Une nouvelle conception des matériaux et des bâtiments
Après la loi Grenelle qui
introduit le concept de performance énergétique des bâtiments, c’est la loi du
17 août 2015 relative à
la transition énergétique pour la croissance verte qui modifie l’article L. 111-10 du Code de
la construction et de l’habitation, en prévoyant qu’un décret en Conseil d’État
déterminera les caractéristiques énergétiques et environnementales, ainsi que
la performance énergétique environnementale, notamment au regard du stockage de
carbone dans les matériaux.
La loi ÉLAN du 23 novembre 2018 modifie à
son tour l’article L. 111-9 du Code de
la construction et de l’habitation pour introduire le concept de bas carbone
avec un texte ainsi rédigé : « Les
performances énergétiques, environnementales et sanitaires des bâtiments et
parties de bâtiments neufs s’inscrivent dans une exigence de lutte contre le
changement climatique, de sobriété de la consommation des ressources et de
préservation de la qualité de l’air intérieur. Elles répondent à des objectifs
d’économie d’énergie, de limitation de l’empreinte carbone par le stockage du
carbone de l’atmosphère durant la vie du bâtiment de recours à des matériaux
issus de ressources renouvelables, d’incorporation de matériaux issus du
recyclage, de recours aux énergies renouvelables et d’amélioration de la
qualité de l’air intérieur. »
Ainsi, les liens entre énergie et
déchets, matières premières et émissions carbonées, pollution de l’air et
matériaux sont-ils établis de telle sorte que la RE 2020 intégrera
les doubles critères de performance énergétique et bas carbone.
En réalité, il s’agit d’un
changement de nature plus que d’un changement de degré. Le bâtiment est
désormais conçu comme un centre de ressources matière devant permettre la
réutilisation des matériaux, et les nouveaux bâtiments doivent être conçus dans
le but de pouvoir un jour être démolis et leurs matériaux entièrement
réutilisés.
L’année 2020 verra deux
textes essentiels pour parachever ce changement de nature.
•
L’ordonnance du 29 janvier 2020 dite
ordonnance ESSOC 2, en créant un titre 7 qui substitue à compter du 1er juillet 2021 à l’article L. 119 du Code de
la construction et de l’habitation des articles L. 171-1 à
L. 172-1 qui visent à limiter les consommations d’énergie et de ressources
des bâtiments construits et rénovés ainsi que leur impact sur le changement
climatique, sur leur cycle de vie afin qu’ils soient les plus faibles possible…
Le décret à paraître doit déterminer des résultats minimaux : 1) pour la
performance énergétique ; 2) pour la performance environnementale, évaluée
notamment au regard des émissions de gaz à effet de serre de la consommation
d’eau et de la production de déchets liés à la fabrication des composants des
bâtiments, à leur édification, leur entretien, la rénovation ou leur
démolition ; mais aussi au regard du recours à des matériaux issus de
ressources renouvelables et l’incorporation de matériaux issus du recyclage.
• la loi du 10 février 2020 relative à
la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire intégrant l’opération
de construction dans cette nouvelle logique qui est celle de l’économie
circulaire, que définit l’article L. 110-1-1 du Code de
l’environnement, substituant au modèle linéaire de l’économie traditionnelle un
modèle circulaire dans lequel les bâtiments et les matériaux de construction
s’intègrent dans un cycle complet.
Les articles qui suivent
examineront donc successivement le concept d’immobilier durable, la
réglementation actuelle sur la gestion des produits, des matériaux et des
déchets issus de la démolition ou de la rénovation significative des bâtiments,
la question des nouveaux matériaux issus ou non du réemploi et du recyclage,
puis la question de la nouvelle conception des bâtiments, et enfin les sujets
relatifs à la rénovation thermique des bâtiments, y compris le sujet des
passoires thermiques. Deux d’entre eux ont été réalisés avec une architecte et
un spécialiste du bâtiment durable, membres du réseau TREEES animé par le
cabinet. Ce réseau réunit 24 entreprises et experts de nombreux domaines
scientifiques, sanitaires, comptables, financiers, bureaux d’études, ayant pris
l’habitude de travailler ensemble, permettant ainsi une approche complète des
sujets juridiques.
Corinne Lepage,
Avocate à la Cour,
Huglo Lepage Avocats