Vers une obligation d’humanité ?
Torture et inhumanité La torture est un crime en vertu du droit
international. Aux termes de la Convention européenne des Droits de l’Homme,
l’article 3 dispose : « nul ne peut être soumis à la torture ni à des
peines ou traitements inhumains ou dégradants ». Citée ainsi la CEDH dans le cadre d’un article
sur la protection animale, d’aucuns verront de l’anthropomorphisme ou de
l’antispécisme. Ce serait oublier l’esprit de la Convention comme d’autres
textes avant et après la CEDH : lutter contre l’inhumanité. Dans les prétoires, torture et actes de barbarie
se caractérisent par des violences dont la cruauté cause une souffrance qui
excède celle générée par des violences « ordinaires ». Ils soulèvent la
réprobation générale. Quelle que soit la violence des actes exercés sur
un animal, le droit français ne connait pas de crime contre les animaux (1),
contrairement aux Etats-Unis (2). L’infraction la plus élevée dans le Code
pénal ne connaît que des délits d’actes de cruauté ou de sévices graves. Il
n’existe point de torture sur un animal en droit français (3). Les faits décrits par l’association APEBA
(Association pour l’Education à la Bienveillance Animale) à La Réunion
horrifient. L’organisation, la préparation, la répétition de la violence de ces
mineurs de moins de 13 ans sur des animaux de compagnie, y compris des chiots
et chatons volés jusque dans des refuges animaliers, remplissent
d’effroi. Une violence – Des victimes (4) : violence des mineurs présumés
vulnérables Aucune violence n’est anodine. Récemment au niveau international, le Comité des
droits de l’enfant (5) a alerté sur les incidences de toute
exposition à la violence y compris celle sur les animaux. Dans son observation générale 26 publiée en septembre
2023, le Comité définit des orientations claires à l’intention des États
Membres sur ce qu’ils doivent réaliser pour faire respecter le droit de
l’enfant à un environnement propre, sain et durable. Le texte énonce : « Les
enfants doivent être protégés contre toutes les formes de violence physique et
psychologique et contre l’exposition à la violence, comme la violence
domestique ou la violence infligée aux animaux. » En France, la loi n° 2021-1539 du 30 novembre
2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre
les animaux et les hommes est venue compléter l'article L. 312-15 du Code de
l'éducation par un alinéa selon lequel « L’enseignement moral et civique
sensibilise également, à l'école primaire, au collège et au lycée, les élèves
au respect des animaux de compagnie. Il présente les animaux de compagnie comme
sensibles et contribue à prévenir tout acte de maltraitance animale. » Malgré nos
démarches auprès des autorités et instances publiques, cette «
sensibilisation » n’est pas à ce jour mise en œuvre dans les
établissements scolaires. Comment ne pas déplorer que le lien entre les
violences à l'encontre des animaux et celles aux personnes soit insuffisamment
reconnu par les pouvoirs publics (Chain-Larché, 2021) (6). Lorsque la violence est exercée devant, ou par,
un enfant sur un animal, le risque que cet enfant exerce sa violence sur des
humains plus tard, est tout sauf mineur, dérisoire (7). La violence sur un animal peut n’être
qu’un « brouillon » avant le passage à l’acte sur humain. Là encore, la situation à La Réunion corrobore
l’analyse sociale et scientifique du lien entre les violences et des timides
prémices de la prise en compte en droit. Les actes commis de gré ou de force
par ces mineurs de moins de treize ans interrogent toujours et encore sur la
présomption de vulnérabilité (8) de ces mineurs. Les facteurs de
vulnérabilité, d’ordre endogène ou exogène (social ou culturel), ne doivent pas
faire occulter les devoirs attachés aux droits de l’Humanité. Vers
une obligation d’humanité Rédigée dans le contexte de la Cop 21, la Déclaration Universelle des
Droits de l’Humanité (9) énonce autant de droits
que de devoirs pour l’Humanité, vis-à-vis d’elle-même, des générations futures,
des autres espèces et de la nature. L’article 5 dispose :
« l’humanité, comme l’ensemble des espèces vivantes, a droit de vivre dans
un environnement sain écologiquement et soutenable ». Au-delà du genre, de notre espèce, la notion d’«
humanité » en droit international vise à protéger la « famille
humaine ». Bien que dépourvue d’unité morale, l’humanité tend à rassembler
contre l’inhumanité. Les actes commis de la main d’enfants sur des
animaux nous rappellent que l’humanité, dans son acception de bienveillance,
n’est finalement pas innée chez l’humain. Elle pose la question de l’humanité
juridique (10) voire
la nécessité d’une obligation d’humanité. Face à la gravité de la situation ici et
ailleurs, il y a une impérieuse nécessité de se rassembler pour lutter contre
l’inhumanité. Pourquoi ne pas faire connaître, expliciter cette Déclaration
Universelle des Droits de l’Humanité par des avocats, dans les établissements
scolaires par exemple ? Alors parents irresponsables ou dépassés, face à
ces mineurs qui ne sont pas pénalement responsables, peut-on baisser les yeux,
se distancier de ce qui se passe à La Réunion et Mayotte, relativiser le
« problème » ? Loin d’être réduite à une question de sécurité
relevant de la compétence du ministère de l’Intérieur, la confluence des enjeux
de ce qui n’a rien d’un « fait divers » appelle à la mobilisation du
Premier ministre, précédemment ministre de l’Education, de la ministre de
l’Education,
ancienne ministre de la Justice, de l’actuel garde des Sceaux et du Secrétaire
d'État chargé de la protection de l'enfance, du ministre de l’Agriculture aux
côtés de la ministre chargée des Outre-Mer. Enfin et peut-être surtout, la question de la
santé mentale de ces mineurs se pose. Loin d’être une insulte, ni une
provocation, elle ne doit pas être un tabou. Les enfants incarnent les générations futures.
Sommes-nous armés contre l’inhumanité qui grandit ? Marie-Bénédicte Desvallon Avocate au Barreau de Paris – Solicitor of
England & Wales Responsable de la Commission ouverte Droit et
Animaux
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