Après 18 mois de travaux, le Conseil
national de la médiation (CNM), créé par l’ex-garde des Sceaux Éric
Dupond-Moretti, a rendu, en décembre dernier, un rapport d’étape, pour rendre
compte de ses travaux et chantiers, à mi-mandat. Un rapport non conclusif,
beaucoup de travail restant à accomplir face au défi que représente la
valorisation et la structuration de la médiation en France.
« Promouvoir le recours à une médiation de
qualité, accessible à tous (...), en complément ou au soutien des autres modes
amiables de règlements de différends, à l’ombre comme à distance des juges ».
Telle est la tâche - ardue - du Conseil national de la médiation (CNM) qui a
remis le 12 décembre dernier, à mi-mandat, son rapport au garde des Sceaux.
Créée
en juin 2023, prévue par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire
de 2021, cette instance composée de 41 membres-experts, tous nommés par le
ministère de la Justice, a travaillé de juin 2023 à novembre 2024 dans le cadre
d’échanges et d’auditions à l’Assemblée nationale, avec plusieurs directions du
ministère de la Justice, juridictions, associations françaises et experts
étrangers. Et a donc publié ces premiers « Avis, recommandations et
préconisations » pour améliorer la médiation en France.
Un
chantier d’ampleur, face aux défis que posent l’harmonisation, la structuration
et la mise en valeur de cette activité. « Car si la France a été l’un des premiers pays à se doter d’une loi
organisant et codifiant la médiation judiciaire, sa pratique reste encore
marginale », soulignait la présidente du CNM, Frédérique Agostini,
dans une tribune publiée en 2022. Et pour ce qui est de l’existant, la
pratique s’est développée tous azimuts. « De l’extérieur, nous ressemblons à une armée mexicaine »,
s’amuse Dominique Weber, présidente de l’association nationale des médiateurs
(ANM).
Un effort de définition préalable…
En
témoigne la première avancée présentée par le rapport d’étape du CNM :
s’atteler purement et simplement à définir le médiateur et la médiation ! Le
Conseil a voulu cette définition large et fédératrice, mais il n’a pas encore
épuisé le sujet, car « des
divergences traversent le Conseil sur la nécessité de préciser la différence
entre médiation et conciliation », deux modalités de l’amiable aux
frontières floues pour le justiciable, et dont les contours devront être
ultérieurement précisés. Pour Jean-François Pellerin, président du Syndicat
professionnel des médiateurs (SYME), représentant au CNM, « cette définition est un premier effort mais
ce n’est que la partie la plus émergée de l’iceberg, car un grand nombre de
domaines de médiation ne sont pas envisagés ».
Le
CNM s’est accordé sur la définition suivante du médiateur : tiers indépendant, impartial, formé à la médiation, sans pouvoir
de décision, favorisant l’écoute mutuelle et le dialogue entre les
participants. « Le CNM, c’est
un peu la ‘médiation à 360°’, avec des représentants de toutes les médiations :
civile et commerciale, familiale, administrative... À 40 autour de la table,
nous sommes quand même parvenus à nous accorder sur un ADN commun de la
médiation », se félicite Frédérique Agostini.
Un recueil déontologique
Le
CNM a aussi travaillé à l’établissement d’un recueil déontologique pour la
pratique de la médiation. « Car il
existe actuellement en France une multiplicité de codes, chartes et règlements
intérieurs (...) qui ne facilite guère la perception, par les utilisateurs et
les prescripteurs de médiation, du cadre déontologique dans lequel s’exerce
cette activité », souligne le rapport. Si ce recueil déontologique met
l’accent sur l’indépendance du médiateur, la garantie de confidentialité et la
qualité des échanges (« courtois, loyaux et équilibrés »),
rien n’est gravé dans le marbre. « Le recueil ne doit pas être regardé comme un document définitif, mais
comme un instrument susceptible d’être enrichi », indique le rapport.
« Nous nous sommes appuyés sur les
chartes et codes existants
(ndlr : en 2009, sous l’impulsion de fédérations de centres de médiation et de
formation, la nécessité de donner des règles éthiques à tous les médiateurs a
notamment permis de créer le Code National de Déontologie du Médiateur), mais la déontologie est une matière
évolutive qui s’enrichira avec le retour des praticiens. Il faudra tenir compte
des nouvelles pratiques et des nouveaux enjeux : développement des médiations
administratives et institutionnelles, irruption de l’IA, modalités de
financement... » Le recueil déontologique du CNM reste une avancée
pour Dominique Weber, présidente de l’ANM, qui plébiscite l’établissement d’un « socle unique dont découle tous les autres
enjeux ».
« Beaucoup d’attentes » sur la formation
des médiateurs
Par
ailleurs, « au titre de ces
obligations générales, le Conseil a approuvé l’affirmation d’une obligation de
formation faite au médiateur, élément essentiel de sa légitimité ». Il
a élaboré en ce sens un référentiel de compétences, mais a volontairement
écarté la question du nombre d’heures dévolues à la formation. « Chacun s’est accordé sur le fait que le
nombre d’heures minimum pour acquérir les compétences du médiateur découlerait
des futurs travaux du CNM sur la validation des acquis de l’expérience (VAE),
sur les passerelles nécessaires entre l’activité de médiation et les
différentes professions du droit, de la psychologie et/ou du social »,
précise le rapport.
« La formation est le volet le plus
compliqué de notre mission », reconnaît Frédérique Agostini : « Il y a beaucoup d’attentes de la part des médiateurs. » Les
formations actuelles vont de quelques heures à plus de 600 heures ; une
différence expliquée par les disparités entre les matières dans lesquelles la
médiation est enseignée, et par le niveau de spécialisation en médiation,
peut-on lire dans un article de la revue des médiations. Sans oublier « des enjeux économiques non négligeables pour
le secteur », relève aussi Jean-François Pellerin pour le SYME.
Financer la médiation : un chantier à venir
La
formation restera donc au programme du CNM pour 2025-2026. Au menu également :
les réflexions sur les questions relatives au financement de la médiation, y
compris à ses incitations financières. « Nous souhaitons qu’une possibilité de recours à la médiation soit
offerte à tous, quel que soit le profil des personnes et le type de leur
différend. Par exemple, dans un conflit interpersonnel – familial ou professionnel
- le financement peut être un problème pour les personnes pourtant désireuses
de tenter la médiation », commente Frédérique Agostini.
Le
CNM recommande notamment de poursuivre les efforts dans la rétribution au titre
de l’aide juridictionnelle (AJ) des médiateurs et des avocats accompagnants,
entérinés par un décret du 28 décembre 2023, et sur lequel le CNM avait émis un
avis favorable, estimant qu’il « venait utilement au soutien de la politique nationale de l’amiable ».
En
2025-2026, le Conseil planchera sur d’autres pistes de financement de la
médiation : financement public, financement par les intéressés et par les
assureurs. En 2023-2024, un dialogue s’est d’ailleurs instauré avec France
Assureurs concernant la participation des assurances à l’effort de l’amiable, à
travers notamment les contrats de protection juridique.
Delphine Schiltz