Le Salon SME
(ex salon des micro-entreprises) – en partenariat avec Le Figaro entrepreneur – a organisé, le 27 mai, une
journée de conférences gratuites en ligne sur le thème « Vendre !... et savoir gérer ». Définir son offre, trouver des clients sur Internet, booster sa
prospection commerciale, utiliser les bons leviers pour vendre : autant de
préoccupations pour les entrepreneurs qui, depuis mars 2020 (début du
premier confinement), ont dû adapter leurs manières de travailler. Nous
revenons ci-dessous sur la table ronde « Sortir de sa zone de confort… vital pour vendre ! », au cours de laquelle deux entrepreneurs et une experte ont
partagé leurs conseils et bonnes pratiques.
L'entrepreneur est le premier
commercial de son entreprise, mais son parcours ne l’a pas toujours conduit à
exercer des fonctions commerciales. Postures, qualités, techniques, comment s’y
prendre pour vendre quand on ne l’a jamais fait ? Comment se former,
progresser et devenir un bon vendeur ? Comment sortir concrètement de sa
zone de confort ?
Lors de la
conférence « Sortir de sa zone de confort… vital pour vendre ! »,
animée par Bruno Jacquot, rédacteur en chef du Figaro Économie, Adrien
Chaltiel, CEO et fondateur de Eldorado.co, Emeline Combot, dirigeante de
Rencard Studio ainsi que Sylvie Esposito, coach et consultante dans les
domaines du management, du marketing, de la relation client et commerciale,
etc., ont partagé leurs conseils pour aider les entrepreneurs à « endosser
le costume de commercial ».
CONVAINCRE
SON PREMIER CLIENT
Tout entrepreneur se souvient de
son premier client. C’est en effet l’étape la plus difficile : convaincre
une première personne à faire confiance.
Comment Adrien Chaltiel et
Emeline Combot sont-ils parvenus à cette prouesse ?
Adrien
Chaltiel dirige aujourd’hui Eldorado.co, une plateforme de financement pour
start-up. Auparavant, il a créé et financé plusieurs entreprises dans les médias,
les RH, la communication digitale. Après avoir tout revendu, il est devenu
investisseur pour épauler d’autres entrepreneurs. Il est également l’auteur
d’un livre paru chez Vuibert intitulé Obtenez les meilleurs financements
pour votre projet.
Le dirigeant a raconté à Bruno
Jacquot sa première négociation alors qu’il était encore étudiant.
À la faculté de droit, Adrien
Chaltiel a créé des éditions étudiantes en droit, en sciences sociales et
économiques.
Comme il l’a affirmé lui-même, il
a convaincu son premier client « au culot ». Celui-ci, un gros
éditeur en droit et sciences économiques, ne croyait pas tellement au projet
d’édition du jeune homme. Adrien Chaltiel a défendu son plan en disant à cet
éditeur qu’il allait lui-même payer le premier exemplaire de ses éditions pour
le lui montrer ensuite. L’étudiant
entrepreneur a placé de fausses publicités dans ce numéro, a offert des encarts
publicitaires (il s’agissait d’un modèle économique de vente de publicités), et
a tiré l’ouvrage avec son propre argent.
Comme il ne pouvait pas payer
immédiatement les frais d’impression, Adrien Chaltiel a promis à l’imprimeur –
qui lui a fait confiance – qu’il allait rembourser les frais d’impression du
premier numéro en commercialisant les espaces publicitaires du second numéro.
Le jeune entrepreneur est ensuite
retourné voir son client en lui montrant l’ouvrage imprimé. Adrien Chaltiel lui
a fait croire qu’il y avait déjà des annonceurs offerts dans son premier
numéro. Ainsi il est parvenu à créer l’envie chez ce client qui a voulu faire
comme ses concurrents. Ce dernier a donc payé et fait des enchères pour des
espaces publicitaires.
« Quand on démarre, c’est
difficile de donner envie quand il n’y a pas de clients, il faut donc y aller
au culot » a insisté l’entrepreneur.
Quand on veut un premier
acheteur, il faut vendre du rêve et aussi créer une sorte de FOMO (fear of
missing out), a-t-il poursuivi, c’est-à-dire « la peur de manquer
quelque chose ».
Son premier client a voulu faire
partie des annonceurs parce que les autres y étaient. Il a bien entendu aussi
été convaincu par la qualité du travail d’Adrien Chaltiel.
Ce sont aussi le culot, la
persévérance et le savoir-faire d’Emeline Combot qui l’ont amenée à voir
aboutir son projet.
Avant d’être fondatrice de Rencard
Studio, un studio créatif qui crée des images sur des cartes postales
personnalisées et des affiches, Emeline Combot a occupé, pendant une quinzaine
d’années, diverses fonctions – dont celle d’assistante de direction – dans une
multitude d’entreprises.
Comme elle l’a précisé, Rencard
Studio a été conçu sur la base d’un business model e-commerce, mais cela ne
s’est pas passé ainsi.
Le cœur de métier de Rencard
Studio est de commercialiser des cartes réalisées par des illustrateurs et des
imprimeurs locaux. Il s’agit de carte haut de gamme. Ce projet, elle l’avait
dans la tête depuis un an et demi.
Cependant, Emeline Combot a créé
sa société au début de la crise sanitaire. En mars 2020, elle a lancé une
campagne Ulule qui s’est effondrée. Difficile pour elle de rebondir.
L’entrepreneuse a alors pris la
décision d’intégrer une boutique de créateurs dans la ville où elle habite.
Elle a dû se lancer dans de la production, « sans personne, sans argent
et sans trop savoir comment faire ».
Elle a donc essayé de « séduire »
des illustrateurs et des imprimeurs pour collaborer avec eux sur des
prototypes.
La jeune femme est parvenue à
créer ses premiers modèles ainsi.
Elle a fait de la production
elle-même en achetant des licences à des artistes (cela coûte moins cher quand
on passe sur des plateformes, a-t-elle précisé), a investi dans du matériel
professionnel. Elle a pu ainsi faire sa propre collection, ce qui lui a permis
de fournir la première boutique. Et c’est dans cette boutique qu’elle a rencontré
ses premiers clients physiques qui, à l’origine, auraient dû se trouver sur
Internet (via son site).
Au final, tout s’est très bien
passé. Emeline Combot est actuellement en train de développer d’autres points
de vente ainsi que son site Internet en ligne.
QUELLES
QUALITÉS POUR BIEN VENDRE ?
Bruno Jacquot a ensuite interrogé
ses invités sur les qualités qui, selon eux, sont nécessaires pour bien vendre.
Existe-t-il un profil psychologique particulier pour être un bon
commercial ?
Pour le fondateur d’Eldorado.co,
la meilleure qualité d’un vendeur est la capacité d’adaptation en fonction des
besoins des clients. « Un bon commercial adapte son discours et son
pitch en fonction du besoin de ses clients » a-t-il affirmé.
L’autre qualité qu’il faut avoir
est la résilience. Pour Adrien Chaltiel, même si on est en difficulté à un
instant T, il faut se convaincre qu’il y aura toujours une opportunité
commerciale plus tard. Pour cela, il faut bien entendu être capable de bien
suivre ses clients et d’être bien équipé (CRM, relance…).
Enfin, bonne humeur et
enthousiasme sont à ses yeux indispensables : « c’est aussi ce
qu’on doit dégager quand on vend ».
Emeline Combot a opiné :
« Je pense que la première qualité est l’adaptabilité et la réactivité ».
Celle-ci a également conseillé de ne pas avoir honte de demander de l’aide,
d’être humble. « On peut être extraverti et ressentir quand même un
isolement », a-t-elle réagi.
Pour Sylvie Esposito, consultante
et également auteure avec Brigitte Boussuat et Georges Etesse d’un ouvrage
intitulé Objectif satisfaction client paru en 2020 (éditions
Dunod), être vendeur n’est pas de l’ordre de l’inné, mais plutôt de l’acquis.
La compétence commerciale s’apprend, a-t-elle déclaré, il existe des techniques
de vente très utiles pour vendre.
Mais il ne faut pas oublier que
celles-ci viennent en soutien, car comme Adrien Chaltiel, Sylvie Esposito pense
qu’il faut d’abord répondre aux besoins des clients. Pour connaître ces
besoins, il faut donc savoir poser les bonnes questions.
S’agissant des compétences
personnelles, pour Sylvie Esposito, il faut faire preuve de confiance en soi et
de ténacité. « Un bon commercial est quelqu’un qui est capable
d’encaisser le non », a-t-elle argué.
En effet, a-t-elle confié, ses
meilleurs commerciaux ont des taux de concrétisation de 40 %, cela
signifie que dans 60 % des cas, ils entendent un refus. Ce qui ne les
empêche pas de persévérer.
« La technique s’apprend,
mais aussi l’agilité comportementale qui permet de s’adapter à chaque client »
a encore précisé la coach.
Celle-ci a regretté qu’à l’école,
les élèves n’apprennent pas forcément à communiquer, à prendre la parole en
public, à s’adapter à l’autre : « cela peut s’acquérir plus ou moins
facilement selon son caractère à la base ».
QUELLE FORMATION SUIVRE POUR BIEN VENDRE ?
En matière d’apprentissage,
existe-t-il des formations spécifiques pour apprendre à vendre ?
Adrien Chaltiel est entré dans
l’entrepreneuriat par un biais associatif, il n’a pas immédiatement suivi une
formation. Même si, à l’époque, il n’avait pas de revenus et avait encore le
statut d’étudiant, il ne regrette pas cette expérience, car elle lui a permis
de faire des erreurs, de se tromper, et donc d’apprendre.
Pour faire
fructifier sa société, le jeune entrepreneur a commencé par chercher des cibles
« réceptives et solvables » avec des besoins très forts. Il
s’est donc tourné vers des cabinets d’avocats, des experts-comptables, des
fonds d’investissement, des banques d’affaires, etc. « Si les cibles
sont réceptives et qu’elles ont un besoin fort, cela va faciliter la vente »
a-t-il expliqué.
Le fondateur
d’Eldorado.co a ensuite fait une formation, mais cette dernière lui a semblé
incomplète. Il aurait bien aimé avoir des cours sur les techniques de pricing
(quel est le bon prix ? et à quel moment ?), sur les différents
modèles économiques…
Selon lui, il
ne faut pas hésiter à se former via des coachs et des outils en ligne.
Emeline
Combot est elle diplômée d’un DUT techniques de commercialisation. En outre, le
fait d’avoir occupé pendant 15 ans plusieurs postes dans ce domaine, et
d’avoir été assistante de direction dans toutes les formes d’entreprises
possibles, lui a permis de voir « l’envers de tous les décors »
selon ses propres termes.
Grâce son
expérience, elle a pu engranger de nombreuses connaissances.
Avant de
créer son entreprise, la jeune entrepreneure a également demandé de l’aide à la
CCI de Morlaix. Elle n’a pas hésité à suivre la formation « 5 jours pour
entreprendre » et l’accompagnement « pass
création » proposés par la CCI.
« Cet
accompagnement est dans le concret. On prépare un prévisionnel, un business
plan, on cherche de l’argent si nécessaire… » a-t-elle précisé.
Pour parfaire ses connaissances,
Emeline Combot a également suivi une formation avec « live mentor »
sur le marketing digital.
Les techniques de vente
évoluent-elles sans arrêt, et dans ce cas, faut-il se former
régulièrement ? Ou bien certaines techniques marchent-elles tout le
temps ?
Sylvie Esposito fait de la vente
depuis plus de 25 ans, et notamment de la vente consultative.
Lors de son intervention, elle a expliqué que si les techniques de vente sont
nombreuses, elles évoluent peu en réalité.
En ce qui concerne la vente
consultative, il s’agit d’un type de vente en réponse aux besoins des clients,
mais pas forcément des besoins exprimés par celui-ci. Dans ce type de vente, on
argumente avec des avantages et des bénéfices, et pas en donnant la liste des
caractéristiques du produit. « Il existe des techniques pour faire
émerger des besoins chez les clients », a assuré la consultante.
Outre l’apprentissage de ces
techniques, il est nécessaire, selon elle, de s’entraîner régulièrement, de
faire du coaching live.
Sylvie Esposito a fait le
parallèle avec la conduite. Lorsqu’on roule depuis un certain temps, on passe
en « zone réflexes », c’est-à-dire qu’on perd de l’attention. En
vente, c’est pareil. Quand on ne sort pas de sa zone de confort, on perd alors
de l’écoute, donc de l’agilité comportementale.
En tant que consultante, durant
ses accompagnements, Sylvie Esposito assiste à la façon dont le vendeur vend et
lui fait ensuite des retours, « comme un coach sportif qui veut que son
champion progresse toujours ».
LES
ERREURS COMMISES LORS DE LA CRÉATION DE L’ENTREPRISE
Comme dit le
proverbe, « c’est en forgeant que l’on devient forgeron ». Il
est donc évident que les erreurs au départ sont tout à fait normales, cela fait
partie du processus d’apprentissage.
Adrien
Chaltiel s’est confié à ce sujet. Sa première erreur a consisté à mal s’outiller
dans la mise en place de sa stratégie commerciale.
Certes, sa
stratégie était bonne, il avait une cible clientèle, mais ses outils étaient
insuffisants : pas de mailing, de relance, de CRM, de gestion client, de
logiciels de facturation, de relations presse… Il mettait trop de temps à faire
de l’administratif par exemple.
Or, cet
écueil peut fortement ralentir la force de vente, a-t-il mis en garde.
Bref pour
lui, quelle que soit la taille de l’entreprise, il faut utiliser des logiciels,
des CRM… et éviter Excel et les relances sur son agenda !
Autre
erreur commise : le décalage entre les forces de ventes et le
marketing, entre ce qu’on annonce et vend et les forces commerciales qui sont
mises à disposition pour cela.
Par exemple,
sur son site, il était écrit que l’équipe était disponible 24h sur 24, mais le chat
ne fonctionnait pas ou alors il n’y avait pas assez de monde pour la hotline.
Grave erreur,
a-t-il estimé. Il est essentiel en effet de ne pas mettre de côté la gestion du
temps client pour ne faire que de l’acquisition.
Emeline
Combot a commis d’autres formes d’erreurs de son côté. Certes, pour elle aussi,
il est essentiel d’être bien outillé, mais ce n’est pas le principal problème
qu’elle a connu.
Celle-ci a
confié avoir au départ souffert du « syndrome de l’imposteur », ce
qui l’a conduite, dans les relations commerciales, à être « trop
gentille », oubliant qu’il faut parfois mettre de côté sa passion pour
penser business.
Quand on fait
de l’entrepreneuriat, il faut équilibrer sa démarche. « Dire trop
souvent oui au lieu de non, cela a des conséquences, a-t-elle témoigné,
ce n’est pas comme ça qu’on mange à la fin du mois ! »
Une autre
erreur commise par la jeune femme : vouloir que tout soit parfait avant de
se lancer.
Durant son
témoignage, elle a rappelé que sa cible en local et sa cible Internet n’étaient
pas du tout les mêmes. Pour créer son site Internet, il fallait donc qu’elle
réfléchisse beaucoup pour parvenir à toucher ces deux cibles à la fois.
Cependant,
Emeline Combot a été « tellement obnubilée » par le fait de
bien construire son site, qu’elle a mis presque un an à le faire, donc un an où
elle n’a presque rien vendu.
Or, « il
faut savoir lâcher prise, lancer en ligne et se dire qu’à un moment, les achats
vont se faire » a-t-elle fortement conseillé.
Dernière
erreur confiée par l’entrepreneure : ne pas avoir validé un budget à temps
avec son client. En effet, lors d’une de ses négociations, elle s’est rendu
compte un peu tard que son client cherchait des cartes fabriquées sur Internet
à 1 ou 2 euros l’unité alors que chez Encard Studio, les cartes sont vendues à
presque 6 euros
l’unité, puisqu’il s’agit de cartes haut de gamme.
Sylvie
Esposito est quant a elle revenue de son côté sur deux erreurs commises
régulièrement par les jeunes entrepreneurs.
D’abord, ces
derniers hésitent à faire des relances commerciales. Or, à en croire
l’expérience de la consultante, une vente se conclut en moyenne après sept
relances. Ce qui signifie que ceux qui n’osent pas faire de relances (par peur
de déranger, ou parce qu’ils n’aiment pas eux-mêmes être relancés) en laissant
la main au client ont totalement faux.
L’autre
erreur, selon elle, c’est de se lancer dans une argumentation directe sans
chercher à connaître le client.
Par exemple,
un mauvais vendeur va commencer par vanter les caractéristiques de son produit,
ses avantages, ses bénéfices… pour se rendre compte juste après qu’il est en
train d’essayer de vendre une tondeuse à quelqu’un qui n’a pas de jardin…
QUELQUES
CONSEILS AUX ENTREPRENEURS QUI SE LANCENT DANS LA VENTE
Pour conclure la table ronde, Bruno Jacquot a demandé à ses invités de
donner un ou deux conseils pour aider les entrepreneurs à bien vendre.
Pour la fondatrice de Rencard Studio, il faut se former, car « cela
ne s’improvise pas ». « L’aspect commercial, quand on n’est
pas commercial, n’est pas le plus sympathique », a-t-elle ajouté, mais
l’important est de trouver un équilibre entre sa passion et les affaires.
En accord avec Emeline Combot, Sylvie Esposito a conseillé aux
entrepreneurs de se former, surtout s’ils manquent de compétences commerciales.
« Je vous rassure, les formations sont assez rapides et les techniques
aussi »,
a-t-elle assuré.
L’autre élément essentiel est le réseau : il faut savoir demander de
l’aide et puiser dans les expériences des autres.
Pour Adrien Chaltiel, outre l’écoute des clients et les bons outils, il
faut surtout bien connaître son produit ou son service.
En ce qui concerne sa force commerciale, a-t-il précisé, il faut qu’elle
soit un maximum mesurable, sinon il est impossible d’améliorer ses processus de
vente.
Enfin, Sylvie Esposito a conseillé de toujours pratiquer son métier
en ayant conscience que le client peut dire non.
Et même en cas de refus, il faut préserver au maximum la relation client.
« Un non aujourd’hui est peut-être un oui demain », a-t-elle
affirmé.
D’une certaine manière, un « non » est déjà une expérience. De
surcroît, même les meilleurs ont connu des refus.
Maria-Angélica
Bailly