Laurent Gamet, professeur à l’Université Paris-Est et président de
la section de droit social de la Société de législation comparée, a organisé,
le 18 février dernier, cette conférence axée sur l’approche suisse du licenciement injustifié. Il a
invité le professeur Jean-Philippe Dunand, de l’Université de Neuchâtel, à
développer le sujet et à répondre aux participants.
Les Suisses n’ont pas de Code du
travail mais plusieurs articles de loi qui se cumulent ainsi que des
dispositions. Les principales d’entre elles se trouvent dans le Code des
obligations (une partie du Code civil suisse), aux articles 319 et suivants qui
régissent le contrat de travail ; c’est donc du droit privé. La Suisse a
également une législation de droit public, la loi sur le travail, complétée par
cinq ordonnances. Cette loi ne représente qu’une portion du droit du travail du
pays.
La
Constitution de la Suisse intervient faiblement dans les relations de droit
privé. Elle vise essentiellement à protéger les citoyens contre l’État, mais
elle n’a pas vocation à s’appliquer directement dans les entreprises. Le droit
international, de son côté, a peu d’influence, et notamment le droit de l’Union
européenne, dont la Suisse n’est pas membre. Le pays connaît une tradition
historique de la négociation qui a engendré des dizaines de conventions
collectives de travail. Elles ont été établies parfois au sein d’entreprises,
parfois au sein d’une branche et trouvent éventuellement une application
générale dans l’ensemble de l’ordre juridique suisse. Le droit suisse du
travail est certainement un droit libéral : il respecte le principe de la
liberté de résiliation, y compris la liberté de résilier le contrat de travail,
il n’impose pas de durée légale du travail, ni de salaire minimum national. Les
salaires minimaux, lorsqu’ils existent, sont prévus à l’échelle des cantons
(l’équivalent du département en France).
Protection
contre les congés
Concernant le licenciement, le droit suisse (articles 336 et suivants du
Code des obligations) distingue trois types de protections contre le congé
abusif, le congé en temps inopportun, et le congé immédiat injustifié. Pour le
congé abusif, le texte s’intéresse à l’intention, au motif profond de celui qui
a notifié le congé. Certains motifs ne se justifient pas dans l’ordre
juridique, ils sont considérés comme abusifs. Pour le congé en temps inopportun,
ce n’est pas le motif qui pose problème, mais le moment. Il s’agit notamment du
licenciement d’un travailleur avec une incapacité de travail en raison de la
maladie. Dans ce cas, des règles particulières s’appliquent. Enfin, dans le
congé immédiat injustifié, la personne qui résilie ne respecte pas le délai
légal, pensant pouvoir se prévaloir d’une cause admissible. Mais si le juge
considère que le motif de licenciement avancé n’est pas valable, celui-ci sera
déclaré injustifié.
Le
congé abusif
Cette matière est régie par seulement trois dispositions dans le Code des
obligations. L’une traite du principe, une autre de la sanction, et la
troisième de la procédure. D’autres normes peuvent s’appliquer en plus, ou à
leur place. En effet, il y a également lieu de tenir compte des règles de
protection contre le licenciement contenues dans les conventions collectives de
travail. Notons que la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes, qui
est une loi de droit du travail, protège essentiellement les femmes contre
toute discrimination fondée sur le sexe. Cette loi prévoit en qualité de lex
specialis quelques règles de protection contre un licenciement
discriminatoire. Par ailleurs, le droit de la fonction publique est régi par
des spécificités. En Suisse, sont pratiqués des centaines de régimes différents
puisque l’État national de la confédération a son propre droit, à l’instar des
26 cantons. De plus, beaucoup de communes ont également leur propre droit en
matière de fonction publique. En principe, ce dernier est clairement distinct
du droit privé du travail, en réalité cependant, il s’en rapproche de plus en
plus. Cette sorte d’osmose progressive fait que le droit de la fonction
publique suisse renvoie au droit privé du travail qui, souvent, s’applique à
titre de droit public supplétif.
L’article 336 est intitulé « principe ». Il ne définit pas de
manière théorique le congé abusif, il énumère néanmoins huit cas principaux aux
yeux du législateur qui les a regroupés en deux alinéas. Il est admis que cette
liste n’est pas exhaustive. La jurisprudence reconnaît des situations de
gravité similaire dans les multiples contentieux touchant le large périmètre du
congé abusif. Quelle est la logique suivie par le législateur dans ces huit
possibilités recensées ?
À l’alinéa 1, cinq cas concernent autant le congé donné par l’employeur
que le congé donné par le travailleur, c’est-à-dire le congé abusif donné par
toute partie. Est abusif le congé donné :
•
Premier cas : pour une raison inhérente à la personnalité de l’autre
partie, à moins que cette raison n’ait un lien avec le rapport de travail ou ne
porte sur un point essentiel, un préjudice grave au travail dans l’entreprise.
Ici est visé le licenciement dit discriminatoire. L’employeur licencie le
travailleur pour une raison inhérente à sa personnalité. Un tel congé est
abusif, à moins que l’employeur n’amène des preuves libératoires, une raison en
rapport avec le travail. Ainsi, licencier un travailleur parce qu’il a été
inculpé dans une affaire pénale est une décision inhérente à sa personnalité.
En principe, ce licenciement est abusif, sauf si, par hypothèse, l’inculpation
ou la condamnation pénale pourrait avoir un lien avec le rapport de travail.
Exemple : si l’employeur apprend que son employé a été condamné pour abus
de confiance ou escroquerie et qu’il le licencie pour ce motif, le licenciement
est abusif. Pourtant, l’employeur peut se prévaloir de cet argument
particulier, en l’espèce, s’il travaille dans une banque. Le prétexte valable
ici ne le sera pas forcément dans un autre contexte.
•
Deuxième cas : en raison de l’exercice par l’autre partie d’un droit
constitutionnel, à moins que l’exercice de ce droit ne viole une obligation
résultant du contrat de travail ou ne porte sur un point essentiel, un préjudice
grave au travail dans l’entreprise. Est donc abusif le licenciement notifié à
un employé parce qu’il a exercé un droit constitutionnel. Mais là encore,
l’employeur peut avancer un motif justificatif (violation d’une obligation
résultant du contrat de travail ou préjudice grave sur un point essentiel).
Autrement dit, la Constitution ne prime pas dans cette situation si l’employeur
peut démontrer que le droit constitutionnel a été utilisé à mauvais escient.
Exemple : dans un litige récent, un employeur a découvert qu’un de ses
employés était proche d’une secte, et probablement aussi d’un parti d’extrême
droite. Il a licencié l’employé pour ces motifs. L’employé a invoqué un congé
abusif. En effet, il a été licencié en raison de l’exercice de droits constitutionnels :
sa croyance, ses convictions. Licencier une personne pour son affiliation
politique est clairement abusif. Or, dans cette affaire, l’employeur était un
syndicat proche des idées socialistes sur le monde économique. Les juridictions
ont confirmé que le syndicat socialiste, entreprise dite à tendance en Suisse,
à but non économique, peut exiger que son salarié ne soit pas proche de
l’extrême droite ou d’une secte internationale, et que sinon, cela constituait
bien un motif compréhensible de licenciement.
•
Troisième cas : seulement afin d’empêcher la naissance de prétention
juridique de l’autre partie résultant du contrat de travail. Ce cas doit être
interprété restrictivement pour éviter que tout licenciement devienne abusif.
Exemple : après 20 ans de travail, le travailleur a droit à une indemnité,
mais l’employeur le licencie quelques semaines avant pour qu’il ne puisse pas y
prétendre.
•
Quatrième cas : parce que l’autre partie fait valoir de bonne foi des
prétentions résultant du contrat de travail. Les Suisses appellent cette
attitude, « le congé vengeance », ou « le congé
représailles ». Il n’est pas nécessaire que le travailleur prouve
qu’il avait effectivement droit à ses prétentions. Il suffit que, de bonne foi,
il ait pu croire qu’il y ait eu droit. Exemple : le travailleur pense
qu’il a effectué des heures supplémentaires et il demande une compensation
financière. En réalité, il ne les a pas exécutées, et l’employeur le licencie.
C’est un congé abusif puisque le travailleur pouvait estimer, de bonne foi,
qu’il avait effectué des heures supplémentaires et donc qu’il avait droit de
réclamer une compensation.
•
Cinquième cas : parce que l’autre partie accomplit un service obligatoire
ou parce qu’elle accomplit une obligation légale lui incombant sans qu’elle ait
demandé de l’assumer. Exemple : l’employé est convoqué par un tribunal
pour venir témoigner. Son employeur le licencie. Alors, il tombe sous le coup
de ce cinquième point.
À l’alinéa 2, les cas ne protègent que l’employé. Est également abusif le
congé donné par l’employeur pour chacune des trois raisons :
•
première raison : l’appartenance ou la non-appartenance du travailleur à
une organisation de travailleurs, ou l’exercice conforme aux droits d’une
activité syndicale. La liberté syndicale est protégée par la Constitution
suisse. Par ces dispositions, l’employé peut invoquer la protection prévue dans
la Constitution face à son employeur. Les Suisses nomment cela « l’effet
horizontal direct des droits fondamentaux ». « L’exercice conforme
aux droits d’une activité syndicale » fixe la limite de ce principe.
Exemple : un employé participe à une grève à la suite de laquelle il est
licencié. Le juge vérifiera si la grève était licite ou non, et
proportionnelle. Si les grévistes ont usé d’une force inutile, la justice
estimera que la grève était illicite et donc que l’exercice de l’activité
syndicale n’était pas conforme au droit. Le licenciement ne sera pas interprété
comme abusif.
•
Deuxième raison : son avènement pendant que le travailleur, représentant
élu des travailleurs, participe à une commission d’entreprise ou une
institution liée à l’entreprise, et si l’employeur ne peut prouver qu’il avait
un motif justifié de résiliation. Ici, l’activité syndicale n’est pas protégée
au sens strict, mais plutôt les représentants élus des travailleurs. Cet
employer-là bénéficie d’une distinction car dans cette deuxième raison, ce
n’est plus le motif mais le moment qui importe. Il est bien écrit « pendant
que le travailleur… » et non pas « parce que le travailleur… ».
De plus, dans cette configuration, l’abus est présumé. Il y a renversement du
fardeau de la preuve. En l’état actuel du droit suisse, il semble que l’employé
le mieux protégé dans les relations privées soit le représentant élu. Malgré tout,
l’employeur peut contrer la présomption de congé abusif en démontrant qu’il a
un motif justifié de résiliation.
•
troisième raison : le non-respect de la procédure de consultation prévue
pour les licenciements collectifs (art. 335f).
Le législateur a envisagé l’introduction d’un 9e motif
pour la protection des lanceurs d’alerte, mais aucun projet de loi n’a abouti
jusqu’à présent.
Au-delà de ces huit schémas de congé abusif, il arrive que le juge
rencontre des cas innomés. Lorsqu’un avocat représente un employé licencié, il
plaide presque systématiquement le congé abusif. Il essaie de rattacher
l’affaire soit à l’une des possibilités légales prévues, soit à d’autres
apparues peu à peu au fil de la jurisprudence très prolifique. La variété des
litiges laisse planer une insécurité juridique certaine. Quelques arrêts sont
devenus des précédents, même si le juge peut toujours s’en écarter.
Classement
de la gravité
Le
professeur Dunand a imaginé de classer des niveaux de gravité en trois catégories.
Dans la première, l’employeur ne peut se prévaloir d’aucun intérêt digne de
protection légale (exemple du fusible). Pour le tribunal fédéral, la liberté de
licencier existe certes, mais un minimum de motif correct est évidemment
indispensable. L’absence d’un point concret de grief constitue le signe qui
indique un congé abusif. Exemple : dans une banque, deux employés ont
commis des infractions pénales au détriment des clients. L’employeur a licencié
non seulement ces deux employés, mais aussi leur responsable hiérarchique qui
ignorait tout de leurs agissements. C’est le cas dit « du fusible ».
La société licencie quelqu’un de visible uniquement pour afficher devant ses
actionnaires et ses clients qu’elle prend des mesures.
Dans la
deuxième catégorie, l’employeur exploite les conséquences de sa propre
violation du contrat. Exemple : un employé est licencié parce qu’il
travaille de plus en plus mal. L’enquête menée révèle au juge qu’en réalité,
cet employé a été harcelé plusieurs mois. Il travaille de plus en plus mal
parce que sa personnalité a été atteinte. Finalement, le juge a considéré que
c’est l’employeur qui aurait dû protéger cet employé contre le harcèlement. En
licenciant l’employé qui travaille mal parce qu’il ne l’a pas protégé,
l’employeur se place en position de licenciement abusif.
Pour la
troisième catégorie, l’employeur agit sans égards (sénior). Pour le tribunal
fédéral, licencier un travailleur âgé (bien que le travailleur âgé ne soit pas
juridiquement défini) peut être considéré comme abusif. L’employeur qui
souhaite notifier un licenciement à un travailleur âgé doit faire preuve
d’égards particuliers. Cela signifie qu’il aurait éventuellement le devoir de
l’entendre avant de le licencier, alors que ce droit ne fait pas parti du régime
général. L’échange permettrait de vérifier s’il n’est pas possible de confier à
l’employé un autre poste plus adapté à ses aptitudes. Sur la thématique du
travailleur âgé, la convergence des juridictions suisses a pour résultat que
plus le travailleur est proche de la retraite (65 ans) ou plus il a travaillé
longtemps, et plus il a droit à des égards particuliers.
Les
dispositions de l’article 336 occupent donc la place centrale concernant la
notion de congé abusif dans le droit du travail suisse.
Sanction
(art. 336a CO)
En cas de
licenciement injustifié, le droit suisse n’offre pas de possibilité de
réintégration. Le congé abusif est valable. Il déploie tous ces effets. La
sanction encourue est d’ordre pécuniaire. L’alinéa premier de l’article 336a
stipule que la partie qui résilie abusivement le contrat doit verser à l’autre
une indemnité. La justice suisse se réfère à un barème plafond quant à son
montant. Le deuxième alinéa de l’article précise que l’indemnité est fixée par
le juge compte tenu de toutes les circonstances. Toutefois, elle ne peut
dépasser le montant correspondant à six mois de salaire de l’employé. Sont
réservés les dommages-intérêts qui pourraient être dus à un autre titre. Le
juge est libre de fixer le montant de l’indemnisation en-deçà du plafond. Cette
indemnité a une double fonction punitive et réparatrice. Elle punit un
comportement de l’employeur contraire au droit et répare l’ensemble du
préjudice lié au licenciement. Un travailleur ne peut pas réclamer plus,
s’agissant du licenciement, toutefois dommages-intérêts à un autre titre (type
harcèlement) s’ajouteront à l’indemnité.
Le troisième alinéa stipule qu’en cas de congé abusif au sens de l’article
336, al. 2, let. c, l’indemnité ne peut s’élever au maximum qu’au montant
correspondant à deux mois de salaire du travailleur. Une indemnité de deux mois
et non de six mois est prévue en cas de licenciement collectif. Si plusieurs
travailleurs intentent une action contre leur employeur, normalement en
difficulté économique dans le cadre d’un licenciement collectif, cette
disposition est sensée éviter de l’accabler financièrement.
La procédure (art. 336b CO)
L’employeur peut licencier sans suivre de procédure particulière. Il n’a
même pas l’obligation de notifier par écrit le licenciement, ni d’obligation de
recourir à un juge. Fournir la motivation du licenciement n’est pas obligatoire
non plus, ou du moins, son absence ne le rend pas nul. L’employé n’a pas le
droit d’être entendu sauf pour les travailleurs âgés. Dans la pratique, la procédure
correspond à des règles qui sont imposées au travailleur.
Alinéa 1 : la partie qui entend demander l’indemnité fondée sur les
articles 336 et 336a doit faire opposition au congé par écrit auprès de l’autre
partie au plus tard à la fin du délai de congé (un mois la première année
d’embauche). Le travailleur doit adresser une opposition par écrit à
l’employeur dans ce délai, sous peine de péremption de sa créance. Le juge
relèvera cet élément d’office. Si un travailleur mal informé tarde à agir, à consulter
un syndicat ou un avocat, une fois que le contrat de travail est terminé, il ne
peut plus rien demander.
Alinéa 2 : si l’opposition est valable et que les parties ne
s’entendent pas pour maintenir le rapport de travail, la partie qui a reçu le
congé peut faire valoir sa prétention à une indemnité. Elle doit agir par voie
d’action en justice dans les 180 jours à compter de la fin du contrat, sous
peine de péremption.
Concrètement, ce délai est souvent observé car si la partie a respecté le
délai de l’alinéa 1,
c’est qu’elle a été bien conseillée, et en principe, elle connaîtra celui de
l’alinéa 2. Jean-Philippe Dunand relève que c’est tout de même une forme de
restriction dans les droits du travailleur. Pourquoi ? Parce qu’en droit
suisse, une créance contractuelle se prescrit sous dix ans, une créance
salariale se prescrit sous cinq ans, et là, le travailleur ne dispose que
de 180 jours (environ six mois) pour se manifester sous peine de péremption.
La façon d’appréhender la protection contre le licenciement injustifié
diffère de la nôtre dans la culture et le droit helvétique. Les Suisses
acceptent plus facilement le licenciement, parce qu’ils sont sûrs de retrouver
un emploi tant le taux de chômage du pays est bas. On pourrait pratiquement
parler de pénurie de main-d’œuvre pour une économie nettement orientée vers la
valeur ajoutée et la technicité offrant des rémunérations fortes. Pour le
professeur, les Suisses concèdent une sorte de tolérance sociale. La protection
est relativement faible car une personne sans travail en retrouve vite. Sans
doute, la crise de la Covid va contraindre l’État à contribuer plus
généreusement au soutien de la population en difficulté. Mais globalement, le
système fonctionne parce que le taux de chômage est faible. La souplesse du
licenciement n’est sûrement pas la seule explication.
Les rôles sont, on l’a vu, inversés entre droit suisse et français,
c’est-à-dire qu’il revient au salarié suisse de suivre la procédure. De même,
c’est à lui d’apporter la preuve d’un motif abusif de licenciement. Néanmoins,
la jurisprudence montre que le tribunal fédéral reconnaît qu’un faisceau
d’indices peut suffire. La connexité temporelle est particulièrement observée.
Ainsi, dans les affaires de « congé vengeance », plus la
période entre la réclamation du travailleur et le congé est courte, et plus
l’indice sera tangible. L’employeur a quelquefois plusieurs motifs de congé,
dont un, abusif. Dans les procès qui s’en suivent, le juge cherche à discerner
le point prédominant. La question est alors de savoir si, sans le motif
illicite, l’employeur aurait licencié pareillement.
Dans la plupart des congés, l’employeur invoque soit l’insuffisance des
prestations du salarié, soit le motif économique. Ce dernier est très
facilement accepté par le système suisse. Généralement, les tribunaux
n’étudient pas la comptabilité de l’entreprise dans le détail. Ils se
contentent d’un motif économique plausible, si ce dernier ne ressemble pas à un
mauvais prétexte dénué de substance.
La sanction maximale est toujours la même, c’est-à-dire une indemnité
plafonnée à six mois de salaire, quelle que soit la gravité subjective, même en
présence de motifs fortement discriminatoires. S’agissant de la protection
contre les discriminations, le droit suisse est relativement peu armé, hormis
pour celles fondées sur le genre. À ce sujet, l’article sur la protection, de
la personnalité est devenu une disposition centrale de l’ordre juridique à
laquelle se rattachent de nombreuses protections, dont une contre la discrimination.
Exemple : dans une entreprise privée, il n’y a pas de droit à l’égalité de
traitement. L’employeur est libre de décider de verser le double de salaire à X
que ce que reçoit Y pour le même travail, à qualité identique. Imaginons une
entreprise comptant dix salariés, neuf perçoivent une prime de fin d’année, et
sans motif précis, le dixième ne la reçoit pas. Selon la jurisprudence, le
dixième n’est pas fondé à invoquer une inégalité de traitement, par contre, il
peut faire valoir une violation de sa personnalité parce qu’il est traité
différemment.
Nul doute,
le droit du travail suisse applique une logique très éloignée du notre.
C2M