Alors que dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti préside ce jour le Conseil des ministres européens de la Justice où il sera notamment question de la situation en Ukraine, les professions juridiques françaises, européennes et internationales s'organisent pour apporter aide et soutien à la population ukrainienne.
Une semaine après l’invasion de l’Ukraine
par la Russie, le monde entier a les yeux rivés sur l’Est du continent
européen. Ce retour de la guerre inquiète les organisations juridiques françaises, européennes et internationales qui, en réaction, se mobilisent pour dénoncer l’offensive
russe lancée par Vladimir Poutine et la violation du droit international, et apporter leur soutien au peuple ukrainien.
Les barreaux français solidaires
Le barreau d’Épinal a été l’un des premiers à réagir. Le 25 février, rappelant
que « les avocats sont les piliers
de la démocratie », ce dernier a déclaré son « soutien sans faille au peuple ukrainien, et
plus particulièrement à son corps juridique (avocats, magistrats greffiers) ».
Se tenant à la disposition de tout ressortissant ukrainien ayant besoin des
services d’un avocat, le barreau a, à ce titre, mis en place une permanence de
demande d’assistance juridique.
À Nice, le barreau a également monté en urgence une permanence, afin
d’accompagner les demandeurs d’asile ukrainiens, à compter du 3 mars 2022 ; un
dispositif lancé précipitamment et qui sera précédé d’une formation spécifique
destinée à tous les avocats. En parallèle, et
en partenariat avec le Secours populaire, le barreau niçois a également
organisé, le 1er mars dernier, une collecte de produits de première
nécessité et leur acheminement en Ukraine.
Dans la ligne droite de ces actions, le barreau de Mulhouse l’a déclaré :
« la France doit être une terre
d’asile pour ces populations » qui fuient leur pays. Celui-ci s’est
ainsi dit « mobilisé afin de
conseiller et d’assister dans leurs démarches ces personnes et ceux qui se proposent
de les accueillir », qui peuvent contacter la maison de l’avocat, pour
obtenir les coordonnées d’un avocat volontaire et compétent en matière de droit
d’asile.
Le barreau parisien s’est dit « profondément
choqué par les actions militaires entreprises par la Russie contre l’Ukraine
qui constituent une violation de nombreuses règles du droit international »
et a affirmé sur Twitter « sa solidarité envers le peuple ukrainien,
ses confrères, les magistrats et toute la communauté juridique qui œuvre pour
la justice dans ce pays agressé ».
« Parce que rester sans rien tenter
est simplement insupportable », les avocats d’Amiens, comme ceux de
Bordeaux ont également répondu présents pour aider les réfugiés ukrainiens, en
recensant pour l’un les solutions d’hébergement offertes aux réfugiés ou en
proposant pour l’autre des consultations gratuites auprès d’avocats formés au
droit d’asile. Des actions utiles, pour venir en aide à cette population
attaquée et démunie.
Réuni en séance extraordinaire le 1er mars, le barreau des Hauts-de-Seine s’est également dit « prêt à tout mettre en œuvre pour venir en
aide, à la mesure de ses moyens, à ce pays par des actions humanitaires, de
soutien des avocats ukrainiens amis également d’aides aux réfugiés ukrainiens
qui viendront en France ». Dans le prolongement, le Conseil de
l'Ordre encourage l’aide apportée à l’association d’Aide médicale
caritative pour l’Ukraine et votera prochainement une aide financière à
destination de cette association. Il appelle enfin tous les bénévoles pouvant
épauler les avocats en droit d'asile (aide juridique, hébergement) à s’inscrire
sur une plateforme dédiée.
De son côté, le 28 février, le Conseil national des barreaux a mené une
réunion de crise portant sur la situation des avocats ukrainiens, puis a
publié un communiqué dans lequel il s’est joint notamment au CCBE
pour dénoncer l’action russe, et saluer « la position courageuse des avocats russes qui se sont prononcés en
faveur du respect de l’Etat de doit et de la cessation des hostilités ». La profession a également noté l’urgence de la mise en
place, au sien de l’Union européenne, d’ « un dispositif opérationnel
permettant l’évacuation et l’accueil des personnes déplacées, mais également
des avocats et des défenseurs des droits humain qui sont particulièrement
exposés aux représailles ». Le CNB a enfin déclaré avoir pris attache
avec le barreau ukrainien et avec les barreaux limitrophes pour apporter son
aide, et recherche des avocats parlant ukrainien ou russe, « sans forcément de compétence en droit d'asile », pour accompagner et orienter les réfugiés en France, bénéficiant de la protection temporaire (pour se porter volontaire, cliquez ici).
L’ACE et l’AFJE dénoncent la violation du droit international
Réagissant à la crise en Ukraine, les Avocats Conseils d’Entreprises,
représentés par leur président Emmanuel Raskin, mais aussi la présidente de Section
Internationale Valérie Morales et le responsable Pôle Droits de l’Homme de la
Section Internationale de l’ACE, William Julie, ont fermement dénoncé « les graves violations du droit
international commises par la Russie en Ukraine ». Les attaques et
bombardements menés par le gouvernement russe « constituent un recours excessif à la force contre l’intégrité du
territoire ukrainien et une violation caractérisée de l’article 2 § 4 de la
Charte des Nations unies » a fait savoir l’association dans un
communiqué.
L’existence d’un conflit armé international « oblige les États à respecter le droit international
humanitaire, notamment les quatre Conventions de Genève de 1949, le protocole
additionnel de 1977 applicable en situation de conflit armé international, mais
également les droits humains qui continuent à s’appliquer en période de
conflit. Les personnes se rendant coupables de telles exactions pourraient voir
leur responsabilité pénale engagée devant la Cour Pénale Internationale,
l’Ukraine ayant reconnu en 2015 la compétence de la Cour », a rappelé
l’ACE, qui a, en outre, indiqué apporter « tout éclairage juridique utile pour répondre aux interrogations de [ses]
clients, entreprises, organisations ou particuliers se trouvant sur place ou
ayant des liens commerciaux avec l’Ukraine ou la Russie. »
De son côté, l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE) a
également dénoncé la violation, par la Russie, de « tous les principes du droit international ». « Il n’y a pas de paix sans droit ! »,
a alors rappelé son président Marc Mossé sur Twitter, le 25 février. L'AFJE
appelle donc « au respect du droit
international humanitaire et à la protection des populations civiles alors que
les hostilités s’intensifient ». « Plus
que jamais, l’Europe doit se tenir aux côtés [de l’Ukraine] », a
appuyé Marc Mossé.
Les Notaires d’Europe aux
côtés de la profession notariale ukrainienne
En Europe justement, les notaires ont également fait
part de leur soutien. Le 25 février dernier, le président du CNUE (Conseil
Notaires d'Europe) Giampaolo Marcoz a adressé au président de la Chambre notariale
de l’Ukraine, Volodymyr Marchenko, un message « fraternel de solidarité et de compassion ».
Assurant sa détermination « pour mettre fin aux hostilités, pour rétablir la paix et assurer
la primauté du droit dans les relations internationales sur le continent
européen », celui-ci s’est dit à la disposition de son confrère et du
peuple ukrainien pour toute aide et accueil humanitaires.
La réponse ne s’est pas fait attendre. Au lendemain,
dans une lettre, le président Volodymyr Marchenko a fait part de sa situation :
« Aujourd'hui, les notaires
ukrainiens, comme tout l'État ukrainien et le peuple ukrainien, sont confrontés
à une violation de toutes les normes et principes civilisationnels sans
précédent – une invasion militaire directe de l'État agresseur de la Fédération
de Russie. » « Aujourd'hui,
en Ukraine, il y a une lutte entre la démocratie et la dictature, entre la
civilisation et la barbarie, entre le passé et l'avenir non seulement de
l'Ukraine, mais aussi du monde entier » a-t-il gravement poursuivi.
Il lance ainsi un appel à la communauté notariale
mondiale pour qu’elle lui vienne en aide : « nous avons besoin d'aide – sanctions, armes, ressources
matérielles, tout soutien, influence sur les gouvernements – car au centre de
l'Europe, ils essaient de tuer plus de 40 millions du peuple ukrainien, qui a
prouvé à plusieurs reprises son l'européanité. Nous appelons : aidez-nous »,
a-t-il conclu.
La
profession juridique internationale en soutien
Alors que le procureur de la Cour pénale
internationale, Karim A.A. Khan QC, suite l'appel du CCBE, a déclaré vouloir « procéder à l'ouverture d'une enquête »,
à l’international aussi les organisations juridiques se mobilisent.
Pour le président de l’International Bar Association (IBA)
(la voix mondiale de la profession juridique), Sternford Moyo, « cet acte du président Poutine est un
moment décisif qui viole incontestablement le droit international. Les États membres
de l’Organisation des Nations unies sont convenus, depuis 1945, que le
territoire ne devrait changer de mains que par consentement. Cette règle est au
cœur du maintien de l’ordre international entre les États. L’IBA, fondée pour
promouvoir et protéger l’État de droit, condamne fermement l’invasion de
l’Ukraine par la Russie ». Le directeur exécutif de l’IBA, Mark Ellis,
a également rappelé que « Tous les
cas de recours à la force par un État contre un autre, indépendamment de la
gravité ou des objectifs, constituent une violation. Ce principe de protection
est inviolable et l’une des normes les plus fondamentales du droit
international. Il n’y a que deux exceptions principales à ce principe – l’État
agit en état de légitime défense ou agit en vertu d’une résolution du Conseil
de sécurité des Nations unies. Aucune de ces deux exceptions n’est applicable
aux actions de la Russie contre l’Ukraine », a-t-il déclaré.
Enfin, dans un communiqué commun, au deuxième jour de
l'offensive russe, l'Union Internationale des Avocats (UIA) et l'Association
Internationale des Jeunes Avocats (AIJA) ont noté « avec
une profonde consternation et une grande inquiétude l'invasion militaire du
territoire de l'État d'Ukraine par
l'armée de la Fédération de Russie » qu’elles ont condamné
« fermement ». « En ignorant toutes les tentatives
diplomatiques de médiation internationale pour éviter cette grave crise qui
fera certainement un grand nombre de victimes et entraînera une catastrophe
humanitaire de grande ampleur, la Fédération de Russie risque de provoquer une
dangereuse instabilité dans le monde, ce qui est inacceptable »,
ont-elles considéré.
Elles réclament alors « à la Fédération de Russie de faire
respecter l'État de droit et de respecter les conventions, traités, accords et
principes internationaux qu'elle a précédemment ratifiés et auxquels elle a
précédemment accepté d'être liée », demandant « instamment
à la Fédération de Russie de reconsidérer sa position, de cesser immédiatement
toutes les hostilités et d'ordonner le retrait pacifique de ses troupes du
territoire souverain de l'État d'Ukraine, rendant ainsi au Monde la paix dans
laquelle tous les êtres humains souhaitent vivre ».
« La communauté internationale des avocats est aux côtés de la nation
ukrainienne ! » ont-elles conclu.
Constance Périn