Dans le contexte de réforme
des retraites, un webinaire a conjointement été organisé par le CNB et la CNBF
le 15 mars dernier pour faire le point. Si le régime autonome de retraite des
avocats semble préservé, des mesures du projet de réforme concernent toutefois
le régime des avocats dans leur système de cotisation notamment. Les représentants de la profession restent par
ailleurs vigilants sur le sort des pensions de réversion et l’annonce d’une
réforme sur l’assiette sociale des travailleurs indépendants.
Le 15 mars 2023, le Conseil
national des barreaux (CNB) et la Caisse nationale des barreaux français (CNFB)
ont organisé un webinaire intitulé « Quelle retraite pour les
avocats ? », l’occasion de passer en revue un régime de retraite
autonome finalement préservé après des mois de mobilisation de la profession pour
son maintien.
En introduction de cette
matinée d’échange, Marie-Aimée Peyron, vice-présidente du CNB, a tenu à rassurer les
avocats : « La réforme ne touche pas au régime de base ni au
régime complémentaire de notre retraite », avant de mentionner la
suppression de l’article 1er bis nouveau (portant sur
l’universalisme des régimes des retraites) ayant permis de préserver le régime
de retraite des avocats grâce à un amendement déposé au Sénat.
Une sauvegarde du régime à
laquelle les avocats ont été plus que favorables, sans quoi le montant de leurs
cotisations aurait considérablement augmenté – entraînant, craignait la
profession, la fermeture de petits cabinets – et celui de leur pension de
retraite aurait au contraire accusé une baisse significative, alors même que
leur régime spécial s’équilibre de lui-même sans aucune aide de l’État.
Un régime autonome de « confrères
qui servent les confrères »
Pour débuter cette matinée
d’échanges, le président de la CNBF Bruno Zillig a rappelé combien la
profession s’est battue depuis 2019 pour la sauvegarde du régime avant d’en
détailler ses spécificités.
Totalement autonomes, son
régime de base et son régime complémentaire sont gérés par la Caisse nationale
des barreaux français (CNBF), une caisse monoprofessionelle, où « les
confrères servent les confrères » a expliqué le président de la CNBF. En
effet, les avocats cotisent les uns pour les autres de manière solidaire :
quatre avocats en exercice cotisent pour un avocat retraité, permettant à la
CNFB de dégager des bénéfices, de deux milliards d’euros à ce jour.
De plus, le régime de
retraite des avocats comprend un régime d’invalidité avec des indemnités
journalières revalorisées de 61 à 90 euros par jour, et un régime d’aide
sociale en cas d’interruption de carrière, « un bel instrument au
service de la profession et extrêmement important », selon Bruno
Zillig.
Des régimes qui s’ajoutent
aux deux principaux, à savoir le régime de base forfaitaire qui donnera droit à
une retraite de 18 299 euros brut, mais qui peut être complété avec le
régime de retraite complémentaire. En outre, chacun peut cotiser à cette
dernière dès la première année d’exercice contre cinq ans auparavant. Ce régime
pérenne et désormais obligatoire n’est pas impacté par la réforme,
contrairement au régime des avocats.
Une simplification des
cotisations et contributions sociales pour les avocats indépendants
Parmi les mesures qui
s’appliqueraient au régime des avocats, les cotisations pourraient être
impactées. En effet, le projet de la réforme des retraites prévoit une
simplification des cotisations et contributions sociales des travailleurs
indépendants, et ce dans le but d’afficher une « équité »
contributive avec les avocats salariés. Mais cet objectif casserait l’équilibre
du régime autonome, a indiqué Gilles Not,
directeur de la CNBF, qui en a rappelé les principes.
En l’état actuel, si
l’avocat salarié dépend du régime général des salariés pour tous les risques
autres que le risque vieillesse (maladie-maternité, invalidité, chômage,
accidents du travail), il cotise en revanche de la même façon qu’un avocat
indépendant pour sa retraite de base et complémentaire. En ce sens, il touche
18 299 euros brut de retraite qu’il peut compléter avec le régime
complémentaire à points qui fonctionne sur la base de trois classes de
cotisation. Gilles Not a toutefois rappelé que s’il est possible de
changer de classe d’une année sur l’autre pour augmenter ses cotisations, il ne
sera plus possible de le faire à partir du 1er janvier 2024.
En effet, tout
avocat, qu’il soit déficitaire ou bénéficiaire, touchera la même retraite de
base, une « solidarité
très forte qui existe de moins en moins dans le paysage des retraites » a commenté le directeur de la
CNBF. Une solidarité que le CNB ne souhaite pas voir remise en cause avec la
simplification. Ce dernier a notamment sollicité que « la CSG et la
CRDS ne soient calculées que sur le bénéfice net et non sur le bénéfice brut
comme c’est le cas actuellement » est-il détaillé sur le site du
Conseil.
Recul de l’âge de départ à la
retraite : une mesure « transparente » pour les avocats
Comme l’a rappelé Jérôme Bourgeois, directeur opérationnel de la CNBF,
« l’âge moyen de départ à la retraite pour les avocats est
de 65 ans et deux mois ». L’âge de départ à la
retraite, qui sera progressivement relevé à raison de trois mois par année pour
atteindre les 64 ans en 2030, n’impacte donc pas les avocats qui « font
liquider leur droit plus tard » a ajouté Jérôme Bourgeois.
Seulement la retraite
dépendant de la durée de l’exercice pour calculer la pension, « si les
avocats doivent cotiser 172 trimestres [dès 2027], l’entrée dans la profession se
faisant à 30 ans en moyenne, il faudrait partir à 73 ans ! »
s’est alarmée Catheline Modat, membre élue du
CNB et co-responsable de la commission Protection sociale du CNB. Les
avocats seraient ainsi contraints de travailler au-delà de l’âge légal.
Toutefois, à partir de 67 ans, les
avocats pourront prendre leur retraite à taux plein – de 18 299 euros pour
le régime de retraite de base rappelons-le – sans même justifier de
l’intégralité des trimestres. Une mesure qui concernerait donc les avocats
entrés tardivement dans la profession.
Cependant, un avocat
souhaitant partir plus tôt à la retraite peut racheter des trimestres à la CNBF
– dans la limite de douze trimestre –, « à condition toutefois que la
caisse des avocats soit le premier régime après l’obtention du diplôme »
a précisé Jérôme Bourgeois.
De plus, une personne qui
aura travaillé sous un autre régime avant de rejoindre celui de la CNFB
conservera ses trimestres mais cotisera différemment et devra se manifester
auprès des deux caisses de retraites où elle aura cotisé.
Par ailleurs, la CNBF est la « seule
caisse de retraite où une femme qui suspend son activité au titre d’une
maternité va se constituer les mêmes droits qu’une femme qui n’aurait pas eu de
congés maternité » a de son côté expliqué Vincent
Maurel, membre de la commission ad hoc Protection sociale du CNB et
vice-président Province de la CNBF.
Les avocats finalement intégrés dans le dispositif
de majoration de 10 % des pensions des retraites
Ce webinaire a notamment été
l’occasion de revenir sur une « victoire » du CNB. En effet, les
avocats initialement exclus du dispositif de la majoration de 10 % de la
pension de retraite pour les parents ayant eu trois enfants ou plus, y ont
finalement été intégrés grâce à un amendement déposé sur l’action du CNB au
Sénat. Un accès légitime dans la mesure où les avocats cotisent au régime
d’allocation familiale qui les finance, alors que jusqu’à maintenant « [ils]
ne bénéfici[aient] pas de cette disposition qui pourtant était financée par la
branche famille » et non par les régimes de retraite, a expliqué Catheline
Modat.
Ainsi, tout avocat ou avocate
ayant eu un moins trois enfants bénéficiera d’une majoration de 10 % de sa
pension de retraite, « un dispositif qui va aller en favorisant et en
améliorant la pension servie par les avocats » et qui sera calculé sur
le régime de retraite de base uniquement, a complété l’avocate.
Le vice-président Vincent
Maurel a de son côté rassuré son audience : adhérer à ce dispositif ne
remet pas en cause leur régime de retraite mais vient en revanche « réparer
une injustice ».
Cependant, l’institution
représentative des avocats et la CNBF restent vigilantes sur deux points :
le sort des pensions de réversion, qui ne sont soumises à aucun plafond de
ressource aujourd’hui mais pourraient l’être à l’avenir, ainsi que sur
l’annonce d’une réforme sur
l’assiette sociale des travailleurs indépendants. Des sujets en discussion à
Bercy, à l’heure où le 49.3 s’est imposé le 16 mars dernier à l’Assemblée nationale.
Allison Vaslin