À Cergy, les sessions d’art du cirque pour mineurs sous le coup de la justice reprennent

Nouvelle session de rentrée pour l’association Cherche-Trouve qui accueille chaque année une quinzaine de jeunes placés dans des centres éducatifs renforcés (CER) du ministère de la Justice, dans le cadre d’ateliers alliant jeux et acrobaties. A partir du mois de septembre, et pendant 3 mois, une dizaine de jeunes vont découvrir un autre monde et participer à un projet fédérateur.


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Allison Vaslinjeudi 4 septembre4 min
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« Au début, les jeunes des centres éducatifs renforcés (CER) viennent toujours à reculons assister à nos sessions. Il faut savoir qu’ils ne sont absolument pas volontaires », explique au JSS Kevin Devesse, circassien à l’association Cherche-Trouve à Cergy, qui inaugure une nouvelle session de rentrée en ce mois de septembre. Depuis plusieurs années déjà, l’association accueille des jeunes délinquants en grande difficulté ou en voie de marginalisation et met l’art du cirque au service de la réinsertion.

En effet, en plus d’un encadrement permanent, les CER de France, qui dépendent du ministère de la Justice, prévoient des activités pour les mettre en mouvement. « Un des principes du CER étant d’apprendre à ces jeunes des choses sur leur corps », nous précise le circassien.

L’objectif de ses activités est d’établir des liens relationnels entre ces jeunes, leur apprendre le partage, la confiance, la solidarité et la vie en communauté dans une perspective de réinsertion.

Le jeu comme moyen de briser la glace

Durant une session de trois mois, huit mineurs se plongent dans un univers jusqu’alors inconnu.

Acrobatie, diabolo, trapèze, portés, jonglerie, … « On leur fait tout essayer, même s’ils n’aiment pas, avant de se diriger vers ce qu’ils ont le plus envie de pratiquer », expose Kevin Devesse qui, depuis sept ans, encadre ces jeunes à raison de quatre séances par semaine. Deux éducateurs sont également présents et participent aux exercices : « ils ont aussi un devoir d’exemplarité qui va pousser les jeunes à participer. »

Une aide plus que bienvenue : « Le premier mois est le plus difficile, car il y a beaucoup de drogue là où ils sont, et la phase de sevrage peut déclencher des tensions lors des ateliers. C’est très dur de les mettre dedans, sans compter les a priori sur le cirque. »

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Pour tenter de pallier cette difficulté, le circassien explique passer énormément par le jeu. « Ce sont des jeunes qui ont vite été “lancés” dans la rue et qui n’ont pas connu le jeu, et ils aiment vraiment beaucoup, même les plus âgés ! Mon but, c’est de leur faire passer un bon moment dans une journée où ils peuvent apprendre de mauvaises nouvelles ».

Kevin Devesse explique par ailleurs débuter les ateliers de deux heures par un temps d’échange, en leur posant toutes sortes de questions pour « essayer de les détendre ».

Pour ces jeunes, la femme est « faible »

Les sessions sont aussi l’occasion de travailler sur la confiance, avec notamment les portés collectifs et l’exercice de la colonne, un moment « très intéressant », estime l’acrobate.

Debout sur les épaules d’un autre jeune, le mineur doit se laisser tomber dans les bras des six autres « camarades » avec lesquels il y a pu y avoir des tensions. « Mais à ce moment-là, ce ne sont plus des personnes avec qui il s’est disputé. Ce sont des circassiens qui sont là juste pour son bien, et c’est super de voir ça, c’est un vrai moment fédérateur », illustre Kevin Devesse.

Un travail sur le sujet des femmes est également réalisé dans le cadre des sessions, « sujet central et compliqué pour certains jeunes » qui voient en la femme quelqu’un de « faible ».

« Lorsqu’ils arrivent au cirque et se rendent compte que le circassien est un athlète de haut niveau, ça casse complétement l’image qu’ils ont de la femme, et ils respectent totalement la personne féminine en face d’eux », nous détaille-t-il encore.

C’est pourquoi, lors de séance, Kevin Devesse s’attache à mettre en valeur son binôme féminin sur des exercices en particulier. Et quand les jeunes se proposent de faire la même chose, mais qu’ils n’y parviennent pas, « cela remet les pendules à l’heure et démontre que la femme n’est pas faible et peut s’avérer plus forte qu’eux ».

« Je n’ai jamais vu des jeunes dire, in fine, qu’il n’ont pas aimé »

Et si les débuts sous le chapiteau sont rudes, les jeunes s’investissent finalement plus qu’ils ne l’auraient cru, notamment dans le spectacle de fin de session.

Construit à partir du deuxième mois, les mineurs choisissent un art qu’ils souhaiteraient reproduire sur scène sur jour J. L’exercice de la colonne y est d’ailleurs très souvent reproduit.

Le jour de la représentation, les jeunes sont dans « une autre ambiance, ils sont stressés et ont envie de bien faire » relate le circassien, face à leurs parents voire face au juge lorsqu’il fait le déplacement.

« La constante, c’est qu’après chaque spectacle, ils sont tous très contents d’eux et de ce qu’ils ont fait. Il n’y a même jamais eu de bagarre les jours de spectacle », alors même qu’elles sont légion dans les séances. « Je n’ai jamais vu de jeunes dire, in fine, qu’ils n’ont pas aimé l’expérience », conclut Kevin Devesse.

Cette première session de l’année scolaire doit s’achever en novembre avec le traditionnel spectacle. La seconde session devrait quant à elle débuter aux alentours d’avril 2026.

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