JUSTICE

Loi sur la justice des mineurs : le Conseil constitutionnel censure plusieurs articles centraux

Loi sur la justice des mineurs : le Conseil constitutionnel censure plusieurs articles centraux
Publié le 27/06/2025 à 16:53

Après avoir été saisi par des parlementaires de gauche, le Conseil constitutionnel a rendu le 19 juin sa décision à propos de la loi sur la justice des mineurs. Les Sages ont censuré plusieurs articles phares, estimant qu’ils n’étaient pas conformes au principe « d’adaptation de la réponse pénale à la situation particulière des mineurs ».

La loi « visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents » dite « loi Attal » - du nom du député (EPR) des Hauts-de-Seine et président du groupe Ensemble pour la République à l’Assemblée nationale - a enfin atteint sa forme finale. Après de longs débats et un passage en commission mixte paritaire, le texte a été définitivement adopté en mai dernier, soutenu par la droite et l’extrême droite. Dans la foulée, des députés et sénateurs de gauche ont saisi le Conseil constitutionnel, estimant que huit des quinze articles de la loi était contraires à la Constitution.

L’institution a rendu sa décision le 19 juin dernier, et censuré plusieurs mesures phares dont celles qui facilitaient le recours à la comparution immédiate et à l’audience unique pour certains mineurs, et celle qui prévoyait le renversement du principe d’atténuation des peines. Au total, six articles ont été partiellement ou intégralement censurés, vidant de sa substance une bonne partie de la loi. Décriée par de nombreux magistrats, avocats et éducateurs ainsi que par les parlementaires de gauche, la loi visait à durcir les règles régissant la justice des mineurs.

Principe « d’adaptation de la réponse pénale »

Au soutien de leur requête, la majorité des parlementaires auteurs de la saisine du Conseil ont invoqué le principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) « d’adaptation de la réponse pénale à la situation particulière des mineurs ». Selon ce principe à valeur constitutionnelle, lorsque des mineurs se retrouvent face à la justice, l’éducatif doit primer sur le répressif et les sanctions doivent être « adaptées à leur âge et à leur personnalité, et être prononcées par une juridiction spécialisée ou selon des procédures appropriées ».

Parmi les mesures les plus critiquées de la loi, figurait une remise en cause du principe d’atténuation des peines, en vertu duquel les mineurs n’encourent en principe que la moitié de la peine prévue pour les majeurs. D’une part, la loi écartait l’exigence de motivation du juge pour écarter le principe d’atténuation des peines face à un mineur de plus de 16 ans en récidive.

Elle prévoyait aussi que l’atténuation ne s’applique pas pour les infractions les plus graves commises en état de double récidive. Cette mesure, qui conduisait à exclure « du seul fait de l’état de récidive légale, l’application des règles d’atténuation des peines pour un grand nombre d’infractions commises par des mineurs de plus de seize ans » a été déclarée contraire à la Constitution, la loi Attal inversant le principe d’atténuation des peines.

L’accélération des jugements censurée

Les deux mesures qui visaient à accélérer le jugement des mineurs en élargissant les cas dans lesquels il était possible de déroger à la procédure de droit commun de « mise à l’épreuve éducative » ont également été déclarées contraires à la Constitution. La première visait à instaurer une comparution immédiate pour les mineurs d’au moins seize ans sous certaines conditions, et la deuxième prévoyait d’étendre le champ des infractions qui pouvaient être jugées en audience unique.

Pour censurer la procédure de comparution immédiate, les Sages ont soulevé que son recours n’étant pas réservé « à des infractions graves ou à des cas exceptionnels » et n’exigeait pas « les charges réunies soient suffisantes et que l’affaire soit en l’état d’être jugée ». La procédure de comparution immédiate est critiquée par certains juristes et associations, y compris chez les majeurs, car elle est particulièrement pourvoyeuse d’incarcération. S’agissant du second article, le Conseil constitutionnel a décidé que l’ouverture du champ d’application de l’audience à juge unique n’était pas appropriée à la recherche du relèvement éducatif et moral des mineurs.

Ces dispositions étaient particulièrement critiquées, car elles contrevenaient à un dispositif central de la justice des mineurs : celui d’une procédure pénale en plusieurs temps, dans laquelle, après une audience portant sur la culpabilité du mineur, celui-ci suit une mise à l’épreuve éducative avant le prononcé de la sanction.

Dans la version adoptée par les parlementaires, la loi prévoyait qu’un officier de police judiciaire pouvait placer le mineur en rétention en cas de soupçon de méconnaissance d’une mesure éducative, avant même le prononcé d’une sanction. Le Conseil a censuré l’article dans son intégralité, en estimant qu’il n’était pas prévu qu’une telle mesure soit prononcée « sous le contrôle préalable d’une juridiction spécialisée ou selon une procédure appropriée » à la justice des mineurs. L’article 6 qui prévoyait l’allongement de la durée de détention provisoire pour des mineurs de moins de 16 ans en matière délictuelle et sous certaines conditions pour le porter à la durée actuellement applicable en matière criminelle a également été censuré.

D’autres mesures confirmées

Certaines dispositions ont en revanche été confirmées par le Conseil, comme celle qui créée une circonstance aggravante au délit de soustraction d’un parent à ses obligations légales lorsqu’elle a pour conséquence la commission d’infractions par son enfant mineur. Les sénateurs et députés à l’initiative de la saisine estimaient que l’article allait à l’encontre du principe pénal de « responsabilité du fait personnel » selon lequel ne peut être tenu responsable que celui qui a personnellement commis une infraction.

Le Conseil a estimé que cette disposition n’avait pas pour effet de rendre le parent personnellement responsable des infractions commises par son enfant. Ainsi, lorsqu’un parent se soustrait sans motif légitime à ses obligations légales vis-à-vis de son enfant mineur et que cela conduit à la commission par ce dernier d’un crime ou de plusieurs délits pour lequel il a été condamné, et qu’il est établi que le parent s’est volontairement soustrait à ses obligations légales, le parent en question s’expose à une peine d’emprisonnement de trois ans et à 45 000 euros d’amende.

« Couvre-feu généralisé »

L’interdiction prévue par la nouvelle loi pour un mineur d’aller et venir sur la voie publique sans son représentant légal dans le cadre d’une alternative aux poursuites ou d’une mesure éducative pour six mois au maximum a elle aussi été confirmée. La loi prévoyait déjà cette possibilité, mais elle instaurait une limite à l’interdiction qui ne pouvait s’appliquer qu’entre 22h et 6h, tandis que la nouvelle loi laisse le soin au juge de fixer les limites horaires. Les parlementaires requérants voyaient dans cette mesure une forme de « couvre-feu généralisé » et une atteinte importante à la liberté d’aller et venir. Le Conseil a estimé que la mesure était conforme à la Constitution, en retenant que cette règle poursuivait un objectif de prévention des atteintes à l’ordre public, cherchait à assurer la protection des mineurs, et que ces derniers pouvaient toujours se déplacer en étant accompagnés ou pour des motifs scolaires, professionnels, ou impérieux.

Dans la foulée de la publication de la décision du Conseil, Gabriel Attal et Jean Terlier, député (EPR) et rapporteur du texte, ont publié un communiqué de presse. « Nous refuserons toujours le défaitisme et l'immobilisme. Nous n'abandonnerons jamais notre combat pour la jeunesse et l'apaisement de notre société », ont-ils indiqué, tout en précisant qu’ils commençaient à travailler sur un « nouveau texte ». Les deux députés se sont par ailleurs félicités que le Conseil ait confirmé « un bloc particulièrement important du texte concernant la responsabilité parentale en matière de délinquance des mineurs ».

Dans une autre communication diffusée vendredi 27 juin, le barreau de Paris, le Conseil national des barreaux et la Conférence des bâtonniers disent « saluer cette décision qui (…) rappelle la spécificité du droit pénal applicable aux mineurs lesquels ne peuvent être jugés comme des majeurs, quel que soit leur âge, et quelle que soit l'actualité ». Et de prévenir, dans ce même communiqué : « Les avocats resteront vigilants et mobilisés pour continuer à rappeler, en toutes circonstances, la primauté des principes constitutionnels et les engagements internationaux de la France en cette matière, comme dans d’autres, dans le respect de l’Etat de droit. » La loi a été promulguée le 23 juin dernier.

Marion Durand

 

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Mathiot
- la semaine dernière
Pitoyable. Vous jouez avec la vie des citoyens. Le gars qui a tué le chauffeur uber à Marseille avait 15 ans. Donc il va prendre dix ans donc dans cinq ans il est dehors et le Conseil Constitutionnel valide ça tranquille et les barreaux sont contents.