Une note publiée par
l’Institut des politiques publiques assure que la mesure instaurée en 2007 a eu
« des effets dissuasifs détectables limités ».
Les peines planchers
inutiles ? Une étude de l’Institut des politiques publiques (IPP) publiée
ce 19 mars vient confirmer les réserves au sujet de ce type de peine, en place
entre 2007 et 2014 en France. Pour établir sa note, l’IPP a utilisé les
informations du casier judiciaire national, alimenté par le ministère de la
Justice.
Dans la publication
des résultats de l’étude, l’Institut des politiques publiques
pointe « des effets dissuasifs détectables limités ». Car si
la loi sur les peines planchers, promulguée le 10 août 2007, a conduit à une
augmentation des sanctions à l’encontre des récidivistes, avec un
quasi-doublement de la durée moyenne des peines (ferme et sursis) après
l’entrée en vigueur du texte, le nombre de délits commis par les récidivistes a
stagné la première année de mise en œuvre du dispositif, avec en moyenne 2000
délits par mois, quand dans le même temps le nombre de délits commis par des
primo-délinquants ou des réitérants n’a lui non plus pas évolué. « Des
analyses statistiques plus poussées aboutissent à la même conclusion d’une
absence d’effet dissuasif de la réforme à court terme », précise
l’Institut des politiques publiques.
Pour mieux mesurer l’effet de
la réforme sur les auteurs de plusieurs infractions, l’IPP s’est concentré sur
les réitérants et les récidivistes ayant commis des délits juste avant et juste
après l’instauration de la loi. L’institut a pu ainsi constater que le profil
des délinquants (âge, type d’infractions, genre, etc.) est identique avant et
après la mise en œuvre de la loi, alors même que les peines prononcées par la
justice ont fortement augmenté pour les récidivistes.
13% de délits ciblés par la
loi en moins, mais autant de délits non ciblés
L’Institut des politiques
publiques s’est ensuite penché sur l’évolution des délinquants à leur sortie de
prison pour observer plus précisément la force de dissuasion de la réforme, en séparant
deux types de personnes : ceux ayant commis un délit identique aux
infractions précédentes et pouvant permettre une application des peines
planchers, et ceux ayant commis un délit différent. « Si tous les types
de délits commis à la sortie évoluent pour les récidivistes condamnés plus
sévèrement, on pourra conclure à un effet général d’avoir passé plus de temps
en prison. Si, en revanche, on observe que seuls les délits passibles de tomber
sous le coup de la loi diminuent, on pourra en conclure que les personnes
condamnées dans le cadre des peines planchers ont compris la réforme et
s’adaptent au texte », explique l’IPP.
Et les chiffres montrent que
la deuxième hypothèse se révèle vraie. Les personnes condamnées en état de
récidive pour un délit perpétré après la loi ont en effet commis, dans les
quatre ans après leur sortie de prison, 13 % de délits ciblés par la loi en
moins. Pour ces mêmes personnes, le nombre de nouveaux délits non ciblés par la
loi n’a en revanche presque pas eu de variation. Une évolution cohérente avec
l’idée d’un apprentissage de la réforme, selon l’institut : « On
n’observe pas de baisse généralisée de la délinquance des récidivistes ayant
été lourdement condamnés, mais une diminution circonscrite adaptée au périmètre
de la réforme. » Une adaptation qui ne génère pas une baisse global de
leur délinquance, assure l’étude.
L’IPP nuance néanmoins cette
conclusion en supposant que, dans la durée, les personnes ayant eu à subir des
peines plus sévères auraient pu par bouche-à-oreille témoigner de la sévérité
de leur peine, et ainsi sensibiliser la population. « Si tel a été le
cas, la loi pourrait avoir eu des effets réels à moyen terme (quoique
d’amplitude modeste) malgré une absence d’effet de court terme. »
Une hausse du nombre de
personnes détenues
Conséquence logique d’une
hausse des peines couplée à un trop faible effet dissuasif, la place que
prennent les responsables de délits commis en récidive dans le nombre total
d’années de prison ferme des détenus a explosé, passant de 10 % à 30 % entre
2007 et 2014. Donnée intrigante : cet effet est toujours visible en 2016 –
dernière année analysée par l’étude –, malgré l’abrogation de la loi deux ans
plus tôt.
La loi aurait donc abouti à
une délinquance qui se serait simplement habituée à la loi, et à un monde
judiciaire qui a lui aussi pris le pli de cette loi, en continuant d’infliger
de grosses peines, menant à une surcharge des prisons.
Selon l’Institut des
politiques publiques, la mise en œuvre de cette loi aurait coûté au moins 146
millions d’euros par an, soit un milliard d'euros au total sur toute la durée d'effectivité de la loi.
Alexis
Duvauchelle