Dans son dernier bilan d’activité, la DGCCRF
opère un focus sur la pandémie, et relève notamment que les masques et les
solutions hydroalcooliques font l’objet de multiples fraudes, à l’origine de
contrôles spécifiques.
La Direction générale de la concurrence, de
la consommation et de la répression des fraudes vient de publier son
traditionnel bilan d’activité 2020. Un compte rendu nettement chamboulé par la
crise sanitaire. Car si le nombre de contrôles « physiques » a baissé en raison
de la pandémie et du confinement, les contrôles de sites Internet se sont
avérés plus nombreux. En effet, une forte accélération des pratiques illicites
« en ligne » est née des inquiétudes générées par la situation actuelle. Par
ailleurs, des milliers d’entreprises ont été contrôlées dans le cadre d’ « enquêtes
spécifiques Covid ». « 10 700 actions des enquêteurs ont concerné la
recherche de pratiques commerciales trompeuses », révèle le rapport.
MASQUES : 9 % D’ANOMALIES
Dans le détail, ces enquêtes ont, pour une
partie d’entre elles, concerné la vente des masques. Si face au risque de
pénurie de masques, une nouvelle catégorie de masques dits « grand public »
(MGP) a été créée l’an dernier, en parallèle, de nombreuses initiatives
industrielles ont vu le jour en la matière. Une bonne nouvelle pour freiner la
propagation du virus… mais aussi du pain bénit pour les arnaques. Bien que le
prix des masques chirurgicaux ait été réglementé et les conditions de mise sur
le marché des MGP encadrées, la DGCCRF a donc lancé une enquête destinée à
lutter contre les abus. Résultat, parmi plus de 20 000 établissements
contrôlés, « 9 % comportaient au moins une anomalie », dévoile-t-elle,
avec, à la clef, plus de 2 000 avertissements, 222 injonctions, 34 procédures
pénales et 4 procès- verbaux administratifs.
Parmi les abus les plus courants, le bilan
recense le dépassement des prix de vente des masques chirurgicaux, qui ne peut
dépasser 0,95 euro TTC pour la vente au détail et 0,80 euro HT par unité pour
la vente en gros. Les contrôles ont également démontré que l’information des
consommateurs, notamment en matière de conseils d’utilisation lors de la vente,
n’avait « pas toujours été complète, et que les justificatifs de conformité
(démontrant les performances des masques) ou justifiant certaines allégations,
étaient parfois manquants ».
Enfin, la DGCCRF fait état de pratiques commerciales
trompeuses et de tromperies sur les qualités substantielles de la marchandise.
« En-dehors de l’exagération du niveau de résistance aux lavages ou de la
réalité des tests mis en avant, plusieurs cas de “francisation” de
masques “alternatifs” ont été relevés ("Fabriqué en France", "Made in France", etc.),
alors qu’ils étaient en réalité fabriqués à l’étranger, le plus souvent en Asie
», rapporte-t-elle.
74 % DES GELS ET SOLUTIONS
HYDROALCOOLIQUES SUSPECTÉS JUGÉS NON CONFORMES
Dans le viseur également depuis le début de
la crise sanitaire, le dépassement du prix des gels et solutions hydroalcooliques
(GHA/SHA).
En la matière, les contrôles ont porté à la
fois sur les fabricants et importateurs de ces produits, mais également sur les
grossistes et sur les distributeurs, notamment les sites de vente en ligne, la
grande distribution, les pharmacies et les petits commerces de proximité,
grâce, en particulier, aux signalements effectués par les consommateurs sur
SignalConso. Mi-janvier 2021, sur 26 500 visites de contrôle des agents de la
DGCCRF, plus de 16 % des établissements ne respectaient pas les prix plafond.
Près de 3 100 avertissements, 400 injonctions, 300 procès-verbaux pénaux et 15
procès- verbaux administratifs ont été délivrés pour pratiques commerciales
trompeuses et/ou non-respect de l’encadrement des prix.
Par ailleurs, hormis les tarifs pratiqués,
c’est l’efficacité de certains produits qui a demandé des investigations
spécifiques. À la suite de plusieurs signalements, la DGCCRF a lancé une série
de prélèvements et d’analyses effectués par le Service commun des laboratoires.
But de la manœuvre : analyser le taux d’alcool des produits « susceptibles
de révéler des dangerosités » (incohérences liées à l’emballage, à
l’étiquetage, etc.), afin de s’assurer de leur efficacité sur la base des
recommandations de l’ANSES, qui requiert une concentration volumique d’alcool
supérieure à 60 %. Là encore, les chiffres sont éloquents : sur cet échantillon
de 183 produits ciblés comme objets de suspicions, 74 % ont ainsi été déclarés
soit non conformes (36 %), soit non conformes et dangereux (38 %). Plus
précisément, 22 produits (12 % des produits analysés) ont présenté une teneur
en alcool insuffisante et se sont donc révélés non conformes et dangereux. 47
produits (26 % des produits analysés), pour lesquels la teneur en alcool était
suffisante, ont également été déclarés non conformes et dangereux en raison
d’un étiquetage minimisant les dangers présentés par ces produits
(principalement le danger de leur inflammabilité) et 66 produits (36 %) ont été
reconnus non conformes du fait d’un étiquetage incomplet ou incorrect.
LE COMMERCE EN LIGNE DANS LE
COLLIMATEUR
Tout ce qui a trait au commerce en ligne des
produits liés à la Covid a également fait l’objet d’une vérification renforcée,
précise le bilan d’activité. À commencer par les noms de domaine, qui ont été
passés au crible. Sur ce point, un partenariat avec l’AFNIC (l’Association
française pour le nommage Internet en coopération) sur toute la durée de l’état
d’urgence a permis à la DGCCRF d’accéder à une liste quotidienne et actualisée
des noms de domaine à l’extension « .fr » comportant « des expressions
appartenant au champ sémantique associé à la pandémie de Covid-19 ». En
juillet 2020, cette liste comportait plus de 2 000 sites. Le partenariat permet
également « d’obtenir le blocage de sites reconnus par la DGCCRF comme
supports de pratiques commerciales trompeuses (par exemple, fausse i ndication
de partenariat/ reversement caritatif, collecte de données personnelles sous
couvert d’attestation de sortie dérogatoire, vente de faux tests Covid-19 ou de
respirateurs) », souligne le rapport.
Autre axe de contrôle : les prix des gels
hydroalcooliques sur les plateformes étrangères (Aliexpress, Wish, Joom, Vova),
via un outil de « scraping » permettant de récupérer les données. Plus
de 2 300 offres ont ainsi fait l’objet d’injonctions de mise en conformité.
Le rapport mentionne en outre que certains
opérateurs de commerce en ligne tentent de contourner la pénurie en
commercialisant dans les catégories « gels hydroalcooliques » des produits
cosmétiques, par exemple. « Sur 23 sites de parapharmacies en ligne
contrôlés, 7 opérateurs ont reçu des injonctions de cessation de pratiques
commerciales trompeuses avec remise en conformité demandée dans un délai très
réduit. Près de 3 000 offres de gel hydroalcoolique ont été supprimées pour
prix non conformes » indique-t-il.
Quant à certains masques vendus en ligne, la
ruse la plus courante consiste en une présentation trompeuse : des masques sont
annoncés FFP2 ou KN95, alors qu’il s’agit « au mieux de simples masques antipollution
». Des sites entretiennent par ailleurs la confusion sur les qualités des
masques proposés à la vente, notamment sur les garanties de protection. « Plus
de 200 sites proposant des masques ont fait l’objet d’enquêtes », assure la
DGCCRF.
Enfin, cette dernière fait la chasse aux
boutiques de vente en ligne de « produits miracles » contre la Covid :
faux vaccins, médicaments, compléments alimentaires, huiles essentielles, miel,
purificateurs d’air, faux test de dépistage, objets de stérilisation, faux
arrêts maladie ou documents de « mise en quarantaine ». Plus de 1 000
sites d’arnaques ont d’ores et déjà été épinglés.
La vente de compléments alimentaires supposés
protéger contre le virus a d’ailleurs pris de telles proportions en Europe que
cela a conduit la Commission européenne à mettre en place une action coordonnée
des autorités de contrôle de chaque pays européen.
Bérengère Margaritelli