l’article L. 111-18- du Code de l’urbanisme, afin que les nouveaux bâtiments commerciaux, mais aussi industriels et artisanaux, ainsi que les nouveaux entrepôts et parkings couverts comportent désormais, au moment de leur construction, au moins 30 % de leur surface en toiture ou ombrière végétalisée ou recouverte de panneaux solaires dès lors que leur emprise au sol dépasse les 1 000 m2.

Si cette modification est naturellement bénéfique pour le développement des panneaux photovoltaïques, il est regrettable de devoir attendre son entrée en vigueur prévue le 1er janvier 2024 seulement.

 

 

 

 

 

« En définitive, le sujet de l’affichage environnemental

est gentiment renvoyé à 2026. »

 

 

 

 

La lutte contre la déforestation importée

 

Les articles 63bis, 64, 64bis et 64ter de la loi climat introduisent des dispositions pour lutter contre la déforestation importée, c’est-à-dire l’importation de produits dont la production est à l’origine de la déforestation.

La stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée adoptée le 14 novembre 2018 prévoit la mise en place d’une plateforme avec un mécanisme d’alerte pour les entreprises pour freiner ces importations.

L’article 64 de la loi climat permet donc aux agents du ministère chargé de l’Environnement qui mettent en œuvre la stratégie nationale de lutte contre la déforestation importée d’obtenir les informations de la part de la Direction générale des Douanes et des Droits indirects permettant de tracer les chaînes d’approvisionnement en matières premières agricoles.

Les articles 64bis et 64ter nouveaux du projet de loi, issus d’amendements, ne contiennent aucune disposition ayant quelque valeur juridique que ce soit.

L’avis du Conseil d’État est muet sur ces dispositions comme l’est, et c’est tout à fait naturel puisqu’il s’agit de dispositions ajoutées par le Parlement, l’étude d’impact.

L’objectif de n’acheter que des produits n’ayant pas contribué à la déforestation importée à partir de 2022 renvoie à un décret d’application qui n’est pas encore sorti, et si l’objectif est fixé à compter de 2022, aucune disposition ne vient rendre contraignant cet objectif tout à fait légitime.

L’article 64ter du projet de loi, pour sa part, prévoit la remise au Parlement d’un rapport sur la mise en œuvre de la plateforme nationale de lutte contre la déforestation importée à destination des entreprises et des acheteurs publics pour les aider.

Il s’agit là d’une disposition tout à fait intéressante, mais dont l’effet juridique est plus qu’aléatoire.

 

 

LES SECTEURS DIRECTEMENT VISÉS PAR LA LOI CLIMAT

 

Secteur de la grande distribution et commerçants

 

L’article 11 du projet de loi dispose que l’action des pouvoirs publics tend à ce que 20 % de la surface de vente soit consacrée à la vente en vrac dans les commerces dont la surface est supérieure à 400 m².

Cet objectif fixé pour 2040 s’inscrit dans la lignée des dispositions introduites par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage à l’économie circulaire (AGEC), et notamment à la création d’un nouveau chapitre dans le Code de la consommation relatif aux pratiques commerciales encouragées dont la section unique est consacrée à la vente de produits sans emballage.

Elle vise évidemment à modifier les habitudes de consommation, au même titre que l’interdiction des sacs en plastique, et participera ainsi à l’objectif de réduction des emballages et de la production de déchets et à une diminution des émissions de gaz à effet de serre qu’ils génèrent.

Cette mesure doit être appréhendée en même temps que l’objectif de fin de mise à disposition des emballages en plastique à usage unique fixé à 2040 qu’a posé la loi AGEC.

Elle impactera essentiellement les acteurs privés dès lors qu’elle nécessite une refonte en profondeur des outils de production et de la chaîne logistique.

Elle induit évidemment des investissements pour la recherche de solutions alternatives aux emballages plastiques à usage unique, pour l’industrialisation de solutions d’emballages réemployables, le développement d’infrastructures logistiques et d’outils de lavage, ainsi que pour l’acquisition d’équipements alternatifs à l’utilisation de plastique ou à leur adaptation.

Compte tenu de l’impact sur l’ensemble de la chaîne logistique, la responsabilité de chacun des acteurs se posera avec plus d’acuité en raison du rôle protecteur de l’emballage dans le contexte de chaînes d’approvisionnement mondialisées.

Une partie des financements nécessaires à cette transformation radicale du secteur semble avoir été fléchée dans le plan de relance présenté le 3 septembre 2020, à travers notamment sa mesure "investissement dans le réemploi et le recyclage" Les mesures pourraient être financées par lADEME via son fond "Économie circulaire" qui serait abondé de 226 millions d’euros supplémentaires en 2021 et 2022. La question se pose des critères d’éligibilité à ces fonds et de l’adaptation des financements alloués à l’ampleur du changement requis.

Toutefois, compte tenu du caractère programmatique de cet article et du fait qu’il n’induit pas d’action particulière de l’État, le Conseil d’État, dans son avis du 4 février 2021, estime qu’il pourrait être contraire à l’article 4 de la Constitution. L’adoption récente du décret n° 2021-517, le 29 avril dernier, relatif aux objectifs de réduction, de réutilisation et de réemploi, et de recyclage des emballages plastiques à usage unique pour la période 2021-2025, permet toutefois d’imaginer une adaptation par étape similaire.

L’article 1 du projet de loi climat ouvre la possibilité pour le gouvernement d’imposer la généralisation d’un dispositif de consigne de verre en vue de sa réutilisation. Il viendra compléter l’article L. 541–10–11 du Code de l’environnement introduit par la loi AGEC.

Cet article concourt à l’objectif de réemploi, à la circularisation de l’économie, et ainsi à la réduction de la production de déchets. Cette généralisation d’un dispositif de consignes pour les emballages en verre devrait toutefois être conditionnée à un bilan global environnemental positif, ainsi qu’il avait été souligné lors de l’élaboration de la loi AGEC. Elle suppose une réorganisation de la filière de gestion des emballages en verre et également de la chaîne logistique (avec la mise en place d’une logistique inversée) et des producteurs.

Au-delà des habitudes de consommation des particuliers, les collectivités locales et les entreprises seront principalement impactées. Les éco-organismes seront également largement mis à contribution.

En termes de coûts d’adaptation, l’impact pour les collectivités devrait être compensé par les obligations de couverture des coûts de collecte séparée et de traitement des emballages prévu pour la filière en application du principe de responsabilité élargie des producteurs.

Des textes d’application devront évidemment être adoptés.

 

Secteur du bricolage

 

Le Code de la consommation est modifié par la loi climat qui prévoit l’intervention d’une nouvelle section 19 sous l’article L. 224-112 dudit Code qui oblige tout professionnel visant des prestations d’entretien, de réparation d’outils de bricolage et de jardinage, à permettre aux consommateurs d’opter pour l’utilisation de pièces de rechange ou de pièces issues de l’économie circulaire à la place de pièces neuves.

Là aussi, le manquement à cette obligation est sanctionné par une amende.

Le gouvernement a suivi la suggestion du Conseil d’État de préciser la catégorie d’équipement concerné, et la durée minimale des pièces détachées.

 

Secteur du transport de marchandises

 

L’article 33 du projet de loi climat concerne les entreprises dans leur activité de transport.

Cette disposition modifie à la fois le Code de commerce et le Code de l’environnement.

Il modifie l’article L. 225-102-1 du Code de commerce en complétant le deuxième alinéa du III par une définition des informations relatives aux conséquences sur le changement climatique.

Il s’agit des postes d’émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre lié aux activités de transport en amont et aval de l’activité.

Elle crée une nouvelle obligation qui est celle de réaliser un plan d’action pour réduire les émissions.

L’exigence de ce plan d’action propre aux entreprises se traduit au plan national par un bilan national prévu à l’article L. 229-25-1 du Code de l’environnement qui doit être rendu public chaque année et qui analyse les effets de ces plans au regard des objectifs de stratégie bas-carbone.

Pour bien comprendre la portée de la mesure, il faut rappeler les obligations actuelles de publication d’informations non financières qui s’appliquent, conformément à la loi du 19 juillet 2017 et à l’article L. 225-104 du Code de commerce, aux sociétés cotées ayant plus de 500 salariés, soit un total de bilan dépassant 120 millions d’euros, soit un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros et aux sociétés non cotées ayant plus de 500 salariés avec un total de bilan ou de chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros.

L’article R. 225-105 du Code de commerce précise les thématiques à aborder qu’elles soient sociales, environnementales ou en matière de gouvernance.

La loi précise ce qu’il faut entendre par « informations relatives aux conséquences sur le changement climatique ».

Elle donne un délai au plan d’action, la première publication devant avoir lieu avant le 30 juin 2024 et concernera les exercices ouverts à compter du 1er juillet 2022.

Ainsi, l’obligation est précisée pour les entreprises dites « chargeurs », c’est-à-dire les entreprises commanditaires de prestations de transport de marchandises s’adressant directement à une société de transport ou via des sociétés spécialisées dans l’organisation des prestations de transport (étude d’impact, p. 285).

Dès lors, toutes les entreprises qui étaient déjà soumises à une obligation de publication de documents de performances extra financières voient cette obligation renforcée avec les précisions sur le transport, et les entreprises « chargeurs » sont précisément concernées de telle sorte que la réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques n’est plus de la seule responsabilité des entreprises de transport, mais de l’ensemble des entreprises de la chaîne logistique.

En ce qui concerne le bilan des plans d’action, il s’agit d’une nouvelle obligation mise à la charge de l’État et dont la réalisation dépendra bien évidemment du recensement des plans d’actions des différentes entreprises.

 

Secteur transport : la suppression de l’avantage fiscal du gazole routier

 

L’article 30 du projet de loi climat prévoit un objectif programmatique destiné à supprimer l’avantage fiscal du gazole routier, conformément à la proposition initialement formulée par la Convention citoyenne pour le climat.

On rappellera qu’une entreprise de transport routier de marchandises peut demander le remboursement partiel de la Taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) dans les conditions fixées par l’article 352 du Code des douanes.

Depuis de nombreuses années, cet avantage fiscal est dénoncé notamment par la Cour des comptes. Dans un référé rendu public le 1er mars 2013 sur les dépenses fiscales rattachées à la mission écologie, aménagement et développement durables et relatives à l’énergie, la Cour des comptes dénonce les effets négatifs sur l’environnement de certaines dépenses fiscales et en particulier du remboursement aux transporteurs routiers de la TICPE. Pour la Cour, cette mesure ne contribue pas à favoriser la transition énergétique, mais a pour objectif essentiel de soutenir l’activité économique, notamment le transport routier de marchandises (Les dépenses fiscales rattachées à la mission écologie, aménagement et développement durables relatives à l’énergie, Cour des comptes, 17 déc. 2012).

Plus récemment, le Conseil de défense écologique, qui s’est réuni le 9 juillet 2019, a prévu que le remboursement partiel dont bénéficient les transporteurs routiers de marchandises sur le gazole sera réduit de 2 centimes à partir de 2020 (Conseil de défense écologique - Compte rendu par F. de Rugy et E. Borne).

On l’aura compris : l’objectif de cette disposition est d’assurer un renouvellement des flottes de poids lourds au bénéfice de véhicules roulant soit à l’hydrogène, au biogaz ou au biodiesel. Ce dispositif est parfaitement cohérent avec l’objectif d’arrêt de la production de moteurs thermiques en 2040 pour tenir l’engagement d’une neutralité carbone du secteur en 2050.

Toutefois, il s’agit d’un objectif programmatique qui – pour le moment – n’a pas d’effet contraignant.

De manière très prudente, le législateur a en effet prévu que les premières orientations permettant d’atteindre l’objectif fixé doivent intervenir à l’issue de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, c’est-à-dire en 2022.

La France souhaite ainsi sans doute tenter une harmonisation de la fiscalité au niveau européen puisqu’il existe une très grande disparité des taux de taxation du gazole en Europe, induisant bien évidemment une distorsion de concurrence dans le secteur du transport routier de marchandises. Un chemin important reste donc à parcourir.

Il n’en demeure pas moins que seules des mesures contraignantes permettront réellement de réduire les émissions de gaz à effet de serre, en application des Accords de Paris.

On rappellera à cet égard que les émissions de gaz à effet de serre de l’entier secteur des transports représentent 31 % des émissions totales. Sur ce secteur, si les voitures particulières représentent 51 % des émissions, le transport des poids lourds, y compris bus et cars, représente 22 % des émissions du secteur des transports et les véhicules utilitaires 19 %. Le transport par la route constitue ainsi la quasi-totalité des émissions du transport (94 %). Le poids des émissions des poids lourds, rapportés à la circulation (kilomètres parcourus par les véhicules) est plus important que celui des voitures particulières.

Si l’on ne peut que constater une très faible offre de la part des fabricants de poids lourds s’agissant de véhicules fonctionnant à l’hydrogène, au biogaz ou au biodiesel, on ne peut qu’espérer que la disparition à terme de l’avantage fiscal du gazole routier permettra un renouvellement vertueux des flottes de poids lourds.

 

Le secteur aérien et la compensation carbone

 

Le gouvernement souhaite tout d’abord que le transport aérien s’acquitte d’un prix suffisant du carbone à partir de 2025 (article 35 du projet de loi) tout en privilégiant une approche européenne, à l’instar de l’avantage fiscal pour le diesel routier.

C’est dans cette optique qu’il est également prévu par l’article 36 de la loi climat l’interdiction des services réguliers à l’ensemble des liaisons intérieures dont la desserte est assurée par le rail en moins de 2h30, sans correspondance.

Des dérogations sont toutefois possibles lorsque les services aériens assurent majoritairement le transport de passagers en correspondance ou peuvent être regardés comme assurant un transport aérien. Ces dérogations devront être définies par la voie réglementaire.

Si l’on comprend bien le but poursuivi, il convient toutefois d’être extrêmement vigilant quant au niveau de service considéré comme équivalent, notamment à l’heure de l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs où certaines destinations pourraient être délaissées, ouvrant ainsi la porte à des zones non desservies sur certains territoires.

Il est donc important de pouvoir réviser périodiquement le dispositif afin d’éviter certains effets pervers de la suppression des liaisons locales.

L’État entend également encadrer le développement des aéroports en inscrivant dans la loi le fait que toute extension d’aéroport effectuée par voie d’expropriation ne saurait, après compensation, aboutir à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre (article 37 de la loi climat). Toutefois, ces dispositions n’ont pas d’effet rétroactif et ne sauraient donc s’appliquer aux projets actuellement en cours ainsi que le prévoit explicitement le législateur.

Enfin, le législateur souhaite mettre en place la compensation carbone des vols nationaux : 50 % des émissions devront être compensées dès janvier 2022, 70 % en 2023 puis  100 % en 2024 (article 38 de la loi).

Il suit de là que les compagnies aériennes vont devoir financer des programmes « dits à haute valeur environnementale ».

Ces mesures doivent être saluées, mais, à l’instar de ce qui est prévu pour le transport routier de marchandises, une harmonisation européenne est vivement souhaitée afin d’éviter une distorsion de concurrence au niveau européen.

 

Secteur de l’aménagement, promoteurs et urbanistes

 

Consécration et programmation de l’objectif ZAN (« zéro artificialisation nette »), suivant une définition attendue 

L’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) inscrit dans le cad re du « plan biodiversité » présenté en 2018 est désormais porté au rang législatif.

À ce titre, l’article 47 du projet de loi ambitionne de diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols sur les dix prochaines années – suivant la promulgation du texte de loi – par rapport au rythme observé sur la décennie précédente.

Parallèlement, l’article 48 intègre l’objectif ZAN au sein de l’article L. 101-2du Code de l’urbanisme, définissant les principes généraux d’équilibre urbain à respecter, en y intégrant une définition de l’artificialisation des sols.

La notion pouvait jusqu’alors souffrir d’interprétations diverses, notamment dans le cadre de sa traduction au sein des documents d’urbanisme (certains la confondant parfois avec la notion d’imperméabilisation des sols, cependant que d’autres l’interprétaient de manière beaucoup plus large), laissant ainsi les collectivités elles-mêmes, mais aussi les professionnels du secteur dans une situation d’incertitude particulièrement peu satisfaisante.

Celle qui sera dorénavant retenue se veut plus pragmatique, impliquant une appréciation de l’atteinte éventuellement portée à la fonctionnalité des sols : « un sol est regardé comme artificialisé si l’occupation ou l’usage qui en est fait affecte durablement tout ou partie de ses fonctions écologiques, en particulier ses fonctions biologiques, hydriques et climatiques ainsi que son potentiel agronomique. Les surfaces de pleine terre ne sont pas considérées comme artificialisées. » Un décret en Conseil d’État devra fixer les conditions d’appréciation de ces nouvelles dispositions, et établir notamment une nomenclature de s sols artificialisés en fonction de leur occupation et de leur usage, ainsi que l’échelle à laquelle l’artificialisation des sols doit être appréciée.

Il est à noter que la notion de « friche » sera également définie, dans le cadre d’un nouvel article L. 111-26 ajouté au Code de l’urbanisme : « on entend par “friche” tout bien ou droit immobilier, bâti ou non bâti, inutilisé et dont l’état, la configuration ou l’occupation totale ou partielle ne permet pas un réemploi sans un aménagement ou des travaux préalables. Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret" (article 53 bis de la loi climat).

L’article 49 du projet de loi décline ensuite l’objectif de programmation ainsi fixé au niveau des documents de planification régionale (SRADDET, SDRIF, PADDUC et SAR), avec lesquels les documents d’urbanisme locaux (SCOT, PLU, Carte communale) devront être rendus compatibles. À l’échelle communale et intercommunale, les collectivités territoriales devront tenir compte, avant d’ouvrir de nouveaux secteurs à l’urbanisation, de la vacance des locaux et des capacités foncières disponibles dans les zones déjà artificialisées. Le règlement du PLU pourra également définir des règles de limitation de l’imperméabilisation des sols, de désimperméabilisation des sols et de compensation de toute nouvelle imperméabilisation. Là encore, un décret en Conseil d’État est attendu. Un rapport devrait également être rendu par chaque commune ou intercommunalité, au moins une fois tous les deux ans pour les communes de moins de 3 500 habitants et au moins une fois par an pour les communes et les intercommunalités de plus de 3 500 habitants, rendant compte de l’artificialisation des sols et donnant lieu à un débat devant l’organe délibérant .

Concrètement, les acteurs de l’urbanisme et de l’aménagement devront ici redoubler de vigilance, et ce dès avant le stade des réflexions préalables à l’acquisition de la maîtrise foncière. Tandis qu’elle précède parfois de plusieurs années la concrétisation des projets d’aménagement, via le dépôt des demandes d’autorisations d’urbanisme ou environnementales, la maîtrise foncière n’est en effet jamais source de droits acquis en termes de constructibilité. Alors que le projet de loi invite à ne plus raisonner à l’aune de l’unité foncière, mais à l’échelle de tout le territoire, suivant un état actualisé de la vacance et de la capacité d’accueil foncière disponible, la participation effective des constructeurs et aménageurs à l’évolution des documents d’urbanisme apparaît de mise, et certainement même partie intégrante à la conception des projets d’aménagement.

Dans les dix années suivant la promulgation de la loi, il est également fixé l’objectif de réduire de 50 % l’emprise au sol des constructions de parking par rapport à la décennie précédente (article 52 bis C). Cet objectif s’accompagne, dans la même période, de celui d’installer des ombrières pour 50 % des surfaces de parkings extérieurs existants. L’ensemble des parkings devront par ailleurs être végétalisés d’ici 2025.

 

Dérogations au PLU

L’article 51 bis du projet de loi élargit la liste et le champ d’application des dérogations au règlement d’un PLU ou d’un document en tenant lieu, en procédant à une réécriture de l’article L. 152-6du Code de l’urbanisme.

Celles-ci seront désormais également permises dans le périmètre d’une grande opération d’urbanisme et dans les secteurs d’intervention comprenant un centre-ville des opérations de revitalisation de territoire.

Il sera par ailleurs permis de déroger aux règles relatives au gabarit, dans la limite d’une majoration de 30 % de ces règles, comme aux obligations en matière de création d’aires de stationnement applicables aux logements, lorsque le projet de construction de logements est situé à moins de 500 mètres d’une gare ou d’une station de transport public guidé ou de transport collectif en site propre, en tenant compte de la qualité de la desserte, de la densité urbaine ou des besoins propres au projet au regard des capacités de stationnement existant à proximité.

Lorsque le règlement impose la réalisation d’aires de stationnement pour les véhicules motorisés, cette obligation pourra être réduite, à due proportion, d’une aire de stationnement pour véhicule motorisé en contrepartie de la création d’une infrastructure ou de l’aménagement d’un espace permettant le stationnement sécurisé de six vélos.

Une dérogation supplémentaire de 15 % des règles relatives au gabarit pourra en outre être autorisée pour les constructions contribuant à la qualité du cadre de vie, par la création d’espaces extérieurs en continuité des habitations, assurant un équilibre entre les espaces construits et les espaces libres, sans pouvoir concourir à excéder 50 % de dépassement au total.

Les dérogations pourront être refusées en tenant compte de la nature du projet, de la zone d’implantation ou des objectifs fixés par le PLU en matière de réduction du rythme de l’artificialisation des sols.

 

Optimisation de la densité des constructions

L’aménagement des Grandes opérations d’urbanisme (GOU) se verra tout d’abord conditionné au respect d’une densité minimale de constructions, le cas échéant décliné par secteur afin, toujours, de contribuer à limiter l’étalement urbain (article 51).

Aux termes d’un nouvel alinéa inséré à l’article L. 300-1 du Code de l’urbanisme, toute action ou opération d’aménagement faisant l’objet d’une évaluation environnementale, pour laquelle la première demande d’autorisation soumise à évaluation environnementale aura été déposée après l’entrée en vigueur de la loi, devra par ailleurs faire l’objet d’une étude sur l’optimisation de la densité des constructions dans la zone concernée, en tenant compte de la qualité urbaine ainsi que de la préservation et de la restauration de la biodiversité, et de la nature en ville. Les conclusions de cette étude seront prises en compte dans l’étude d’impact (article 51 bis).

Enfin, en matière de lotissements, et par exception au premier alinéa de l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme, lorsque la majorité des propriétaires le demandent ou l’acceptent, l’autorité compétente peut modifier à la hausse le nombre de lots autorisés au sein du lotissement pour procéder à une subdivision prévue à l’article L. 442-12 (article 53 bis A).

 

 

 

 

« La loi ambitionne de diviser par deux le rythme

d’artificialisation des sols sur les dix prochaines années par

rapport au rythme observé sur la décennie précédente. »

 

 

 

 

Interdiction de création ou d’extension de zones commerciales sources d’artificialisation des sols, et intégration de l’activité logistique au sein du DAAC du SCoT

L’objectif ZAN précité trouve dans le projet de loi une traduction très concrète, et déjà très décriée en matière d’exploitation commerciale.

À cet effet, l’article 52 du projet de loi intègre directement dans l'article L 752-6du Code de commerce fixant les conditions de délivrance de l’autorisation d’exploitation commerciale un principe général d’interdiction de création ou d’extension de surfaces commerciales qui engendreraient une artificialisation des sols au sens du nouvel article L. 101-2 du Code de l’urbanisme.

En ce cas, l’autorisation d’exploitation commerciale ne pourra désormais être délivrée qu’à titre dérogatoire, et pour les seuls projets inférieurs à 10 000 m² de surface de vente, sous réserve que le pétitionnaire démontre, à l’appui de l’analyse d’impact du projet produite à l’appui de la demande d’autorisation, que le projet s’insère en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d’urbanisation adéquat, qu’il répond aux besoins du territoire et qu’il obéit à l’un des critères suivants :

• l’insertion du projet dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ;

• l’insertion du projet dans une opération d’aménagement au sein d’un espace déjà urbanisé, afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné ;

• la compensation par la transformation d’un sol artificialisé en sol non artificialisé, au sens du II de l’article L. 1012 du Code de l’urbanisme ;

• l’insertion au sein d’un secteur d’implantation périphérique ou d’une centralité urbaine localisés dans le document d’orientation et d’objectifs du SCoT entré en vigueur avant la promulgation de la loi ou au sein d’une zone d’activité commerciale délimitée dans le règlement du PLUi entré en vigueur avant la promulgation de la loi.

La Commission nationale d’aménagement commercial examinera les demandes de dérogation présentées pour tous les projets d’une surface de vente supérieure à 3 000 m².

Un décret en Conseil d’État viendra préciser les modalités d’application de ces nouvelles dispositions.

Il reste qu’un tel dispositif, appliqué aux seuls projets soumis à autorisation d’exploitation commerciale, excluant donc nombre de projets similaires en termes d’artificialisation des sols comme en termes d’impacts environnementaux, pose bien évidemment question au regard de l’objectif poursuivi (on en voudra pour preuve le tollé suscité par le rejet des amendements proposés en faveur d’un encadrement similaire des entrepôts logistiques de e-commerce).

Au-delà même de la prise en compte de projets pourtant similaires, le nouveau dispositif interroge d’autant plus que les commerces et services marchands contribuent à hauteur de 5 % au rythme d’artificialisation des sols, contre 50 % pour l’habitat, et 16 % pour les infrastructures, qui quant à elles ne font l’objet d’aucune restriction suivant l’objectif ZAN.

Quoi qu’il en soit, l’impact est mesurable pour les entreprises, le critère ZAN devenant la clé de voute de la nouvelle procédure d’autorisation d’exploitation commerciale. L’économie des projets concernés, qui devront désormais prendre place sur un espace déjà artificialisé, devra a minima intégrer le coût de la remise en état du terrain en friche, soit un surcoût estimé par l’étude d’impact du projet de loi entre + 20 % et + 30 % par rapport à un terrain nu (études de dépollution, coûts de dépollution, démontage, déconstruction, etc.), voire le coût d’une construction à étages (renfort des structures), de parkings souterrains ou en superstructure, etc.

En parallèle, le document d’aménagement artisanal et commercial (DAAC) compris dans le document d’orientation et d’objectifs (DOO) du SCoT intègrera désormais l’activité logistique, en devenant un « document d’aménagement artisanal, commercial et logistique » (article 52 bis). Le nouveau document d’aménagement artisanal, commercial et logistique déterminera les conditions d’implantation des constructions commerciales et des constructions logistiques commerciales en fonction de leur surface, de leur impact sur l’artificialisation des sols et de leur impact sur les équilibres territoriaux, notamment au regard du développement du commerce de proximité, de la fréquence d’achat ou des flux générés par les personnes ou les marchandises.

 

Traitement et requalification au besoin forcée des ZAE

En complément de ces dispositions, l’article 53 charge les intercommunalités compétentes en matière de développement économique d’établir un inventaire des zones d’activités économiques définies à l’article L. 318-8-1
du Code de l’urbanisme sur leur territoire, réactualisé au minimum tous les six ans.

Il crée en parallèle, à l’instar du dispositif existant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), une nouvelle obligation de travaux d’office dans les zones d’activités économiques situées dans le périmètre d’un projet partenarial d’aménagement (PPA) ou d’une opération de revitalisation du territoire (ORT). Lorsque l’état de dégradation ou l’absence d’entretien par les propriétaires des locaux compromettront la réalisation d’une opération d’aménagement ou de restructuration de la zone, les propriétaires concernés pourront être mis en demeure de procéder à la réhabilitation des locaux, terrains ou équipements de la zone par le préfet, le maire ou le représentant de l’EPCI compétent après avis de l’organe délibérant. Faute d’avoir manifesté dans un délai de trois mois la volonté de se conformer à cette mise en demeure, ou lorsque les travaux de réhabilitation n’auront pas débuté dans un délai d’un an, l’expropriation des locaux pourra être engagée.

Un décret en Conseil d’État viendra préciser les conditions d’application de cet article.

 

Évaluation du potentiel de réversibilité et d'évolutivité des bâtiments

Suivant l’idée d’évolutivité des logements introduite par la loi Élan au sein du Code de la construction et de l’habitation, l’article 54 du projet de loi ambitionne de s’inscrire dans une démarche d’économie circulaire en imposant au maître d’ouvrage, préalablement aux travaux de construction ou de démolition d’un bâtiment (démolitions soumises à l’établissement d’un diagnostic déchets), la réalisation d’une étude du potentiel de changement de destination et d’évolution de celui-ci, y compris par sa surélévation. Pour les travaux de construction, un document attestant la réalisation de l’étude devra être transmis aux services de l’État compétents dans le département avant le dépôt de la demande de permis de construire. En cas de démolition, l’étude sera à joindre au diagnostic déchets, dont le contenu, les modalités de réalisation et de publication sont par ailleurs précisés par l’article 54 bis du projet de loi (nouveaux art. L. 126-34 et L. 126-35 du CCH). 

Un décret en Conseil d’État viendra déterminer les catégories de bâtiments concernés par la réalisation de cette étude, ainsi que son contenu.

Il en sera de même s’agissant du diagnostic déchet.

Ces dispositions, prévues pour entrer en vigueur le 1er janvier 2023 sont présentées comme un outil d’aide à la décision du maître d’ouvrage, censé contribuer à la réduction de la consommation de matières premières et d’émissions de gaz à effet de serre, car devant notamment permettre de limiter les opérations de démolition-reconstruction.

Faute de disposer encore des critères qui seront fixés par décret en Conseil d’État, il est difficile d’anticiper le coût du nouveau dispositif. 

Il reste néanmoins permis de s’interroger sur sa réelle effectivité au regard de l’objectif poursuivi. N’étant notamment pas sanctionné dans le cadre de l’instruction des dossiers de permis de construire ou de démolir, ni assorti de mesures incitatives particulières, il n’existe en effet aucune garantie que les bâtiments neufs auront effectivement été éco-conçus pour changer de destination ou de configuration, ou que la mesure contribuera effectivement à réduire le nombre de démolitions et ainsi la quantité de déchets générés. 

 

Habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance pour compléter les principales mesures proposées

De nouvelles mesures, certainement non dénuées d’importance, sont attendues. En ce sens, l’article 55 habilite le gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi, toutes mesures relevant du domaine de la loi afin de rationaliser les procédures d’autorisation prévues par le Code de l’urbanisme et le Code de l’environnement, pour accélérer les projets sur des terrains déjà artificialisés, dans les périmètres d’opérations de revitalisation de territoire, de grandes opérations d’urbanisme ou d’opérations d’intérêt national.

 

Secteur de l’agriculture – gestion des émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniaque

 

Les articles 62 et 63 de la loi climat concernent la question des émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniaque dans le secteur agricole.

On sait que les produits résultant de cycle de l’azote posent de très gros problèmes aussi bien en tant qu’émetteurs de gaz à effet de serre qu’en tant que pollueurs importants pour la santé humaine.

En effet, le protoxyde d’azote est un gaz à effet de serre dont l’effet forcatif est reconnu, et les NOx et surtout l’ammoniaque sont des polluants de l’air très importants.

En particulier, l’ammoniaque qui résulte des épandages agricoles est un précurseur des particules fines, lesquelles ont un effet délétère sur l’air et la santé humaine ; de plus, des corrélations claires ont été établies entre les épandages d’ammoniaque au printemps, l’augmentation des émissions de particules fines et le nombre de cas de Covid.

En conséquence, la France a des objectifs de réduction du protoxyde d’azote comme des objectifs de réduction des émissions d’ammoniaque.

Le sujet est connu depuis de très nombreuses années, mais aucune mesure concrète n’a jamais été prise.

L’étude d’impact de la loi climat met en lumière le fait que pour respecter l’engagement de la France en 2050, les émissions du secteur de l’agriculture devront être divisées par deux, soit une réduction de 15 % de protoxydes d’azote en 2030 par rapport à 2015 et 45 % en 2050.

Et ce chiffre ne prend pas en considération le nouvel objectif de 55 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2030 qui devrait encore faire progresser les objectifs de réduction des émissions de protoxyde d’azote.

S’agissant de l’ammoniaque, l’étude d’impact reconnaît que non seulement la France n’a pas baissé ses émissions, mais au contraire les a augmentées de près de 5 % entre 2005 et 2018, d’où un risque de contentieux européen.

La loi fixe donc un objectif de réduction de 13 % des émissions d’ammoniaque en 2030 par rapport à 2005 qui sera nécessairement insuffisant, et de 15 % des émissions de protoxyde d’azote en 2030 par rapport à 2015.

L’article 63 de la loi climat précise qu’un décret doit définir une trajectoire annuelle de réduction de ces émissions pour parvenir à l’objectif, et donne un an au gouvernement pour présenter un rapport sur le suivi de cette réduction.

En premier lieu, comme on vient de l’indiquer, l’objectif sera notoirement insuffisant par rapport aux nouveaux objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Mais surtout, on voit mal comment l’objectif serait tenu sans mesure contraignante puisque jusqu’à présent, non seulement aucune réduction n’a été observée, mais au contraire, on est en présence d’augmentations.

De surcroît, la jurisprudence du Conseil d’État « Grande Synthe » a désormais fixé une orientation très claire sur les réductions annuelles, en obligeant le gouvernement à justifier, année par année, que l’objectif est tenu.

On aurait donc imaginé des dispositions précises pour tenir cet objectif. Il n’en est rien.

En effet, l’article 62 de la loi climat ne fait qu’envisager de mettre en place une redevance sur les engrais azotés dans l’hypothèse où les objectifs annuels de réduction ne seraient pas tenus pendant deux années consécutives.

Compte tenu des délais nécessaires pour connaître les résultats d’une année sur l’autre, il est probable qu’aucune redevance ne sera envisagée avant 2023 ou 2024.

Dès lors, cette disposition n’a évidemment aucun caractère concret immédiatement.

La Convention citoyenne avait proposé la mise en place d’une redevance pour pollution diffuse dans le cadre de l’article L. 213-10-8 du Code de l’environnement. Mais l’étude d’impact contestait ce système en considérant que l’impact environnemental devait varier en fonction du type d’engrais et de son impact.

Il avait été envisagé dans l’étude d’impact une redevance de 30 euros pour les ammonitrates, 120 euros pour les solutions azotées, et 225 euros pour le protoxyde d’azote par tonne d’azote minéral acheté.

Ce n’est pas ce qui est retenu puisque rien n’est fixé de manière précise dans la loi climat.

En revanche, l’article 62 de ladite loi donne un délai d’un an au gouvernement pour présenter un rapport sur ce que pourrait être cette redevance sur les technologies et outils d’aide à la décision et à l’exploitation, ainsi que la liste des financements publics permettant d’accompagner ces démarches.

Il prévoit également une étude de l’impact écologique et économique de la création et de la mise en œuvre de certificats d’économie d’engrais azotés en conformité avec la trajectoire de réduction des émissions d’ammoniaques et de protoxydes d’azote.

On ne peut que déplorer une telle pusillanimité dans la disposition votée, et ce d’autant plus que l’étude d’impact souligne trois pages durant, l’impact positif qu’aurait une redevance à la fois sur le climat, sur l’air, sur l’eau et sur la biodiversité.

 

Secteur de l’agriculture – politique agricole commune (PAC)

 

Il s’agit ici d’évoquer l’élaboration du plan stratégique de cohérence concernant la PAC.

L’article 65 du projet de loi modifie l’article L.4 du Code rural et de la Pêche maritime. Il intègre la critique qui avait été faite par le Conseil d’État de reprendre la formulation proposée à l’Assemblée. Ces dispositions visent à écarter la critique de dispositions législatives prises par anticipation des règlements européens non encore publiés, dans la mesure où l’obligation d’établir ce plan stratégique national ne figure que dans un projet de règlement du Conseil, mais n’a pas été encore adoptée.

S’agissant du contenu même du texte, il assure la cohérence avec toutes les stratégies qui touchent à l’environnement : stratégie bas carbone, bien sûr, stratégie nationale pour la biodiversité, plan national de prévention des risques pour la santé, lutte contre la déforestation importée.

Ce texte n’a pas d’incidence juridique immédiate dans la mesure où le règlement communautaire à venir de la PAC est un règlement et a donc un effet direct en droit interne.

Cependant, il crée l’obligation pour l’État de réaliser annuellement un rapport de performance avec un certain nombre d’indicateurs :

• évaluation de l’impact, l’efficacité, l’efficience, la pertinence des interventions financées par son PSN ;

• contrôle des valeurs cibles (objectifs chiffrés) pour tous les indicateurs de résultat contribuant aux objectifs spécifiques du PSN ;

• suivi des progrès accomplis vers ces valeurs cibles.

Les documents de programmation, les plans d’action et les évaluations sont également transmis au Parlement et au Conseil économique et social et rendus publics.

Aucune sanction n’est naturellement prévue dans l’hypothèse où les documents ne seraient pas transmis, mais, dès lors que leur existence deviendra une obligation européenne, la non-transmission et la non-publication deviendront des infractions à la réglementation de l’Union. On peut donc espérer que cette disposition soit suivie d’effet.

 

L’encadrement des labels – le secteur de l’agroécologie

 

 

Cette disposition intéresse essentiellement le monde des PME. Elle reprend une proposition de la Convention citoyenne demandant le renforcement et l’encadrement des labels privés. Ce n’est pas l’objet de la proposition gouvernementale.

La disposition votée conformément à la proposition du gouvernement concerne la lisibilité du commerce équitable en intégrant l’environnement et l’agroécologie dans les principes du commerce équitable et en rendant obligatoire le recours à un label reconnu par l’État pour pouvoir utiliser le terme de commerce équitable.

L’interdiction des labels privés qui avait été formulée par la Convention pour le climat n’est pas retenue et c’est une autre disposition qui traite du sujet.

C’est la plateforme RSE créée au sein de France Stratégie qui sera chargée de reconnaître ses labels. À cet égard, le Parlement a rajouté un point supplémentaire numéro trois à l’article 66 pour préciser que c’est la plateforme nationale d’action globale pour la RSE, qui comprend parmi ses membres un député et un sénateur, qui validera le label pour une durée de trois ans. Ces dispositions entrent en vigueur au 1er janvier 2023.

Un nouvel article 66 bis a été ajouté par le Parlement au projet initial qui complète l’article L. 640-2-1 du Code rural et de la pêche maritime. Il autorise les labels privés pour des produits agricoles et forestiers ou alimentaires et les produits de la mer, bruts ou transformés à la condition qu’ils soient issus d’une démarche collective. Cependant, la disposition législative est particulièrement légère quant aux modalités d’encadrement des cahiers des charges et de contrôle même s’il en est prévu un contrôle régulier.

On peut craindre que cette disposition ne permette une floraison de label dont la réalité et la qualité pourront laisser à désirer.

 

Secteur de la grande distribution et de l’alimentaire

 

La loi climat modifie le Code de la consommation sur ce point, en modifiant le chapitre trois du titre Ier du livre Ier de ce Code pour créer deux sections : la première intitulée « informations sur les conditions sociales de fabrication des produits » et une seconde section totalement nouvelle, intitulée « informations sur la saisonnalité des fruits et des légumes ».

Ces dispositions prévoient un affichage dans les magasins de vente de plus de 400 m² d’une information claire et lisible relative à la saisonnalité limitée des fruits et légumes frais. Cette disposition est prévue pour encourager la consommation de fruits et légumes de saison. Mais, elle ne fait l’objet d’aucun contrôle ni d’aucune sanction. Elle est donc purement incitative.

Le secteur des entreprises est donc largement concerné par la loi climat. Sauf que comme cela a pu être démontré dans le présent article, la mise en œuvre des dispositions et le manque d’ambition générale posent déjà question, alors même que la loi n’est pas encore promulguée.

 

NOTES :

1) DC n° 90-283, 8 janvier 1991, Loi relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme ; CEDH, 5 mars 2009, n° 13353/05, Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c. France.

2) Loi n° 91-32 du 10 janvier 1991 relative à la lutte contre le tabagisme et l’alcoolisme, dite Loi évin.

3) QPC n° 2019-823 du 31 janvier 2020.

4) Voir Cass. Crim., 6 octobre 2009, n° 08-87.757 sur les emballages du Roundup de Monsanto ou encore CA Versailles, 19 septembre 2013, n° 12/07604 sur la publicité de capsules de café (« faites du goût, pas de déchets » et « assurément la meilleure façon de faire du café »).

5) Article 13 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC).

6) Adoption de l’amendement n° 4981 du 25 mars 2021 déposé par M. Patrick Mignola et a.


Corinne Lepage,

Avocate à la Cour,

Cabinet Huglo Lepage

 

Madeleine Babès,

Avocate à la Cour,

Cabinet Huglo Lepage

 

Roxane Sageloli,

Avocat à la Cour,

Cabinet Huglo Lepage

 

Raphaelle Jeannel,

 Avocate à la Cour,

Cabinet Huglo Lepage

 

Andréa Marti,

Avocat à la Cour,

Cabinet Huglo Lepage

 

 Benjamin Huglo,

Docteur en droit

 

 

 

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