Le traitement des factures électroniques
reçues sera obligatoire pour toutes les entreprises à partir de septembre 2026.
L'obligation faite aux PME et aux micro-entrepreneurs, de les émettre à
destination des clients professionnels a, elle, été prorogée à septembre 2027.
Maître Paul Moutardier,
avocat fiscaliste, a évoqué ce sujet à l'occasion d'un colloque à la Maison des
avocats de Clermont-Ferrand, le 19 septembre. L'avocat explique avant tout que
l'envoi par courriel d'une facture sous format pdf n'est pas une facturation
électronique au sens du texte. Alors, de quoi s'agit-il concrètement ?
Quelles seront les conséquences de cette exigence réglementaire sur la gestion
des entreprises au quotidien ?
6 milliards d'euros de fraude
fiscale récupérés en Italie
« On est dans un monde
en pleine évolution où on a des échanges de biens et de services qui ne
s'arrêtent plus à la frontière française, mais se font dans l'Union européenne,
et à travers le monde » fait remarquer Paul
Moutardier. L'administration fiscale doit s'adapter aux effets de la
mondialisation et elle renouvèle ainsi ses moyens de lutte contre les impayés.
L'accès numérique par l'administration aux mentions obligatoires des factures
permettra d'éviter des fraudes à la TVA. Une cellule de data mining a été créée
à Bercy, au sein de laquelle une trentaine d'informaticiens, fiscalistes de
métier, travaillent uniquement sur les données fiscales des entreprises afin de
déclencher des contrôles.
La facture est un document
qui justifie la collecte et la déductibilité de la TVA, son montant et son
exigibilité. Les entreprises qui n'y sont pas assujetties (ex : défense ou
sécurité), tout comme les consommateurs, ne sont donc pas concernées par la
réforme.
De l'autre côté des Alpes, le
Parlement italien a adopté, par la loi de finances de 2018, une réforme
équivalente. Les entreprises italiennes ont dû commencer à utiliser le SDI (ou
système d'échanges commerciaux) à partir de 2019. La Cour des comptes italienne
révélait le 8 avril dernier que le fisc a pu récupérer 6 milliards d'euros de fraude de la part de
contribuables grâce à la mise en place de cette facturation électronique.
Ce futur système de
facturation dématérialisée prévu en France permettra aussi un meilleur suivi
comptable et fiscal, comme c'est déjà le cas en Italie. Les entreprises
italiennes n’ont eu que six mois pour se mettre au pas, ce qui a causé un
tollé. Mais désormais, le système est accepté par les entrepreneurs, selon
l'avocat : « Pendant 3 mois, tout a été bloqué, c'était
l'apocalypse. Et aujourd'hui, quand on leur demande, les Italiens ne voudraient
pas revenir en arrière parce qu'ils ont vu les bienfaits de cette réforme avec
des relations plus apaisées entre fournisseurs et clients, des délais de
paiement améliorés. » En Italie, la réforme s'étend même au-delà de la
facturation aux professionnels et concerne aussi les factures faites aux
particuliers.
En l'absence de facturation
électronique, le simple envoi d'une facture par mail à un client peut rester
sans réponse de sa part. Or, cela instille un doute quant à la bonne
transmission des informations. En France, l'utilisation d'une plateforme,
dédiée et contrôlée par l'État, va permettre de recenser avec clarté les sommes
et délais impartis pour s'en acquitter. Certaines des informations seront
transmises à la DGCCRF (Direction des fraudes) afin de sanctionner les clients
pour leurs impayés, relève l'avocat.
Création des plateformes
partenaires dédiées
Bien que l'obligation ne
concerne que la facturation aux professionnels français, les entreprises vont
aussi devoir faire du e-reporting. C'est-à-dire reporter leurs chiffres
d'encaissement pour chacune de leurs opérations, y compris celles effectuées en
BtoC (transaction avec un consommateur) et avec les entreprises étrangères. « Les
comptables seront ravis. Ça leur fera des clients en plus, mais leurs clients
un peu moins », augure Paul Moutardier.
Les entreprises privées
prestataires du service public doivent déjà utiliser la plateforme Chorus
pro. Depuis janvier 2021, elles doivent émettre leurs factures auprès de
l'administration sur ce site. Elles pourront aussi passer par le PPF (Portail
public de facturation) concernant leurs relations business to business.
Paul Moutardier, Maison des
avocats de Clermont-Ferrand
Dès septembre 2026, toutes
les entreprises (y compris les micro-entreprises) devront recevoir les factures
de leurs sous-traitants et de leurs fournisseurs sur le PPF, qui est un service
public et gratuit.
Ils pourront aussi en passer
par les plateformes
dématérialisées partenaires (PDP) qui seront, elles, privées et accréditées
par l'administration fiscale. Ces dernières transmettront ensuite les
informations au fisc. Les mentions manquantes seront susceptibles de condamner
l'auteur de la facture à une amende de 15€.
Les plateformes partenaires
seront immatriculées et payantes. On peut s'inquiéter de savoir si les
entrepreneurs pourront choisir une PDP, ou si elle sera imposée par le rapport
client/ fournisseur. Le problème serait de se voir obligé à l'utilisation d'une
des plateformes payantes, non juridiquement, mais commercialement, par un
acteur majeur, tel qu'un fournisseur d'énergie. Les prestataires qui ont un
poids conséquent pourraient asseoir leur domination sur les clients.
Les experts-comptables
souhaitent que la facturation électronique en passe par leur plateforme Jefacture.com.
Selon le conférencier, l'intérêt d'en passer par un service payant est que
seules les mentions obligatoires sont transmises ensuite au PPF, mais pas
l'intégralité de la facture. La PDP pourra aussi servir de plateforme dédiée à
la conservation sécurisée des factures de l'entreprise. Il incombera en effet
aux sociétés la conservation de ces données pendant une durée de six ans.
Le chiffre d'affaires, mieux
connu par les services de l'administration fiscale, devrait aboutir à un
ciblage plus efficace des aides de l'État. L'avocat prend l'exemple de la crise
sanitaire de 2020 qui a engendré un effondrement des entreprises du secteur de
la restauration. Un calcul comparatif des chiffres d'affaires avant, et pendant
une crise économique, permettra de mieux réagir.
« Le fait d'envoyer
directement la facture à mon client, ça n'existera plus ». Les
entreprises françaises ont encore deux ans pour se mettre en conformité avec
les futures modalités de facturation. Paul Moutardier imagine l’avenir
ainsi : « Ce sera un peu une révolution au début comme toutes les
réformes, mais je pense qu'à terme, ce sera un gain de temps. »
Antonio
Desserre