Dans un souci de faciliter la création
d’entreprises et améliorer l’accès aux informations nécessaires pour les
acteurs économiques, la loi PACTE prévoit la création d’un registre unique
entièrement dématérialisé, le registre national des entreprises, lequel sera
alimenté par un guichet unique des formalités d’entreprises. L’Institut
national de la propriété intellectuelle (INPI) sera en charge de la gestion de
ces nouveaux services. Rencontre avec Anne Dufour, directrice du département
des données à l’INPI.
Pouvez-vous nous présenter ce registre national des
entreprises ?
L’article 2 de loi n° 2019-486 du
22 mai 2019, dite loi PACTE, prévoit la suppression, au 1er janvier 2023, des
différents registres des entreprises existants, dont le Registre national du
commerce et des sociétés (RNCS), actuellement tenu par l’INPI, pour la création
d’un registre unifié entièrement électronique. Ce registre national des
entreprises (RNE) unique centralisera ainsi les informations des les sociétés
commerciales du RNCS, mais aussi des entreprises artisanales précédemment
contenues dans le registre national des métiers, des entreprises agricoles du
registre des actifs agricoles et des entreprises indépendantes, dont les
professions libérales font partie.
L’ordonnance de création du RNE,
publiée le 16 septembre 2021, en confie l’autorité à l’INPI, et le nouvelle
article L. 123-50 du Code du commerce vient confirmer cette mission.
Le registre national des entreprises a
vocation à devenir l’outil de référence en matière d’information économique et
juridique relatifs aux entreprises et à leurs dirigeants, et entend fournir
facilement une vision globale de l’économie commerciale.
« Ces
deux outils combinés – guichet unique et RNE – entendent
donc simplifier les
démarches des entreprises, mais aussi favoriser l’accès aux données
commerciales. »
Ce nouveau registre sera alimenté par le guichet
unique des formalités d’entreprises, également opéré par l’INPI. Quels
objectifs sont ici poursuivis ?
Exactement, la création du guichet
unique, (article 1 de la loi PACTE) dont la mise en place est prévue là aussi
pour le 1er janvier 2023 (mais déjà accessible aux mandataires),
s’inscrit dans la logique du registre national des entreprises. Aujourd’hui, le
statut d’une entreprise définit son site d’enregistrement, complexifiant la
démarche. La création d’un guichet unique vise donc à faciliter la procédure,
avec la mise en place d’un seul point de contact.
Rappelons qu’aujourd’hui, chaque
greffe a son RCS local, et transfère ses données à l’INPI, qui les centralise
dans le RNCS. Le nouveau RNE sera alimenté par le guichet unique des formalités
des entreprises. Même si l’INPI sera également en charge de ce guichet,
l’événement (création, modification et radiation) saisi par l’entreprise sera,
comme aujourd’hui, validé par les opérateurs compétents (le greffe s’il s’agit
d’une société commerciale, la mutualité sociale agricole pour une société agricole…).
Les « valideurs » continueront à jouer leur rôle, la démarche est simplement
facilitée via cette nouvelle plateforme unique.
Ces deux outils combinés – guichet
unique et RNE – entendent donc simplifier les démarches des entreprises, mais
aussi favoriser l’accès aux données commerciales, via un accès libre et gratuit
sur data.inpi.fr. Il en va de la transparence des relations économiques.
Comment vous préparez-vous à accueillir ces
nouvelles missions ?
Cette responsabilité s’inscrit dans la
continuité de nos activités historiques et les renforce. Comme le directeur de
l’INPI Pascal Faure l’a déclaré, au-delà de la fierté que cela représente, ces
nouvelles missions permettront également d’accroître la visibilité du rôle de
la propriété industrielle dans le monde économique et attirer plus
d’entreprises.
Depuis la promulgation de la loi
PACTE, nous travaillons à la mise en place du RNE, sous la houlette de la
mission interministérielle créée à ces fins, et en collaboration avec
l’ensemble des parties prenantes. Greffes, chambres de métiers et de
l’artisanat, chambres de l’agriculture, et même l’URSSAF et les impôts…
l’écosystème est très large, et cela demande un travail précis pour animer
l’ensemble des échanges et effectuer un travail de sensibilisation et de
formation.
En interne, une équipe dédiée au
projet est à la manœuvre, et nos équipes se forment déjà en vue d’élargir leurs
compétences afin de répondre à cette nouvelle mission. Nous travaillons aussi
avec les mandataires pour anticiper ce basculement vers le RNE. Bien que nous
soyons encore dans l’attente de quelques décrets d’application venant préciser
certains points, nous sommes aujourd’hui engagés sur ces phases préparatoires
pour être prêts au 1er janvier 2023.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles
vous devez faire face ?
Je ne parlerais pas de difficultés,
mais ces missions demandent précision et organisation. Nous travaillons avec de
nombreuses parties qui accéderont au dispositif : nous devons donc prévoir un
backoffice général d’accès pour les entreprises, mais aussi des backoffices
spécifiques à destination de chacune de ces parties, ce qui complexifie la
tâche.
L’INPI a déjà à sa charge le registre national du
commerce et des sociétés (RNCS). En quoi cette expérience vous est-elle utile
dans la gestion du registre unique, notamment concernant l’accès en open data
des données ?
Depuis le début des années 50, nous gérons en effet
le RNCS qui contient actuellement 6 millions d’entreprises. Le RNE est amené à
enregistrer un peu plus de 10 millions d’entreprises. Forts de
cette expérience, nous avons assurément acquis un savoir-faire.
Actuellement, les données issues des greffes des
tribunaux à compétence commerciale centralisées dans le registre national du
commerce et des sociétés, et celles centralisées dans nos registres de propriété
industrielle (marques, brevets et dessins & modèles) sont accessibles sur data.inpi.fr.
Nous maîtrisons donc déjà la procédure de sécurité très forte qu’impose cette
mise à disposition des données, et gérons même des données confidentielles,
avec notamment certains
comptes annuels. Dans le prolongement de ce qui a été réalisé pour le RNCS, les
données du RNE seront également consultables sur ce même portail, de façon
libre, gratuite et sécurisée. Quelques données pourront également être amenées
à rester confidentielles, lorsque, par exemple, le gérant ne souhaite pas, dans
certains cas, publier ses comptes annuels, ou dans le cas de données relatives
aux bénéficiaires effectifs (par exemple le jour de naissance). Nous saurons
donc mener à bien cette mission, en assurant la sécurité des données, tout en
participant à la transparence de la vie économique.
Quels sont les autres chantiers de l’INPI ?
Au-delà
du suivi juridique et des transpositions européennes, le sujet de la
dématérialisation occupe la majorité de notre temps. L’ensemble des procédures
tendent à être entièrement dématérialisées. Le bulletin officiel de la
propriété industrielle est actuellement proposé en format PDF. Dès 2022, nous
envisageons donc de le transformer en format « base de données », le rendant
accessible sur DATA INPI, avec un accès de recherche global. À terme, DATA INPI
vise à devenir la plateforme de référence des données économiques.
Propos recueillis par
Constance Périn