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Invasion russe : les professions du droit aux côtés de l’Ukraine

Invasion russe : les professions du droit aux côtés de l’Ukraine
Publié le 04/03/2022 à 09:14

Alors que dans le cadre de la présidence française de l'Union européenne, le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti préside ce jour le Conseil des ministres européens de la Justice où il sera notamment question de la situation en Ukraine, les professions juridiques françaises, européennes et internationales s'organisent pour apporter aide et soutien à la population ukrainienne. 





Une semaine après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le monde entier a les yeux rivés sur l’Est du continent européen. Ce retour de la guerre inquiète les organisations juridiques françaises, européennes et internationales qui, en réaction, se  mobilisent pour dénoncer l’offensive russe lancée par Vladimir Poutine et la violation du droit international, et apporter leur soutien au peuple ukrainien. 

 


Les barreaux français solidaires

Le barreau d’Épinal a été l’un des premiers à réagir. Le 25 février, rappelant que « les avocats sont les piliers de la démocratie », ce dernier a déclaré son « soutien sans faille au peuple ukrainien, et plus particulièrement à son corps juridique (avocats, magistrats greffiers) ». Se tenant à la disposition de tout ressortissant ukrainien ayant besoin des services d’un avocat, le barreau a, à ce titre, mis en place une permanence de demande d’assistance juridique.

À Nice, le barreau a également monté en urgence une permanence, afin d’accompagner les demandeurs d’asile ukrainiens, à compter du 3 mars 2022 ; un dispositif lancé précipitamment et qui sera précédé d’une formation spécifique destinée à tous les avocats. En parallèle, et en partenariat avec le Secours populaire, le barreau niçois a également organisé, le 1er mars dernier, une collecte de produits de première nécessité et leur acheminement en Ukraine.

Dans la ligne droite de ces actions, le barreau de Mulhouse l’a déclaré : « la France doit être une terre d’asile pour ces populations » qui fuient leur pays. Celui-ci s’est ainsi dit « mobilisé afin de conseiller et d’assister dans leurs démarches ces personnes et ceux qui se proposent de les accueillir », qui peuvent contacter la maison de l’avocat, pour obtenir les coordonnées d’un avocat volontaire et compétent en matière de droit d’asile.

Le barreau parisien s’est dit « profondément choqué par les actions militaires entreprises par la Russie contre l’Ukraine qui constituent une violation de nombreuses règles du droit international » et a affirmé sur Twitter « sa solidarité envers le peuple ukrainien, ses confrères, les magistrats et toute la communauté juridique qui œuvre pour la justice dans ce pays agressé ».

« Parce que rester sans rien tenter est simplement insupportable », les avocats d’Amiens, comme ceux de Bordeaux ont également répondu présents pour aider les réfugiés ukrainiens, en recensant pour l’un les solutions d’hébergement offertes aux réfugiés ou en proposant pour l’autre des consultations gratuites auprès d’avocats formés au droit d’asile. Des actions utiles, pour venir en aide à cette population attaquée et démunie.

Réuni en séance extraordinaire le 1er mars, le barreau des Hauts-de-Seine s’est également dit « prêt à tout mettre en œuvre pour venir en aide, à la mesure de ses moyens, à ce pays par des actions humanitaires, de soutien des avocats ukrainiens amis également d’aides aux réfugiés ukrainiens qui viendront en France ». Dans le prolongement, le Conseil de l'Ordre encourage l’aide apportée à l’association d’Aide médicale caritative pour l’Ukraine et votera prochainement une aide financière à destination de cette association. Il appelle enfin tous les bénévoles pouvant épauler les avocats en droit d'asile (aide juridique, hébergement) à s’inscrire sur une plateforme dédiée.

De son côté, le 28 février, le Conseil national des barreaux a mené une réunion de crise portant sur la situation des avocats ukrainiens, puis a publié un communiqué dans lequel il s’est joint notamment au CCBE pour dénoncer l’action russe, et saluer « la position courageuse des avocats russes qui se sont prononcés en faveur du respect de l’Etat de doit et de la cessation des hostilités ». La profession a également noté l’urgence de la mise en place, au sien de l’Union européenne, d’ « un dispositif  opérationnel permettant l’évacuation et l’accueil des personnes déplacées, mais également des avocats et des défenseurs des droits humain qui sont particulièrement exposés aux représailles ». Le CNB a enfin déclaré avoir pris attache avec le barreau ukrainien et avec les barreaux limitrophes pour apporter son aide, et recherche des avocats parlant ukrainien ou russe, « sans forcément de compétence en droit d'asile »,  pour accompagner et orienter les réfugiés en France, bénéficiant de la protection temporaire (pour se porter volontaire, cliquez ici). 



L’ACE et l’AFJE dénoncent la violation du droit international

Réagissant à la crise en Ukraine, les Avocats Conseils d’Entreprises, représentés par leur président Emmanuel Raskin, mais aussi la présidente de Section Internationale Valérie Morales et le responsable Pôle Droits de l’Homme de la Section Internationale de l’ACE, William Julie, ont fermement dénoncé « les graves violations du droit international commises par la Russie en Ukraine ». Les attaques et bombardements menés par le gouvernement russe « constituent un recours excessif à la force contre l’intégrité du territoire ukrainien et une violation caractérisée de l’article 2 § 4 de la Charte des Nations unies » a fait savoir l’association dans un communiqué.

L’existence d’un conflit armé international « oblige les États à respecter le droit international humanitaire, notamment les quatre Conventions de Genève de 1949, le protocole additionnel de 1977 applicable en situation de conflit armé international, mais également les droits humains qui continuent à s’appliquer en période de conflit. Les personnes se rendant coupables de telles exactions pourraient voir leur responsabilité pénale engagée devant la Cour Pénale Internationale, l’Ukraine ayant reconnu en 2015 la compétence de la Cour », a rappelé l’ACE, qui a, en outre, indiqué apporter « tout éclairage juridique utile pour répondre aux interrogations de [ses] clients, entreprises, organisations ou particuliers se trouvant sur place ou ayant des liens commerciaux avec l’Ukraine ou la Russie. »

De son côté, l’Association Française des Juristes d’Entreprise (AFJE) a également dénoncé la violation, par la Russie, de « tous les principes du droit international ». « Il n’y a pas de paix sans droit ! », a alors rappelé son président Marc Mossé sur Twitter, le 25 février. L'AFJE appelle donc « au respect du droit international humanitaire et à la protection des populations civiles alors que les hostilités s’intensifient ». « Plus que jamais, l’Europe doit se tenir aux côtés [de l’Ukraine] », a appuyé Marc Mossé.







Les Notaires d’Europe aux côtés de la profession notariale ukrainienne

En Europe justement, les notaires ont également fait part de leur soutien. Le 25 février dernier, le président du CNUE (Conseil Notaires d'Europe) Giampaolo Marcoz a adressé au président de la Chambre notariale de l’Ukraine, Volodymyr Marchenko, un message « fraternel de solidarité et de compassion ».

Assurant sa détermination « pour mettre fin aux hostilités, pour rétablir la paix et assurer la primauté du droit dans les relations internationales sur le continent européen », celui-ci s’est dit à la disposition de son confrère et du peuple ukrainien pour toute aide et accueil humanitaires.

La réponse ne s’est pas fait attendre. Au lendemain, dans une lettre, le président Volodymyr Marchenko a fait part de sa situation : « Aujourd'hui, les notaires ukrainiens, comme tout l'État ukrainien et le peuple ukrainien, sont confrontés à une violation de toutes les normes et principes civilisationnels sans précédent – une invasion militaire directe de l'État agresseur de la Fédération de Russie. » « Aujourd'hui, en Ukraine, il y a une lutte entre la démocratie et la dictature, entre la civilisation et la barbarie, entre le passé et l'avenir non seulement de l'Ukraine, mais aussi du monde entier » a-t-il gravement poursuivi.

Il lance ainsi un appel à la communauté notariale mondiale pour qu’elle lui vienne en aide : « nous avons besoin d'aide – sanctions, armes, ressources matérielles, tout soutien, influence sur les gouvernements – car au centre de l'Europe, ils essaient de tuer plus de 40 millions du peuple ukrainien, qui a prouvé à plusieurs reprises son l'européanité. Nous appelons : aidez-nous », a-t-il conclu.

 


La profession juridique internationale en soutien 

Alors que le procureur de la Cour pénale internationale, Karim A.A. Khan QC, suite l'appel du CCBE, a déclaré vouloir « procéder à l'ouverture d'une enquête », à l’international aussi les organisations juridiques se mobilisent.

Pour le président de l’International Bar Association (IBA) (la voix mondiale de la profession juridique), Sternford Moyo, « cet acte du président Poutine est un moment décisif qui viole incontestablement le droit international. Les États membres de l’Organisation des Nations unies sont convenus, depuis 1945, que le territoire ne devrait changer de mains que par consentement. Cette règle est au cœur du maintien de l’ordre international entre les États. L’IBA, fondée pour promouvoir et protéger l’État de droit, condamne fermement l’invasion de l’Ukraine par la Russie ». Le directeur exécutif de l’IBA, Mark Ellis, a également rappelé que « Tous les cas de recours à la force par un État contre un autre, indépendamment de la gravité ou des objectifs, constituent une violation. Ce principe de protection est inviolable et l’une des normes les plus fondamentales du droit international. Il n’y a que deux exceptions principales à ce principe – l’État agit en état de légitime défense ou agit en vertu d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies. Aucune de ces deux exceptions n’est applicable aux actions de la Russie contre l’Ukraine », a-t-il déclaré.








Enfin, dans un communiqué commun, au deuxième jour de l'offensive russe, l'Union Internationale des Avocats (UIA) et l'Association Internationale des Jeunes Avocats (AIJA) ont noté « avec une profonde consternation et une grande inquiétude l'invasion militaire du territoire de l'État d'Ukraine par l'armée de la Fédération de Russie » qu’elles ont condamné « fermement ». « En ignorant toutes les tentatives diplomatiques de médiation internationale pour éviter cette grave crise qui fera certainement un grand nombre de victimes et entraînera une catastrophe humanitaire de grande ampleur, la Fédération de Russie risque de provoquer une dangereuse instabilité dans le monde, ce qui est inacceptable », ont-elles considéré.

Elles réclament alors « à la Fédération de Russie de faire respecter l'État de droit et de respecter les conventions, traités, accords et principes internationaux qu'elle a précédemment ratifiés et auxquels elle a précédemment accepté d'être liée », demandant « instamment à la Fédération de Russie de reconsidérer sa position, de cesser immédiatement toutes les hostilités et d'ordonner le retrait pacifique de ses troupes du territoire souverain de l'État d'Ukraine, rendant ainsi au Monde la paix dans laquelle tous les êtres humains souhaitent vivre ».

« La communauté internationale des avocats est aux côtés de la nation ukrainienne ! » ont-elles conclu.


Constance Périn




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