L’article 75-1 de la
Constitution énonce : « Les langues
régionales appartiennent au patrimoine de la France. »
Le 21 juin 2018, le
président Macron se rend à Quimper afin d’évoquer son projet de
décentralisation accrue. Il expose vouloir soutenir le maintien des langues
régionales et termine son discours par « Bevet
Breizh », « vive la Bretagne », voulant faire de la Bretagne un laboratoire
de la décentralisation.
Le 7 mai 1999, la
France a signé la Charte européenne des langues régionales et minoritaires,
mais ne l’a jamais ratifiée. Le Conseil constitutionnel, saisi par le président
de la République quelques jours plus tard, a en effet considéré (décision n° 99-412 DC
du 15 juin 1999) que ce texte était contraire à la Constitution, en retenant
notamment les arguments suivants :
« Considérant qu’il résulte de ces
dispositions combinées que la Charte européenne des langues régionales ou
minoritaires, en ce qu’elle confère des droits spécifiques à des "groupes" de locuteurs de langues régionales ou
minoritaires, à l’intérieur de "territoires" dans lesquels ces langues sont pratiquées, porte atteinte aux
principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant
la loi et d’unicité du peuple français ;
Considérant que ces dispositions sont également
contraires au premier alinéa de l’article 2 de la Constitution en ce qu’elles
tendent à reconnaître un droit à pratiquer une langue autre que le français non
seulement dans la «vie privée» mais également dans la «vie publique»,
à laquelle la Charte rattache la justice et les autorités administratives et
services publics… »
Si le statut de
langue régionale permet de donner une reconnaissance à un parler local
historique, d’autres langues ou idiomes sont pratiquées sur le territoire
national.
I. Métropole
En Métropole, six
langues régionales sont encore utilisées couramment :
l’alsacien-francique-mosellan, le basque, le breton, le catalan, le corse et
l’occitan.
Le basque, le breton,
le catalan et l’occitan sont enseignés depuis 1951. Le corse est enseigné
depuis 1974 et l’alsacien a trouvé sa place à l’école en 1992 avec possibilité
d’épreuves orales facultatives au bac.
L’occitan englobe le
gascon, le languedocien, le provençal, l’auvergnat-limousin,
l’alpin-dauphinois.
Des établissements
bilingues sont conventionnés (bressola catalane, ikastola basque, diwan
breton), assurant un apprentissage immersif dès le plus jeune âge.
Le 17 mai 2013,
l’Assemblée de Corse a adopté une proposition tendant à la co-officialité de la
langue corse. Le chapitre préliminaire de cette proposition contenait le
paragraphe suivant :
« La langue corse, directement issue du latin,
a subi […] l’effet minorant de sa subordination écrite au toscan, langue des
élites européennes, devenu ensuite l’italien. La période de francisation et de
l’assimilation à l’ensemble français est celle de son individuation, autant que
celle de l’amorce du déclin de la pratique et de la rupture de la transmission
intergénérationnelle. Depuis le XIXe siècle, les efforts de défense, de
promotion et d’élaboration de la langue, par de nombreux intellectuels, se sont
heurtés au statut juridique défavorable à l’extension de son usage dans la
sphère publique. Ce statut différencié entre la langue historique qui est le
corse et la langue de l’État qui est le français a eu pour effet d’imposer de
facto la seconde et de déprécier la première aux yeux de ses propres locuteurs.
»
La proposition
énonçait :
« La langue corse est la langue de toutes les
institutions de Corse et de tout organisme public, employée à parité avec le
français par l’État et les services publics en Corse, ainsi que par les
entreprises et les medias institutionnels, la langue de la toponymie, la langue
de l’enseignement à côté du français, dans des proportions et selon des
modalités définies par l’Assemblée de Corse. »
Le président de la
République et le gouvernement ont fait connaître leur refus de la
co-officialité, qui se heurte de toute façon à l’application de la
Constitution.
La signalétique
routière est bilingue dans certaines régions métropolitaines. Cela ne résulte
pas d’une quelconque obligation mais d’un choix politique local.
Pour mémoire, il
reste quelques locuteurs de certaines langues d’oïl : franc-comtois, wallon,
picard, normand, gallo, poitevinsaintongeais, bourguignon-morvandiau, lorrain.
II. Dans les Outremer
Outremer, plusieurs
langues locales sont couramment utilisées : le tahitien, le marquisien, les
langues créoles, le wallisien et futunien, les langues austronésiennes kanak.
Le tahitien est
enseigné depuis 1981.
En 2001, l’Assemblée
territoriale de Polynésie Française avait adopté à l’unanimité une décision
permettant d’utiliser le tahitien et les langues polynésiennes devant les
juridictions civiles avec interprète gratuit.
L’Ordre des avocats
s’y était, tout comme le haut-commissaire, vigoureusement opposé, provoquant la
censure de la juridiction administrative. Mais force est de constater que
certains justiciables parlent leur langue vernaculaire devant les juridictions
locales, ce qui nécessite l’intervention d’un interprète.
Les habitants des
Îles australes pratiquent la langue de Ruturu, la langue de Ra’ivavae et la
langue de Rapa.
Il existe un créole
martiniquais, un créole guadeloupéen, un créole guyanais, ayant le statut de
langues régionales depuis 1984.
Pour l’anecdote, il
existe également en Guyane des parlers multiples : langues bushinenge (à base
lexicale anglo-portugaise) tels le saramaca, l’aluku, le ndjuka, le paramaca,
les langues amérindiennes comme le galibi (ou kalina), le wayana, le palikur, l’arawak,
le wayampi… sans oublier le hmong.
Le créole réunionnais
a acquis le statut de langue régionale en 2014 et est enseigné dans les écoles
et étudié à l’université de La Réunion.
La Nouvelle-Calédonie
connaît, outre le français des Caldoches, 28 langues kanak : nyelâyu, kumak,
caac, yuaga, jawe, nemi, fwâi, pije, pwaamei, pwapwâ, dialectes de la région de
Voh-Koné, cèmuhî, paicî, ajië, arhâ, arhö, ôrôwe, neku, sîchë, tîrî, xârâcùù,
xârâgùrè, drubéa, numèè et, dans les Îles Loyauté : nengone, drehu, iaai,
fagauvea.
Le français est la
seule langue officielle dans tous les territoires ultramarins.
Étienne Madranges
Avocat au barreau
de Versailles