JUSTICE

Une nouvelle étude confirme la faible efficacité des peines planchers

Une nouvelle étude confirme la faible efficacité des peines planchers
Publié le 20/03/2024 à 11:46

Une note publiée par l’Institut des politiques publiques assure que la mesure instaurée en 2007 a eu « des effets dissuasifs détectables limités ».

Les peines planchers inutiles ? Une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) publiée ce 19 mars vient confirmer les réserves au sujet de ce type de peine, en place entre 2007 et 2014 en France. Pour établir sa note, l’IPP a utilisé les informations du casier judiciaire national, alimenté par le ministère de la Justice.

Dans la publication des résultats de l’étude, l’Institut des politiques publiques pointe « des effets dissuasifs détectables limités ». Car si la loi sur les peines planchers, promulguée le 10 août 2007, a conduit à une augmentation des sanctions à l’encontre des récidivistes, avec un quasi-doublement de la durée moyenne des peines (ferme et sursis) après l’entrée en vigueur du texte, le nombre de délits commis par les récidivistes a stagné la première année de mise en œuvre du dispositif, avec en moyenne 2000 délits par mois, quand dans le même temps le nombre de délits commis par des primo-délinquants ou des réitérants n’a lui non plus pas évolué. « Des analyses statistiques plus poussées aboutissent à la même conclusion d’une absence d’effet dissuasif de la réforme à court terme », précise l’Institut des politiques publiques.

Pour mieux mesurer l’effet de la réforme sur les auteurs de plusieurs infractions, l’IPP s’est concentré sur les réitérants et les récidivistes ayant commis des délits juste avant et juste après l’instauration de la loi. L’institut a pu ainsi constater que le profil des délinquants (âge, type d’infractions, genre, etc.) est identique avant et après la mise en œuvre de la loi, alors même que les peines prononcées par la justice ont fortement augmenté pour les récidivistes.

13% de délits ciblés par la loi en moins, mais autant de délits non ciblés

L’Institut des politiques publiques s’est ensuite penché sur l’évolution des délinquants à leur sortie de prison pour observer plus précisément la force de dissuasion de la réforme, en séparant deux types de personnes : ceux ayant commis un délit identique aux infractions précédentes et pouvant permettre une application des peines planchers, et ceux ayant commis un délit différent. « Si tous les types de délits commis à la sortie évoluent pour les récidivistes condamnés plus sévèrement, on pourra conclure à un effet général d’avoir passé plus de temps en prison. Si, en revanche, on observe que seuls les délits passibles de tomber sous le coup de la loi diminuent, on pourra en conclure que les personnes condamnées dans le cadre des peines planchers ont compris la réforme et s’adaptent au texte », explique l’IPP.

Et les chiffres montrent que la deuxième hypothèse se révèle vraie. Les personnes condamnées en état de récidive pour un délit perpétré après la loi ont en effet commis, dans les quatre ans après leur sortie de prison, 13 % de délits ciblés par la loi en moins. Pour ces mêmes personnes, le nombre de nouveaux délits non ciblés par la loi n’a en revanche presque pas eu de variation. Une évolution cohérente avec l’idée d’un apprentissage de la réforme, selon l’institut : « On n’observe pas de baisse généralisée de la délinquance des récidivistes ayant été lourdement condamnés, mais une diminution circonscrite adaptée au périmètre de la réforme. » Une adaptation qui ne génère pas une baisse global de leur délinquance, assure l’étude.

L’IPP nuance néanmoins cette conclusion en supposant que, dans la durée, les personnes ayant eu à subir des peines plus sévères auraient pu par bouche-à-oreille témoigner de la sévérité de leur peine, et ainsi sensibiliser la population. « Si tel a été le cas, la loi pourrait avoir eu des effets réels à moyen terme (quoique d’amplitude modeste) malgré une absence d’effet de court terme. »

Une hausse du nombre de personnes détenues

Conséquence logique d’une hausse des peines couplée à un trop faible effet dissuasif, la place que prennent les responsables de délits commis en récidive dans le nombre total d’années de prison ferme des détenus a explosé, passant de 10 % à 30 % entre 2007 et 2014. Donnée intrigante : cet effet est toujours visible en 2016 – dernière année analysée par l’étude –, malgré l’abrogation de la loi deux ans plus tôt.

La loi aurait donc abouti à une délinquance qui se serait simplement habituée à la loi, et à un monde judiciaire qui a lui aussi pris le pli de cette loi, en continuant d’infliger de grosses peines, menant à une surcharge des prisons.

Selon l’Institut des politiques publiques, la mise en œuvre de cette loi aurait coûté au moins 146 millions d’euros par an, soit un milliard d'euros au total sur toute la durée d'effectivité de la loi.

Alexis Duvauchelle

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