« Nous ne vous trahirons pas » : les annonces de Gabriel Attal pour le monde agricole


mercredi 21 février 20247 min
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Pesticides, souveraineté agricole, simplification des normes… Attendu au tournant par les agriculteurs qui se remobilisent à l’approche du Salon de l’agriculture, le Premier ministre s’est employé, lors d’une conférence de presse, à étouffer les braises qui rougeoient avec des seaux remplis de nouvelles mesures.

L’écho de la cascade de doléances du monde agricole résonnait à travers la ribambelle d’annonces prononcées ce mercredi par le Premier ministre. Lors d’une conférence de presse organisée dans la matinée, Gabriel Attal a tenté de répondre par le menu aux désidératas des syndicats de paysans dont la colère couve toujours. Ce, à moins de trois jours d’un Salon de l’agriculture qui s’annonce sous haute tension, et au moment même où de nouvelles manifestations s’organisent partout en France.

Le locataire de Matignon a donc détaillé la mise en œuvre de ses précédents engagements pris le 1er février et présenté les grands axes du projet de loi pour « une agriculture souveraine », qui sera débattu au Parlement au printemps et voté d’ici l’été, et qui concentre l’essentiel des griefs des exploitants agricoles.

« Nous ne vous mentirons pas »

« En appelant à lever leurs barrages le 1er février, les organisations agricoles et les agriculteurs eux-mêmes nous ont prêté leur confiance, a rappelé en préambule Gabriel Attal. Alors, depuis 3 semaines, avec mes ministres, nous n’avons pas cessé d’agir pour être à la hauteur de cette confiance, avec un mot d’ordre : nous ne vous mentirons pas, nous ne vous trahirons pas. » 

Sur les 62 engagements pris en concertation avec les principales organisations syndicales agricoles, « 100 % des chantiers ont été ouverts » et « huit engagements sur dix » ont abouti, ou sont sur le point d’aboutir, s’est félicité le chef du gouvernement. « Jamais autant d’avancées n’auront été mises en œuvre pour nos agriculteurs en si peu de temps. Mais je n’en tire aucune gloire : nous devions cet électrochoc à nos agriculteurs. »

Au sujet des retraites des agriculteurs, Gabriel Attal s’est dit engagé pour continuer de travailler à la construction « d’un système qui ne pénalise pas certains agriculteurs au profit d’autres » et a prévu sa mise en œuvre dans les prochains textes financiers, à l’automne prochain.

Souveraineté agricole et alimentaire et manger français parmi les priorités

Le Premier ministre a par ailleurs annoncé l’inscription de « l’objectif de souveraineté agricole et alimentaire » dans le futur projet de loi, ce qui placera l’agriculture « au rang des intérêts fondamentaux de la Nation, au même titre que notre sécurité ou notre défense nationale. Cet « acte fort » est pour le responsable « le rappel qu’il n’y a pas de pays sans paysans, qu’il n’y a pas de France sans agriculture ». Un plan spécifique pour la souveraineté de l’élevage est par ailleurs en cours de discussion. Il devrait concerner toutes les filières et offrir « des perspectives économiques claires ».

« J’assume de vouloir que nous consommions davantage français », a par ailleurs lancé Gabriel Attal, avant d’annoncer l’organisation d’une « conférence des solutions » qui devrait associer l’État et les collectivités locales d’ici avril. Le Premier ministre a notamment dit vouloir « accélérer les choses » dans la restauration collective pour répondre aux objectifs fixés dans la loi Egalim (nommée en référence aux Etats généraux de l’alimentation de 2017), qui prévoit la consommation de « 50% de produits durables et de qualité, et 20% de bio » dans les cantines.

Respect et contrôles de la loi Egalim

La loi Egalim, qui vise à protéger les rémunérations des agriculteurs, doit être « améliorée et renforcée » a répété Gabriel Attal ce mercredi, précisant que les contrôles se sont multipliés pour identifier « les fraudeurs ».

« Nous avons mobilisé 150 agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour multiplier les contrôles par deux au cours des deux dernières semaines sur l'ensemble des grands industriels et sur les supermarchés », a précisé de son côté le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Pour l’heure, 150 cas de non-conformité auraient été constatés sur les 1 400 contrôles réalisés.

« La fraude à l'Origine France, c'est à la fois une tromperie des consommateurs et un vol des producteurs », a par ailleurs déclaré le locataire de Bercy, avant d'annoncer que des opérations de contrôle ont été menées dans 1000 établissements. Selon lui, 372 d’entre eux « ne respectent pas le label Origine France ou font de la tromperie sur cette marchandise ».

Toujours sur le volet répression, Bruno Le Maire a indiqué avoir lancé des « pré-amendes » contre deux centrales d’achat européennes qui « n’ont pas respecté les dispositions de la loi Egalim ». Celles-ci ont désormais deux mois de contradictoire pour faire valoir leurs arguments. Elles risquent des sanctions à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros.

Le Premier ministre a rappelé le lancement d’une mission parlementaire pour « renforcer le dispositif Egalim ». Les conclusions de cette commission devraient donner lieu à un projet de loi pour « rééquilibrer les choses » autour de trois enjeux : la construction des prix, la place des indicateurs de coûts de production, et les centrales d’achats européennes.

Ce texte, qui vise à « renforcer le poids des agriculteurs dans les négociations commerciales, et donc améliorer leurs revenus » devrait être présenté d’ici l’été 2024. Le successeur d’Elisabeth Borne à Matignon a également appelé de ses vœux la mise en place d’un dispositif Egalim au niveau de l’Union européenne, afin de lutter contre les pratiques abusives et le contournement de la loi française.

Protection des agriculteurs face à la « concurrence déloyale »

« Nous nous battrons, produit par produit, pour le respect d’un principe simple : si c’est interdit pour nos agriculteurs, cela ne doit pas rentrer chez nous », s’est engagé Gabriel Attal, citant pour exemple la thiaclopride, un néonicotinoïde interdit en Europe depuis 2020.

Le chef du gouvernement a dit vouloir prendre un arrêté ce vendredi pour interdire l’importation de produits agricoles contenant cette substance en France et avoir formulé une demande allant en ce sens auprès de la Commission européenne.  

Simplifier les normes

Sur les 10 mesures de « simplifications nationales » prises devant les agriculteurs en Haute-Garonne, trois textes ont été pris, a assuré le Premier ministre, tandis que trois autres sont actuellement examinés au Conseil d’Etat. Ils concernent « le débroussaillement, la simplification des contentieux agricoles » et ambitionnent d’en finir avec « la surtransposition de nos seuils d’évaluation environnementale ».

Éviter « la multiplication des contrôles » sur les exploitations, permettre une « indemnisation plus facile de certains dégâts », « veiller à ce que l’urbanisation ou le développement de certains territoires n’empiètent pas sur le foncier agricole », « abandon de la hausse de TICPE sur le GNR agricole »... Par l’énumération, Gabriel Attal souligne sa volonté de simplifier les procédures pour répondre aux attentes des agriculteurs, et annonce que « 63 arrêtés préfectoraux ont déjà été modifiés » pour aller en ce sens.

Le controversé système NODU abandonné

Sur l’épineuse question des pesticides, Gabriel Attal répond, là encore, à la demande des agriculteurs. Le premier ministre l’a annoncé : « l’indicateur de référence pour suivre notre objectif de réduction ne sera plus le NODU franco-français mais bien l’indicateur européen ». Les associations écologistes avaient pourtant fait de l’abandon de cet indicateur national d’utilisation des phytosanitaires, critiqué par la FNSEA, une ligne rouge.

Le plan Ecophyto 2030 devrait par ailleurs être publié lors du salon de l’agriculture pour « acter et inscrire en toutes lettres notre changement de méthode : pas d’interdiction sans solution, pas de surtransposition, le tout, sans renoncer à notre ambition de réduire de 50% l’usage des  pesticides d’ici 2030 ». 

Faciliter la transmission des exploitations et « droit à l’essai » pour les jeunes agriculteurs 

Face à l’enjeu crucial de la reprise des exploitations, le projet de loi « réaffirme l’importance de la transmission des exploitations et ouvre aussi la question d’un droit à l’essai pour les jeunes agriculteurs », s’est réjoui Gabriel Attal, avant de détailler d’autres mesures sur ce sujet qui devraient être présentes « dans les prochains textes financiers ».

Par exemple, elles pourraient permettre « le cumul des exonérations sociales au moment de l’installation », « de relever les exonérations d’un certain nombre de taxes pour la transmission des exploitations », ou « d’agir sur le foncier »

C. Dubois

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