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Les langues régionales… ne sont pas des patois

Les langues régionales… ne sont pas des patois
Publié le 19/06/2020 à 10:00

L’article 75-1 de la Constitution énonce : « Les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France. »


Le 21 juin 2018, le président Macron se rend à Quimper afin d’évoquer son projet de décentralisation accrue. Il expose vouloir soutenir le maintien des langues régionales et termine son discours par « Bevet Breizh », « vive la Bretagne », voulant faire de la Bretagne un laboratoire de la décentralisation.


Le 7 mai 1999, la France a signé la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, mais ne l’a jamais ratifiée. Le Conseil constitutionnel, saisi par le président de la République quelques jours plus tard, a en effet considéré (décision n° 99-412 DC du 15 juin 1999) que ce texte était contraire à la Constitution, en retenant notamment les arguments suivants :


« Considérant qu’il résulte de ces dispositions combinées que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, en ce qu’elle confère des droits spécifiques à des "groupes" de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l’intérieur de "territoires" dans lesquels ces langues sont pratiquées, porte atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français ;


Considérant que ces dispositions sont également contraires au premier alinéa de l’article 2 de la Constitution en ce qu’elles tendent à reconnaître un droit à pratiquer une langue autre que le français non seulement dans la «vie privée» mais également dans la «vie publique», à laquelle la Charte rattache la justice et les autorités administratives et services publics… »


Si le statut de langue régionale permet de donner une reconnaissance à un parler local historique, d’autres langues ou idiomes sont pratiquées sur le territoire national.


 


I. Métropole


En Métropole, six langues régionales sont encore utilisées couramment : l’alsacien-francique-mosellan, le basque, le breton, le catalan, le corse et l’occitan.


Le basque, le breton, le catalan et l’occitan sont enseignés depuis 1951. Le corse est enseigné depuis 1974 et l’alsacien a trouvé sa place à l’école en 1992 avec possibilité d’épreuves orales facultatives au bac.


L’occitan englobe le gascon, le languedocien, le provençal, l’auvergnat-limousin, l’alpin-dauphinois.


Des établissements bilingues sont conventionnés (bressola catalane, ikastola basque, diwan breton), assurant un apprentissage immersif dès le plus jeune âge.


Le 17 mai 2013, l’Assemblée de Corse a adopté une proposition tendant à la co-officialité de la langue corse. Le chapitre préliminaire de cette proposition contenait le paragraphe suivant :


« La langue corse, directement issue du latin, a subi […] l’effet minorant de sa subordination écrite au toscan, langue des élites européennes, devenu ensuite l’italien. La période de francisation et de l’assimilation à l’ensemble français est celle de son individuation, autant que celle de l’amorce du déclin de la pratique et de la rupture de la transmission intergénérationnelle. Depuis le XIXe siècle, les efforts de défense, de promotion et d’élaboration de la langue, par de nombreux intellectuels, se sont heurtés au statut juridique défavorable à l’extension de son usage dans la sphère publique. Ce statut différencié entre la langue historique qui est le corse et la langue de l’État qui est le français a eu pour effet d’imposer de facto la seconde et de déprécier la première aux yeux de ses propres locuteurs. »


La proposition énonçait :


« La langue corse est la langue de toutes les institutions de Corse et de tout organisme public, employée à parité avec le français par l’État et les services publics en Corse, ainsi que par les entreprises et les medias institutionnels, la langue de la toponymie, la langue de l’enseignement à côté du français, dans des proportions et selon des modalités définies par l’Assemblée de Corse. »


Le président de la République et le gouvernement ont fait connaître leur refus de la co-officialité, qui se heurte de toute façon à l’application de la Constitution.


La signalétique routière est bilingue dans certaines régions métropolitaines. Cela ne résulte pas d’une quelconque obligation mais d’un choix politique local.


Pour mémoire, il reste quelques locuteurs de certaines langues d’oïl : franc-comtois, wallon, picard, normand, gallo, poitevinsaintongeais, bourguignon-morvandiau, lorrain.


 


II. Dans les Outremer


Outremer, plusieurs langues locales sont couramment utilisées : le tahitien, le marquisien, les langues créoles, le wallisien et futunien, les langues austronésiennes kanak.


Le tahitien est enseigné depuis 1981.


En 2001, l’Assemblée territoriale de Polynésie Française avait adopté à l’unanimité une décision permettant d’utiliser le tahitien et les langues polynésiennes devant les juridictions civiles avec interprète gratuit.


L’Ordre des avocats s’y était, tout comme le haut-commissaire, vigoureusement opposé, provoquant la censure de la juridiction administrative. Mais force est de constater que certains justiciables parlent leur langue vernaculaire devant les juridictions locales, ce qui nécessite l’intervention d’un interprète.


Les habitants des Îles australes pratiquent la langue de Ruturu, la langue de Ra’ivavae et la langue de Rapa.


Il existe un créole martiniquais, un créole guadeloupéen, un créole guyanais, ayant le statut de langues régionales depuis 1984.


Pour l’anecdote, il existe également en Guyane des parlers multiples : langues bushinenge (à base lexicale anglo-portugaise) tels le saramaca, l’aluku, le ndjuka, le paramaca, les langues amérindiennes comme le galibi (ou kalina), le wayana, le palikur, l’arawak, le wayampi… sans oublier le hmong.


Le créole réunionnais a acquis le statut de langue régionale en 2014 et est enseigné dans les écoles et étudié à l’université de La Réunion.


La Nouvelle-Calédonie connaît, outre le français des Caldoches, 28 langues kanak : nyelâyu, kumak, caac, yuaga, jawe, nemi, fwâi, pije, pwaamei, pwapwâ, dialectes de la région de Voh-Koné, cèmuhî, paicî, ajië, arhâ, arhö, ôrôwe, neku, sîchë, tîrî, xârâcùù, xârâgùrè, drubéa, numèè et, dans les Îles Loyauté : nengone, drehu, iaai, fagauvea.


Le français est la seule langue officielle dans tous les territoires ultramarins.


 

Étienne Madranges

Avocat au barreau de Versailles

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