Au terme d’une enquête faisant
état d’une discrimination en lien avec la situation familiale de ces salariés, le
Défenseur des droits avait adressé l’an dernier à la société une série de
recommandations. Faute de suite donnée à son injonction, l’AAI vient de rendre
public son rapport.
Après sa dernière injonction adressée à la
société Leroy-Merlin et restée « sans réponse satisfaisante »,
le Défenseur des droits vient de passer à la vitesse supérieure. L’autorité
administrative indépendante (AAI) a décidé de publier ce mardi son rapport
spécial - établi en l’absence de suivi de ses recommandations - au Journal
Officiel de la République Française, et de le médiatiser de manière non
anonyme, comme la loi le permet.
Dans ce document, elle précise avec été saisie
d’une réclamation de la part de deux salariés d’un magasin de l’enseigne situé
à Sainte-Geneviève-des-Bois, relative à des « difficultés rencontrées
dans le cadre de leur emploi ».
Ces deux personnes, embauchées depuis 2018 et
2021 comme hôtes service clients, avaient vu leurs plannings modifiés dès lors
que le magasin avait eu connaissance de l’existence de leur vie de couple. Leurs
emplois du temps avaient soudainement été établis en décalé sans qu’ils ne
puissent plus travailler ensemble, et « de telle manière à ce qu’ils
n’aient jamais un jour de repos en commun ».
Leroy Merlin n’a pas démontré « une
atteinte au bon fonctionnement » du magasin
Interrogée par le Défenseur des droits, la
société n’avait pas contesté le fait que la situation de famille du couple ait
été à l’origine du changement de leur planning. La direction du magasin avait
ainsi indiqué avoir fait application d’usages et pratiques internes : « les
collaborateurs, notamment en charge de procédure d’encaissement, qui ont un
lien de parenté ou qui sont en couple, ne peuvent pas travailler ensemble au
service client, cela pouvant entraîner un manque de contre-pouvoir »,
révèle le communiqué de presse qui accompagne ce rapport.
Cependant, le Défenseur des droits avait
considéré qu’une telle pratique avait eu pour effet d’opérer une distinction
entre ces salariés sur le fondement de leur situation de famille. L’AAI avait
notamment estimé que Leroy Merlin ne démontrait pas que le fait que ce couple
travaille ensemble portait atteinte au bon fonctionnement de l’établissement,
et n’apportait donc « pas de justification à cette restriction »
apportée à leur vie privée et familiale.
L’AAI avait donc adressé en novembre 2022 à la
société sa décision, dans laquelle elle lui recommandait de se rapprocher des réclamants afin
de procéder à une juste réparation de leur préjudice, de modifier ses pratiques
en matière de planification des horaires de travail de ses salariés afin de
respecter le principe de non-discrimination, de sensibiliser l’ensemble des
responsables à la non-discrimination, et de rendre compte des suites données à
cette recommandation dans un délai de trois mois.
Si Leroy Merlin avait contesté le caractère
discriminatoire de cette pratique et n’avait pas souhaité donné suite à ces
recommandations, désormais, la médiatisation de cette affaire changera peut-être
la donne. Le 19 avril, dans l'émission Quotidien, la Défenseure des droits Claire Hédon avait déjà menacé de rendre public son rapport. Voilà en tout cas désormais chose faite.