En adoptant en première lecture la proposition de
loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes,
l’Assemblée nationale a validé la définition donnée au contrôle coercitif, en le qualifiant de « comportement répété instaurant un état de peur ou de contrainte ».
137 voix favorables sur 157
suffrages exprimés. Le 28 janvier dernier, l’Assemblée nationale a adopté en première
lecture la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre les violences
sexuelles et sexistes, déposée le 3 décembre 2024 par Aurore Bergé, élue depuis
ministre de l'Egalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les
discriminations.
Une adoption qui vise notamment à inscrire dans le Code pénal, via l'article 3 de la proposition, la
notion de « contrôle coercitif ». Ce concept avait été utilisé par la cour d'appel de
Poitiers, le 31 janvier 2024, dans cinq arrêts concernant des
infractions pénales, telles que les violences habituelles, le harcèlement et
les menaces de mort, et déjà entérinée dans la législation canadienne,
britannique, et dans certains États d’Amérique.
En 2023, est également paru le premier ouvrage français sur le sujet intitulé Le contrôle coercitif : au cœur de la violence conjugal, de la maître de conférences HDR Andreea Gruev-Vintila, qui s'est réjouie de l'adoption de l'amendement venant définir cette notion, « fruit d'un énorme travail collectif avec les personnes
victimes, les associations de défense des droits des enfants, magistrats,
universitaires scientifiques et juristes français et internationaux, l’Institut
des Hautes Études Appliquées sur le Contrôle Coercitif ».
Avec ce texte, l’Assemblée a également approuvé la création d'une nouvelle infraction en cas de contrôle coercitif exercé par un conjoint.
Jusqu’à dix ans
d’emprisonnement pour l’auteur des faits
L’amendement n° 29 susmentionné porté Sandrine Josso (LREM) définit le contrôle coercitif comme
« des propos ou comportements répétés ou multiples, portant atteinte
aux droits et libertés fondamentaux de la victime, ou instaurant chez elle un
état de peur ou de contrainte dû à la crainte d’actes exercés directement ou
indirectement sur elle-même ou sur autrui, que ces actes soient physiques,
psychologiques, économiques, judiciaires, sociaux, administratifs, numériques,
ou de toute autre nature ». Une définition qui reconnait le contrôle
coercitif comme une « sous-catégorie » des violences psychologiques,
qualifié par Aurore Bergé en séance de violence « insidieuse ».
Ces comportements commis par
un ancien conjoint, concubin ou ancien partenaire lié à la victime par un pacte
civil de solidarité, peuvent désormais être punis de trois ans d’emprisonnement
et 45 000 euros d’amende « lorsque ces faits ont causé une
incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou n’ont entraîné
aucune incapacité de travail », selon le nouvel article 222-14-3-1 du
Code pénal. Au-delà d’une incapacité totale de travail de huit jours, les
peines encourues peuvent être portée à cinq ans d’emprisonnement et 75 000
euros d’amende.
L’auteur des faits peut ainsi encourir jusqu’à sept ans de prison et 100 000 euros d’amende si
l’infraction a créé chez la victime une situation de handicap temporaire ou
permanent, ou qu’elle a été commise sur une personne particulièrement
vulnérable, voire jusqu’à dix d’emprisonnement et 1 million d’euros d’amende
quand l’infraction a été commise en présence d’un mineur et/ou qu’elle a été
facilitée par l’usage abusif de dispositifs ou d’institutions telles que des
mesures de protections de l’enfance.
Les délais de prescription
d’un viol allongés
La proposition de loi, dans
son deuxième article, vient également allonger le délai de prescription d’un
viol « en cas de commission sur une autre victime par la même personne,
avant l’expiration de ce délai, d’un nouveau viol, d’une agression sexuelle ou
d’une atteinte sexuelle, jusqu’à la date de prescription de cette nouvelle
infraction ».
Pour Maud Bregeon, porteuse de l’amendement 32 similaire au 39 adopté,
« il est insupportable pour une victime de violences sexuelles de
s’entendre dire qu’il est trop tard, que la justice ne peut plus rien pour [elle] ».
Cet article 2 laisser ainsi « le temps aux victimes de parler [femmes
comme enfants], le temps de dénoncer les faits, d’être prêtes à affronter ce
qu’elles ont subi ». Et Aurore Bergé d’abonder : « la
victime doit savoir que sa parole ne sera jamais vaincue par le temps ».
Si l’imprescriptibilité pénale était quant à elle la « mesure la plus demandée »
par les victimes ayant témoigné auprès de la Civiise rapporte Sylvie Bonnet
(DR), porteuse de l’amendement n°4 qui vise à rendre imprescriptible l’action
publique des viols sur mineurs, elle a toutefois été rejetée. Ce, à l’instar de son
amendement n°5 qui proposait le rétablissement du premier article de cette
proposition de loi afin de permettre l’imprescriptibilité civile des viols
commis sur des mineurs, leur permettant ainsi de pouvoir obtenir une réparation.
Un coup de massue pour la
députée Emilie Bonnivard (DR) qui y a vu un « message extrêmement
violent envoyé aux victimes » et a regretté que le travail
parlementaire ne soit pas poursuivi avec en parallèle une loi-cadre comme
énoncé par la ministre de l'Egalité entre les femmes et les hommes et de la
Lutte contre les discriminations.
Une loi-cadre pour « traiter
l’ensemble des enjeux »
L’examen d’une loi-cadre
contre les violences sexistes et sexuelles a d’ailleurs été demandé par
plusieurs députés de l’Assemblée, à l’instar d’Agnès Firmin Le Bodo (Horizons),
qui souhaite une telle adoption afin « de traiter
l'ensemble des enjeux relatifs aux violences faites aux femmes et aux enfants
au sein d’un travail parlementaire approfondi ». Une demande également
formulée par Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) qui a déploré
une réponse juridique aujourd’hui pas « à la hauteur » pour
les victimes de violences.
La ministre Aurore Bergé a
annoncé, en réponse, la création d'un groupe de travail dans lequel seraient
représentés les groupes politiques de l'Assemblée nationale pour discuter de
« l'opportunité de cette loi-cadre », en lien avec le
ministère de la Justice.
D’autres députés ont pour
leur part émis des réserves quant à la proposition de loi adoptée, notamment en
ce qui concerne la définition de la notion de contrôle coercitif que Colette
Capdevielle (Socialistes) a jugée imparfaite. Cette dernière a également soulevé la
question des moyens insuffisants du service public de la justice à l’instar
d’Elise Leboucher (La France insoumise) qui a dit voir un texte qui « s'en
tient, hélas, qu'à une approche procédurale et parcellaire, sans tenir
compte du caractère structurel et systémique des violences sexuelles et
sexistes et des violences intrafamiliales ». Le groupe LFI est
d’ailleurs à l’origine d’une majorité de voix défavorables à l’encontre de la
proposition de loi.
Le texte est toutefois susceptible de changer : place désormais à la navette parlementaire.
Allison
Vaslin